Lettre ouverte à Madame Delphine Lacaze Conservatrice Régionale des Monuments Historiques DRAC Occitanie et à Monsieur Jean-Luc Moudenc Maire de Toulouse
Madame la Conservatrice, Monsieur le Maire,
À l’approche des Journées européennes du Patrimoine 2022, un pincement de cœur vient aux membres du Conseil pastoral de la Mission Catholique Italienne et de la Communauté italienne de Midi-Pyrénées, ainsi qu’à de nombreux Toulousains, à l’évocation de la Chapelle Notre Dame de Nazareth, et des œuvres d’art en péril qu’elle recèle.
Porche d’entrée rue Philippe Féral
(photographie de Jean Gourbeix)
Fermée au public depuis 2014, bientôt 8 ans, l’Archevêché de Toulouse, son propriétaire, « ne pouvant l’entretenir, en particulier remettre aux normes l’installation électrique », ce lieu oublié du patrimoine historique et religieux de notre ville rose, se délite dangereusement mettant en péril les chefs-d’œuvre qu’il recèle.
Ne pouvant plus être utilisée pour des offices religieux par la Mission Catholique Italienne de Toulouse, qui y a effectué justement sa mission pendant près d’un siècle, ni par les Petites Sœurs de l’Agneau à qui elle avait été dévolue avant qu’elles ne s’installent dans l’ancien couvent des religieux de Saint-Antoine-du-Salin rue Pharaon, cette Chapelle est totalement à l’abandon, comme le montrent les photos ci-jointes.
Il avait été suggéré à l’ancien archevêque du Toulousain, Monseigneur Le Gall, par le Conseil pastoral de la M.C.I, d’en faire don à la Mairie de Toulouse pour la remettre à niveau et en faire un lieu culturel, ne serait-ce qu’avec des concerts d’orgue puisqu’elle abrite un instrument du facteur Théodore Puget, qui ne demandait qu’un « bon toilettage pour faire vibrer de nouveau les amateurs », comme l’affirmait le regretté Jean-Claude Guadarini (co-titulaire des instruments de Notre-Dame du Taur et de Saint Sernin), prêt à s’investir dans cette tache juste avant sa disparition brutale en 2020; il allait d’ailleurs solliciter à ce sujet le facteur Jean Daldosso de Gimont (Gers).
Sans effet à ce jour, si ce n’est une dégradation désolante.
Nous suggérons donc à la Mairie de Toulouse d’en faire l’acquisition (si elle est toujours la propriété de diocèse), dans le cadre de la loi de 1905, et les lois complémentaires de 1907-1908, qui fixent une organisation toujours valable: les édifices du culte antérieurs à 1905 appartiennent à d’Etat ou aux communes. Leurs propriétaires en assurent l’entretien: ils sont affectés gratuitement à une association culturelle.
Afin qu’elle soit rendue aux Toulousains et aux amateurs d’art, qu’elle soit de nouveau ouverte lors des Journées du Patrimoine, que puissent y être organisés des événements culturels respectant la vocation première du lieu, en particulier des concerts d’orgue dans la grande tradition toulousaine, car elle a une très belle acoustique non seulement pour cet instrument mais aussi pour la voix chantée et parlée avec une réverbération très courte.
Veuillez agréer, Madame la Conservatrice, Monsieur le Maire, l’expression de nos salutations distinguées.
Eric Fabre-Maigné Chevalier des Arts et Lettres
Domenico Zago Professeur agrégé émérite
Docteur Michel Ollé…
Pour en savoir plus:
NOTRE DAME DE NAZARETH WIKIPEDIA
La Chapelle Notre Dame de Nazareth : un monument historique oublié
Cette Chapelle est un harmonieux édifice gothique construit de 1452 à 1520, sur le site d’un oratoire abritant une statue de la Vierge découverte vers 1265 devant la Porte Montgaillard (Jardin des Plantes), lors du re-creusement des fossés de la ville: la Maison de la Vierge, objet de grande dévotion, prendra le nom de Notre Dame de Nazareth, par allusion à l’église de cette ville de Judée, la plus grande du Moyen-Orient. Devenue Chapelle des gens du Palais de Justice, elle a accueilli les sépultures de plusieurs de leurs notables.
On peut lire au-dessus de l’autel la mention « autel privilégié », ce qui signifie qu’un Pape (peut-être Pie XI dont les armoiries sont visibles sur un des murs) avait accordé ce titre, moyennant finances sans doute, pour célébrer des offices sous sa bénédiction et délivrer des indulgences.
Le maître-autel est surmonté d’un fronton et d’un retable en bois doré à colonnes cannelées encadrant une magnifique Annonciation du XVIIème siècle. De part et d’autre, 4 bas-reliefs en bois peint doré du XVIIIème siècle. dont un représente une Vierge à l’Enfant ; au-dessus encore, un tableau de la Visitation attribué à Jean-Pierre Rivals (1625-1706), architecte et peintre toulousain de renom. Le vitrail de l’abside daté du XVème siècle, un des très rares épargnés par la Révolution, représente une Nativité dans l’étable; au sommet, la Maison de Nazareth, la Santa Casa, qui selon la tradition est portée par les anges de Palestine à Lorette en Italie. Est évoquée par là l’origine de cette Chapelle.
Les deux chapelles Nord présentent de remarquables retables en bois doré à colonnes du XVIIème siècle, la chapelle Saint Joseph, plus stricte, conserve un tableau de Sainte Catherine de Sienne (sainte patronne de l’Italie) qui œuvra longuement pour le retour à Rome des Papes d’Avignon: en haut à gauche, y figure Saint Pierre du Vatican; le couvent de son ordre, les Dominicaines, se situait à Toulouse, sensiblement à l’emplacement de l’actuelle Grande Poste.
Au fond de la nef, face Sud, une importante toile de 2,8m sur 2,2m datée du XVIème siècle représente une autre Vierge à l’Enfant, en compagnie de Saint Ignace de Loyola et d’un ange, couvrant de son manteau 9 religieuses vêtues de noir et blanc: les vêtements de celles-ci, semblables à ceux des Bénédictines, permettent d’identifier un ordre féminin, les religieuses de Notre Dame, ou religieuses du Sac, qui avaient leur maison sise rue Larrey (ancienne rue du Sac).
L’orgue du XIXème siècle est l’œuvre de Théodore Puget.
N’oubliez pas de lever la tête vers le superbe plafond aux tons bleus célestes !
Le 6 mars 1954, par ordonnance du Cardinal Saliège (si cher à notre cœur comme Juste des Nations), elle est devenue le siège de la Mission Catholique Italienne de Toulouse, qui a accueilli tout au long du XXème siècle les nombreux immigrants, les hébergeant dans la maison attenante et les aidant à s’insérer dans la société française. Une messe en italien y a été célébrée pendant des décennies le premier samedi du mois à 18h; jusqu’à sa fermeture en pour raison de sécurité. Des concerts respectant l’esprit du lieu y ont été aussi organisés lors des Journées du Patrimoine en particulier, l’acoustique du lieu étant tout à fait adaptée pour les instruments acoustiques et la voix humaine, avec une réverbération très courte ; jusqu’en 2014 donc.
Mais la spiritualité, la solidarité, comme la convivialité de ses fondateurs perdurent toujours en ces lieux qui ne demandent qu’à revivre.
4 rue Philippe Féral – 31000 Toulouse
https://fr.wikipedia.org/wiki/Chapelle_Notre-Dame-de-Nazareth_de_Toulouse