Historienne d’art, critique, et spécialiste de la photographie, Martine Ravache a collaboré avec tous les titres français de la presse spécialisée. Elle a créé un atelier pédagogique intitulé « Apprendre à voir », actuellement animé au sein de l’agence photo VU. Avec son ouvrage « REGARDS PARANOIAQUES – La photographie fait des histoires », elle se fait essayiste et enquêtrice pour replonger dans le révélateur quelques photos qui n’avaient semble-t-il pas dit leur dernier mot… A moins que nous, regardeurs, n’ayons pas fini de délirer à leur sujet?
Elle signera son livre ce samedi 17/09 à 17h au village du Festival photo toulousain MANIFESTO.
Avec le titre Regards Paranoïaques, Martine Ravache s’oblige naturellement à préciser le fond de sa pensée, et l’angle de vue qui cerne le champ de ses investigations.
Vous avez dit parano?
Classée maladie grave en psychiatrie, le terme paranoïa, une fois « passé dans le vocabulaire courant, recouvre une rumeur que les gens perçoivent confusément. Chacun a son idée mais personne n’a la même ». N’en irait-il pas de même pour le regard, questionne Martine Ravache, par sa capacité à capturer le vivant, exposant dans le même temps le photographe à être lui-même regardé? Le regard peut alors se définir comme une rencontre, avec tout ce que cela implique « … de malentendus, de quiproquos, de soupçons, de tromperies, d’impostures, de délires d’interprétations, d’hallucinations, et de controverses. »
Même punition pour le regardeur évidemment, tout aussi qualifié pour transformer ce qu’il perçoit en ce qu’il se raconte, aussi vrai que « délirer sur une image est plus facile que la décrire! » [M.Ravache]
Cela posé, l’autrice compose avec sa propre intuition au travers des récits qui font ce livre, enquêtes ou investigations plutôt qu’analyses, sur des photographies qui lui semblent cacher quelque chose. « J’interroge donc en parallèle des photographies à histoire et un regard qui par nature s’égare. » écrit-elle encore.
Quelles sont ces photographies? Qui sont les photographes? Qu’est-ce qui a accroché le regard de Martine Ravache?
Gisèle Freund, sujet d’enquête – pour son célèbre portrait de Virginia Woolf – et sujet de rencontre avec Martine Ravache pour en apprendre sur son parcours de femme-artiste et de photographe.
Jacques-Henri Lartigue et son envie de couleurs, à l’opposé du refus des mêmes par le malien Seydou Keita, dont les scènes évoquent irrépressiblement les bouquets de couleur de la peinture du Quatrocento.
Robert Doisneau et la fameuse controverse à propos du Baiser de l’hôtel de ville : street-photography ou mise en scène professionnelle? Et où se situe le vrai préjudice?
Henri Cartier-Bresson où on ne l’attendait pas – et peut-être lui non plus avec une image révélatrice d’un eye-contact qui semble avoir supplanté l’instant décisif. Décodage avec un détour chez Irving Pen, Richard Avedon, et la Comtesse de Castiglione.
Autoportrait et révolution chez Laurence et Dominique Sudre, réalisé dans la foi ardente des 70’s où, comme l’écrit Hervé Guibert, cité par Martine Ravache: « Je crois que ce sont d’autres choses que les objectifs qui font de « bonnes photos », des choses immatérielles, de l’ordre de l’amour, ou de l’âme, des forces qui passent par là et qui s’inscrivent, funestes, comme le texte qui se fait malgré soi, dicté par une voix supérieure. » (H.Guibert: Suzanne et Louise, Paris, Gallimard, 2005)
Compassion enfin, dévoilée dans les montages-photomatons de Markus Hansen. Un travail de longue haleine, chemin ou thérapie, mené de 2001 à 2017. « Ce travail, quelquefois, je le fais juste pour vérifier si mon cœur bat, mon cœur créatif, j’entends. (…) J’ai besoin de savoir régulièrement où j’en suis avec les autres et avec moi-même (…).«
L’événement à Manifesto
Regards Paranoïaques a eu la mauvaise fortune de paraître au début des années covid – période dure. Flinguée la campagne de lancement… Dommage, cet ouvrage aurait pourtant ouvert des horizons salutaires dans cet immense champ de lecture rendu disponible en ces jours de réclusion contrainte. Et bien sûr, l’embouteillage des publications ou autres événements programmés à la « rentrée » n’a sûrement pas réparti équitablement les coups de projecteurs – on sait comment ça marche… .
Rattrapons-nous à Manifesto et dans toutes les bonnes librairies avec cet essai réussi, véritable page-turner, à la fois captivant et extrêmement novateur dans l’observation d’un regard qui ne peut décidément demeurer vierge – si tant est qu’il le fut jamais?
Au programme
Martine Ravache signera son livre et rencontrera lecteurs et photographes dans le cadre du Salon des éditeurs, programmé au village de Manifesto, place saint-Pierre à Toulouse, ce samedi 17/09 à 17h.
Le lendemain, dimanche 18/09 à 16h au même village, elle sera modératrice dans la conférence-débat : “Des femmes dans la photo, des femmes sur la photo” avec, Charlotte Flossaut, Sylvie Hugues, Sylvaine Lecoeur, Coline Miaihle, Patricia Morvan, Brigitte Patient, Véronique Sutra, Ericka Weidman.
Regards Paranoïaques – La photographie fait des histoires, Editions du Canoë, Paris, 2019