Sœur Marie-Thérèse des Batignolles possède désormais son adaptation théâtrale ! Après quelques prestations remarquées à la capitale, le spectacle arpente le sud et sera de passage le 29 août au château de la Garrigue. À l’occasion de ce rendez-vous, Culture 31 s’est entretenue avec Gabriel Dermidjian, comédien principal de la pièce. Un entretien découverte, de quoi découvrir différemment la célèbre religieuse…
Bonne sœur mythique du magazine Fluide Glacial, Sœur Marie-Thérèse des Batignolles s’échappe le temps de quelques scènes des planches de son créateur Maëster, pour rejoindre celles du château de la Garrigue le 29 août prochain. Culture 31 en avait parlé il y a peu, à l’occasion des scènes d’été, ce spectacle fait partie de nos coups de cœur en vue de l’événement. Afin de mieux comprendre les origines et enjeux de cet audacieux pari scénique, quoi de mieux que les mots de Gabriel Dermidjian, comédien principal de ce huis clos ? Entretien.
Gabriel Dermidjian l’interview…
Ce spectacle a vu le jour après votre rencontre avec Michel Rodrigue (BD Cubitus), lorsque ce dernier a confié qu’il trouvait en vous une ressemblance avec le personnage de Sœur Marie-Thérèse des Batignolles. Comment avez-vous réagi à cette remarque ? Quels étaient vos rapports avec cette BD avant le début de cette aventure ?
Michel Rodrigue m’a vu su scène pour un spectacle. Par mes grimaces, mes gestes et dans mon jeu très expressif, il discerne distinctement les traits de Marie-Thérèse. “Tu as la gueule de sœur marie. Tu enlèves le bouc et on a le personnage”. Comment j’ai réagi ? Je crois qu’on réagit avec sourire à ce compliment qui en n’est pas vraiment un. De cette remarque amusante, est venu l’idée de pousser au bout cette incarnation. On est allé voir Maëster pour lui demander son avis, il a validé le concept, le feeling était excellent. C’était il y a cinq ans, le projet est né comme ça.
Pour ce qui est de la BD, j’ai toujours grandi avec Fluide Glacial et les aventures de sœur Marie-Thérèse. Elle a toujours existé avec moi, ça n’a rendu le projet que plus naturel.
“Dans une époque où les comportements masculins sont souvent montrés du doigt,
je trouvais ça bien qu’un comédien de 130 kg apporte de la tendresse et une conscience des problématiques sociales dans son jeu”Gabriel Dermidjian
Ce personnage de Marie-Thérèse d’ailleurs, en quelques mots, quel est-il ?
Quels sont ses caractéristiques, ses enjeux ?
Elle est sulfureuse, rock’n roll, c’est une religieuse tempétueuse ! Elle est aussi cogneuse, sans filtre, buveuse…
Je la vois comme une grand-mère de village, sans filtre, cash. Mais pour cette pièce, j’ai aussi tenu à lui apporter une touche de tendresse. Je lui montre des failles, la montre sous un visage plus intime. On n’aime pas quelqu’un qui est uniquement représenté par sa dureté. Dans la pièce, Marie-Thérèse a des fragilités et des carences. Cette pièce ne veut absolument pas être un condensé de vulgarité gratuite. Elle prend le pari audacieux de croiser la religion au caricatural, c’est pourquoi il y a bien plus d’une lecture possible que ce qu’on imagine. Je trouve par exemple qu’une aura féministe se dégage du personnage. Marie Thérèse ose s’insurger contre la misogynie. Dans une époque où les comportements masculins sont souvent montrés du doigt, je trouvais ça bien qu’un comédien de 130 kg apporte de la tendresse et une conscience des problématiques sociales dans son jeu. Le théâtre peut aussi emmener ces éléments, même dans une pièce où on ne les attend pas. Marie-Thérèse existe depuis plus de 40 ans, on lui donne une nouvelle vie. On lui apporte un tas de nuances.
Comment avez-vous apprivoisé cette incarnation sur scène ? Comment devient-on Sœur Marie-Thérèse ?
Une étape majeure de l’immersion passe par la musique. Confiée à Frédéric Manoukian, la bande sonore est entièrement originale. La lumière également, le travail est millimétré. Pour ce qui est d’incarner le personnage, j’ai énormément travaillé avec Maëster, ses amis, des lecteurs fidèles… Pour le costume, on s’est même rapproché d’entreprises spécialisées en tenues de droit. Costume moulé, accessoires inédits, je n’en dirais pas plus, mais le pari est réussi ! Cette pièce a pour objectif de donner vie à Marie-Thérèse des Batignolles, il fallait se donner les moyens de notre ambition.
Une BD au théâtre, le travail de Pierre-Emmanuel Barré (metteur en scène), n’a pas dû être des plus simple. À votre échelle, en tant que comédien principal, est-ce qu’il y avait des consignes des lignes directrices à adopter pour ce type de transposition ?
La précision de Pierre Emmanuel pour la mise en scène a été sans nom. C’est un auteur hors pair, un metteur en scène excellent, un frangin maintenant. Il savait où aller. On a travaillé ensemble avec malice et ingéniosité. Tout le monde a mis du cœur autour de ce projet. Thérèse unit les gens.
Est-ce qu’il y a une scène que vous aimez tout particulièrement jouer ? Si oui, peut-on en avoir une petite description ?
Je pense aux instants musicaux. Ce sont des scènes dans lesquelles elle se confie, où elle sort de son personnage guerrier, on la voit à nue, elle est hyper fragile, humaine. Ces moments, je les adore.
“La précision de Pierre Emmanuel pour la mise en scène a été sans nom.
C’est un auteur hors pair, un metteur en scène excellent, un frangin maintenant”Gabriel Dermidjian
Vous avez déjà eu l’occasion de jouer cette pièce une fois à Paris. Quels sont les retours publics ? Il y en a-t-il un qui vous plus marqué que les autres ?
Le public est très réceptif. Quand je rentre sur scène, l’accueil est unique, les regards admire une Marie-Thérèse en chair et en os. C’est convivial, les retours paraissent très bienveillants jusqu’ici.
Si vous deviez convaincre une personne ne connaissant pas Sœur Marie-Thérèse de venir voir ce spectacle, ce serait avec quels arguments ?
Venez, tout simplement. Pour mon spectacle, mais aussi pour tous les autres, la culture. Restez curieux, sortez, renouez avec des émotions brutes.