C’est décidément l’année de tous les ténors au Capitole ! Et le dernier concert de la série des récitals, ici sous rubrique, le confirme. Après José Cura et Michael Spyres, voici, en duo cette fois, accompagnés par le pianiste Giulio Zappa, rien moins que l’Américain Lawrence Brownlee et le Sud-Africain Levy Sekgapane.
Le premier n’est pas un inconnu pour le public capitolin puisqu’il l’a entendu, et de quelle manière, en avril 2008 dans Il Turco in Italia de Gioacchino Rossini, dans lequel il chantait un Narciso d’anthologie. Classictoulouse l’avait rencontré à cette occasion. Aujourd’hui auréolé d’une gloire planétaire qui en fait le rossinien de référence sur les plus grandes scènes lyriques, il se « confronte » amicalement au Capitole à son cadet en tessiture lors d’une joute jubilatoire.
La première partie de la soirée, passage obligé autant que technique d’un récital, est consacrée à des mélodies, ici signées Gioacchino Rossini, Gaetano Donizetti, Giuseppe Verdi et Vincenzo Bellini. Chantées en alternance, elles permettent aux interprètes de sécuriser leur timbre, placer leur souffle et régler leur projection. Avant l’entracte, et comme pour nous mettre dans l’impatience de la suite, les deux ténors nous offrent un duo extrait du Ricciardo e Zoraide, un dramma per musica de Gioacchino Rossini créé en 1818, alors que le compositeur est âgé, si l’on peut dire, de… 26 ans ! Ce duo plein d’ambigüité met en présence un chevalier paladin, Ricciardo, et le Roi de Nubie, Agorante, tous les deux amoureux en secret de la belle Zoraide. La complicité des deux chanteurs est immédiate autant qu’évidente.
La seconde partie de la soirée va le confirmer en même temps que nous offrir un feu d’artifice vocal totalement effréné. En solo, Levy Sekgapane s’attaque à la scène suivie de la cavatine de Fernando dans le Marino Faliero de Gaetano Donizetti. La quinte aigue, pierre de touche du chanteur, fait son apparition dans des éclairs foudroyants de luminosité. Il reviendra avec l’aria de Narciso d’Il Turco in Italia de Gioacchino Rossini. Entre temps, Lawrence Brownlee se sera confronté à l’épique aria de Gualtiero d’Il Pirata de Vincenzo Bellini, aria qui donne l’occasion à l’interprète d’exposer une ligne de chant somptueuse. Il est de retour avec l’aria d’Alberto issu de L’Occasione fa il ladro, de Gioacchino Rossini. Enfin, nos deux compères se retrouvent pour le célèbre autant que stratosphérique duo entre Rodrigo et Otello extrait de l’Otello rossinien. C’est certainement, et il était attendu en tant que tel, l’acmé de la soirée, tant il est vertigineux, sollicitant les ambitus les plus étendus des chanteurs.
Ici, point de doute, nous sommes avec des interprètes qui dominent le sujet au point de… s’en amuser. En effet, lors de la reprise de ce duo, en partie tout de même, lors des bis, ils vont nous faire une démonstration hilarante autant que pédagogique de la différence vocale entre baryténor, Lawrence Brownlee, et contraltino, Levy Sekgapane, le premier descendant de manière insolente dans les profondeurs de sa tessiture, couvrant ainsi plus de deux octaves, alors que le second est moins audacieux en la matière. Le public apprécie, applaudit à cette battle, la connexion avec la salle est totale, leur plaisir de chanter est manifeste.
Ils n’allaient pas s’en sortir aussi simplement ! En bis, changement de registre pour Levy Sekgapane avec l’émouvant air de Marius extrait des Misérables de Claude-Michel Schönberg. Lawrence Brownlee nous fait don d’un spiritual, puis les deux chanteurs se lancent dans l’étourdissante Gia la luna è in mezzo al mare, de Gioacchino Rossini.
Standing ovation pour une inoubliable soirée !
Robert Pénavayre
une chronique de ClassicToulouse