C’est pour une seule soirée à la Halle le mardi 31 mai, à 20h et dès le lendemain mercredi 1er juin à la Philharmonie de Paris que cette messe monumentale sera interprétée. Prière des Morts, glorification des vivants, Messe du culte, poème révolutionnaire, ou simple office religieux au climat théâtral, tel résonne, par-delà les ans, le monumental Requiem de Verdi.
Sans doute a-t-il soulevé bien des controverses, mais il a aussi suscité, jusqu’au plus profond des peuples, depuis sa création, un enthousiasme fabuleux dont la flamme n’est pas prête de s’éteindre. Création qui nécessita un quatuor vocal, un chœur mixte et un grand orchestre de cent musiciens, mais oui, et cent-vingt choristes. Dans l’église San Marco de Milan, le 22 mai 1874, sous la direction du vieux maître de 64 ans, le triomphe fut à la mesure de l’attente et du désir de croire encore en une immense construction religieuse et humaine, dans une époque d’ombres et de lumières qui avait tant espéré et tant désespéré.
C’est un an auparavant, à la disparition d’un autre grand homme de la nation italienne, l’écrivain Alessandro Manzoni, que le musicien s’était engagé auprès de son éditeur à fêter le premier anniversaire de sa mort par l’exécution d’une messe de requiem. La mort de Manzoni, son maître à penser avait été un choc émotionnel profond. Et devant un tel désarroi, le besoin de retour aux ancrages fondamentaux paraissait nécessaire pour le vieux combattant.
La direction musicale ne peut esquiver ce qui constitue ce sommet d’élégance, de distinction et de raffinement, marque d’aboutissement de ce Requiem, grandiose Sixtine musicale. Elle est assurée par Jukka-Pekka Saraste qui sera à la tête de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse et des Chœurs de l’Orfeon Donostiarra placés sous l’autorité de leur chef José Antonio Sainz Alfaro, un des meilleurs chœurs actuels, habitués de la Halle. Les quatre solistes sont, la soprano Rachel Willis-Sorensen, la mezzo-soprano Aude Extremo, le ténor Airam Hernandez entendu récemment au Théâtre du Capitole dans Traviata et les huit représentations de Norma !, et la basse Adam Palka.
Effectif orchestral : c’est un grand orchestre se signalant de plus par pas moins de 4 bassons, 4 trompettes, 3 trombones et un cimbasso, comme dans le Macbeth, ou un ophicléide ou tout simplement, dommage, un tuba, mais avec un expert à l’embouchure !!
Les sept mouvements de la liturgie funéraire intitulée Messa da Requiem, scritta da Giuseppe Verdi per l’anniversario della morte di Alessandro Manzoni, sont :
I. Introït : Requiem et Kyrie quatuor et chœur
II. Sequence (Dies iræ)
Dies iræ chœur
Tuba Mirum chœur et basse solo
Liber Scriptus mezzo-soprano et chœur
Quid sum miser soprano, mezzo et ténor
Rex tremendæ quatuor et chœur
Recordare soprano et mezzo
Ingemisco ténor solo
Confutatis basse solo et chœur
Lacrymosa quatuor et chœur
III. Offertorium : Domine Jesu quatuor
IV. Sanctus double chœur
V. Agnus Dei soprano, mezzo et chœur
VI. Lux æterna mezzo, ténor et basse
VII. Libera me soprano et chœur
Durée de quatre-vingt à quatre-vingt dix minutes suivant les interprétations.
Libera me : cette dernière partie pour soprano obligée, vaste supplication finale, est la reprise à peine modifiée de l’œuvre écrite en 1869 pour ce projet avorté envisagé pour une messe en l’honneur de Rossini. Verdi lui-même, délivré de son vœu musical, termine son œuvre par une libération de la voix-reine. La soprano solo a presque des tons d’imprécation et elle attire sur elle et sur nous les foudres du Dies Iræ qui revient pour la troisième fois nous “glacer les veines“. Après le fracas de la peur, il appartiendra à nouveau à la soprano, sorcière et sainte, de restaurer l’espoir par une longue intervention qui s’envole dans l’aigu. Le chœur cimentera la confiance retrouvée et l’œuvre s’achève “dans un murmure effrayé“. Ainsi se clôt cette stèle musicale, pleine de contrastes, destinée aux vivants.
Voici ce que pensait du Requiem le fameux Bernard Shaw, critique au long cours, formidable épistolier, en mars 1901, à la mort du compositeur : « Quoi qu’il en soit, Verdi restera parmi les plus grands compositeurs italiens. Peut-être ses opéras, comme ceux de Haendel, passeront-ils de mode et seront-ils oubliés, alors que le Requiem pour Manzoni demeurera son monument impérissable. Dans ce cas, cette œuvre seule, comme le Messie, le placera en toute sécurité parmi les immortels. »
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Orchestre national du Capitole