En voilà une riche idée ! Le label Born Bad réédite les Calamités, ces adorables chipies qui tiraient des riffs power pop plutôt que la langue. Natives de Beaune (célèbres pour ses hospices médiévaux), Odile, Isabelle et Caroline se rencontrent au collège dans les années 1970. Il y a aussi leur future manageuse Marcelle (on est bien dans les 70’s, crénom !). Leur premier concert a lieu en 1979 pour la « Fête du club orchestre du lycée » (!!) où elles jouent du Sex Pistols, Ramones, Starshooter, Téléphone ou Lili Drop…
Après un premier passage sur France Inter (dans l’émission de Philippe Manœuvre et Antoine de Caunes), puis la compilation Snapshots (drivée par les Bar-ra-cu-das-das Chris Wilson et Robin Wills), elles sont signées par le regretté Patrick Mathé sur New Rose (qui, confiant, ne les a pourtant jamais vues en concert !). Accompagné de leur chevalier tambour Mike Stephens, nos amazones bourguignonnes entrent dans le studio SDH de Lionel Herrmani, par ailleurs tenancier de la célèbre boutique de disques rouennaise Mélodies Massacre, qui a déjà produit les excellents Dogs, alors gloire nationale. Lorsqu’il les voit arriver dans le studio, un froid matin de novembre 1983, l’ingénieur du son, Pat, est un peu inquiet. Il confie à Herrmani ses doutes quant au niveau de ces gamines. On allume les micros et elles balancent quelques chœurs pour tester le son. Et là c’est la claque, elles sortent à la perfection les harmonies de « The Kids Are All Right » des Who a capella. Le Pat reste interdit. Ce morceau sera d’ailleurs joué en fin de session pour compléter l’album, et ce au triple galop puisque ce sera en une seule prise live !
Cet unique album, À Bride Abattue, est un magnifique condensé de charme et de fraîcheur power pop. Un peu comme si les Who ou les Dogs avaient été joués par des filles. Les textes sont craquants, kitsch et post-yéyés : « Je ne savais que faire/ J’étais désespérée/ Mais en regardant l’heure/ Je me suis aperçue/ Qu’il était ouvert/ Rien n’était perdu/ Je vais je vais au supermarché/ Entre les rayons de lessive/ Et la crème à raser/ C’est le seul endroit/ Où je puisse respirer » (« Le Supermarché », texte d’Antoine Masy-Périer). L’épatant « Malhabile » est, lui, signé de la fidèle Marcelle.
Born Bad y adjoint ici « Pas La Peine », un maxi de 1984 avec deux perles power-pop chipie.
Malgré quelques télés, festivals (Printemps de Bourges 1985), jolies salles (le Grand Rex, avec les Dogs, Kingsnakes et les vétérans garage anglais Troggs), les filles ne semblent pas résolues à planter leurs études pour les feux de la rampe. De plus, les relations avec Mathé ne sont pas au beau fixe. Il leur reproche, par exemple, de ne pas assez s’arranger vestimentairement et de ne pas se mettre en jupes. Incorrigibles, nos Calamity Jane font exprès de se mettre en pantalon ou de s’habiller en cowboys… Sales gosses !
En 1987, Daniel Chevenez, alors en pleine bourre avec Niagara, les découvre en retard (avec « Toutes Les Nuits ») et propose de les produire. Caroline a déjà quitté le navire, et c’est donc le duo Odile-Isabelle qui va enregistrer « Vélomoteur » qui sera un mini-tube (230 000 45 tours vendus). Les Nuls parodieront même la chanson (« Les Vibromasseurs »).
On espère fortement que Born Bad arrivera à réunir le quatuor pour un concert. Pas aux Hospices de Beaune, ce qui serait inconvenant pour ces héroïnes de la pop française éternellement jeunes et aux chansons indémodables.
LES CALAMITES « ENCORE ! 1983/1987 » > L’INTÉGRALE OUT !