L’heure heureuse du 5 mars dernier (autrement dit la dernière Happy Hour) revêtait les atours resplendissants de la péninsule transalpine. Deux volets complémentaires de musique italienne étaient inscrits au programme du concert donné par l’Orchestre national du Capitole sous la direction du jeune chef invité Wilson Ng, natif de Hong Kong, avec la participation du mandoliniste bien connu des Toulousains, Julien Martineau.
Chef associé de l’Orchestre philharmonique de Séoul et directeur artistique de l’orchestre Gustav Mahler de Hong Kong, Wilson Ng (entraînez-vous à prononcer son nom !) a remporté plusieurs prix dans des concours internationaux prestigieux. A la tête de la formation symphonique toulousaine, dont Chiu-Yan Ying occupe le poste de violon solo, il manifeste un enthousiasme, une énergie qui caractérisent une direction proche d’une chorégraphie. Devant une salle composée de nombreux jeunes spectateurs, il déclenche un enthousiasme communicatif.
La première partie de ce concert est consacrée à un compositeur encore assez peu connu du grand public mais que le soliste de cette fin d’après-midi s’attache avec ferveur à faire découvrir. Né à Naples en 1863, Raffaele Calace a découvert la mandoline à la suite de de sa formation de musicien. Devenu virtuose de cet instrument, il a écrit environ 200 compositions pour la mandoline dont le Concerto n° 1 op. 113 offert en ouverture festive de cette Happy Hour.
Pour révéler tout le bonheur, toute la grâce qui animent cette partition, Julien Martineau déploie un talent impressionnant. Sa parfaite maîtrise du trémolo caractéristique de son instrument, la large palette des nuances qu’il place au service de l’expression musicale font vivre les trois mouvements de l’œuvre tout en les caractérisant habilement. Le dialogue qu’il établit avec l’orchestre dès le premier volet, indiqué Marziale, s’épanouit avec bonheur dans le Largo tranquillo. Dans ce mouvement central, la mandoline développe une douceur nostalgique. Proche de la voix humaine, elle échange ses répliques avec les instruments de l’orchestre, comme le basson ou le hautbois. Le Rondo final retrouve ses racines populaires. Julien Martineau en explore l’extrême virtuosité avec une aisance et une finesse exemplaires.
Ottorino Respighi occupe tout le reste du programme avec deux des poèmes symphoniques les plus populaires de son triptyque consacré à Rome. En 1916, ce natif de Bologne signe le premier volet, Les Fontaines de Rome, dans lequel il évoque les havres de paix et de fraîcheur, mais aussi de vitalité, que constituent quatre de ces célèbres fontaines « filmées » aux quatre moments stratégiques de la journée, de l’aube au coucher. Wilson Ng dirige cette succession de tableaux avec précision et poésie. Les couleurs de l’orchestre explosent littéralement dans cette construction en arche, du calme de l’éveil à la sérénité du soir, en passant par les éclaboussures de lumière de midi.
Plus fouillé encore, le deuxième poème, Les Pins de Rome, composé en 1924, fait appel à la richesse de toutes les ressources sonores de l’orchestre. Un orchestre qui disperse d’ailleurs ici ses forces au-delà du seul plateau de la Halle aux Grains, de la coulisse à l’arrière de la salle. Dès les premières mesures, la richesse de l’orchestration fait naître des combinaisons inédites de timbres. Les quatre sites romains que la partition explore sont habilement caractérisés par une orchestration rutilante que la qualité des musiciens et celle de la direction portent à l’incandescence. Il faut vraiment rendre hommage aux nombreuses interventions solistes dont Respighi a truffé sa partition : du précieux et redoutable solo de trompette depuis la coulisse, magnifiquement joué par Hugo Blacher, à celui, splendide, du cor anglais de Serge Krichewsy, et surtout peut-être à l’ineffable chant de la clarinette de Floriane Tardy, d’une finesse et d’une poésie célestes. La participation du chant du rossignol, un véritable oiseau celui-là préalablement enregistré, conclut l’épisode des Pins du Janicule sur un sourire. L’éclatante majesté du final, Les Pins de la Via Appia, déclenche enfin une ovation de tout le public au cours de laquelle le chef remercie et félicite un à un les solistes impliqués dans cette partition colorée.
Un bis inespéré vient conclure cette fin d’après-midi. Il s’agit du fameux Choral du Veilleur BWV 147 de Johann Sebastian Bach, dans une version orchestrée par… Ottorino Respighi. Une rupture dans la continuité !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse