Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
À bout de souffle de Jean-Luc Godard
Le premier long-métrage de Jean-Luc Godard, sorti en 1960, n’a pas marqué l’acte de naissance de la Nouvelle Vague, mais il en a été l’œuvre la plus emblématique. Alors que Jacques Rivette, Eric Rohmer, Claude Chabrol ou François Truffaut, issus comme lui des Cahiers du cinéma, ont déjà fait des débuts remarqués derrière la caméra ; Godard est le dernier à se lancer. Pour convaincre définitivement le producteur Georges de Beauregard, Truffaut et Chabrol se présentent respectivement comme scénariste et conseiller technique d’A bout de souffle. Mensonges qui vont permettre à leur ami d’avoir carte blanche. Devant la caméra, le réalisateur choisit une jeune actrice hollywoodienne, qui a interprété les rôles de Jeanne d’Arc et de l’héroïne de Bonjour tristesse pour Otto Preminger, Jean Seberg, et un inconnu qui a fait ses preuves au théâtre : Jean-Paul Belmondo. Ils vont former l’un des couples iconiques du septième art.
Etat de grâce
Le scénario n’est ici qu’un prétexte. Un petit voyou, Michel Poiccard, vole une voiture à Marseille et se rend à Paris, après avoir tué un gendarme, pour y retrouver une étudiante américaine. Godard tourne dans les rues, des dialogues sont improvisés ou bien truffés de références littéraires, Belmondo fume et caresse ses lèvres en imitant Humphrey Bogart, Jean Seberg vend le Herald Tribune sur les Champs-Elysées… Une liberté et une audace folles parcourent l’écran. Poiccard regarde la caméra et s’adresse au spectateur. Sa tirade – « Si vous n’aimez pas la mer… » – est devenue immortelle. Jamais Paris n’a été filmé avec tant de grâce et de naturel. Le noir et blanc de Raoul Coutard s’imprime sur les rétines. La musique de Martial Solal donne à tout cela une élégance jazzy. Jean-Pierre Melville apparaît dans le rôle d’un écrivain baptisé Parvulesco. Cette dérive tragique rend hommage au film noir américain. Après avoir vu A bout de souffle, on ne peut plus entendre le mot « dégueulasse » sans avoir le cœur serré.
Comment fait-on pour réaliser pareil premier film ? Il y a là un miracle ou un pacte avec le diable. Par la suite, Godard réalisera deux autres grands classiques – Le Mépris en 1963 et Pierrot le fou en 1965 – avant de s’enferrer dans l’abscons et l’idéologie au fil de nanars pompeux, parfois traversés d’éclairs nous rappelant qu’il fut un génie. Peu importe, nous aurons toujours A bout de souffle.
LES FILMS QU’IL FAUT AVOIR VUS