CRITIQUE. CONCERT. TOULOUSE. HALLLE-AUX-GRAINS, le 18 janvier 2022. J.S. BACH. W.A. MOZART. L.V. BEETHOVEN. F. CHOPIN. E. KISSIN.
Phénoménal Evgeny Kissin !
Quelle chance pour les toulousains
Les Grands Interprètes ont su avec génie inviter l’immense pianiste d’origine Russe, Evgueny Kissin, entre ses concerts en Espagne, celui à Paris puis en Autriche et en Allemagne avant les États Unis. Cette vaste tournée avec ce beau programme va enchanter le public partout où il est attendu. On ne présente plus le phénoménal pianiste à la carrière internationale triomphante et à la discographie généreuse et encensée.
Né en 1971 il a la plénitude de moyens inouïs et de sa musicalité hors pair. Il se dégage de son jeu une concentration inimaginable tout du long de son récital. Tout semble être pesé, parfaitement maîtrisé mais sans froideur tant son jeu est incandescent. Le programme est « classique », chronologique parcourant ses compositeurs de prédilection de Bach à Chopin. Dès les premiers accords de Toccata et fugue de Bach, un monde sonore d’une profondeur rare s’ouvre sous ses doigts : des graves abyssaux, un medium d’une puissance incroyable et des aigus fuselés et planants. Un Grand orgue en somme ! Et une ligne directrice qui nous entraîne dans cette immensité musicale sans possibilité de résister. L’Adagio de Mozart en si mineur prend un ton très dramatique, le phrasé est élégant, les doigts capables de la plus grande douceur. Et à nouveau ces notes graves incroyablement présentes, nobles et belles. Cela nous rappelle combien le Mozart de Kissin, particulièrement dans les concertos, est célèbre et apprécié dans sa discographie. Le monde si complexe de l’avant dernière sonate de Beethoven, l’opus 110 va devenir lumineux sous les doigts incroyables de Kissin. C’est du très beau et du très grand piano, majestueux, profondément phrasé absolument magnifique. Le final avec son incroyable fugue tient du génie interprétatif tant le discours est clair, tous les plans précis et la direction incroyablement fédératrice : Kissin nous entraîne où il veut. La beauté de son piano envoûte et la vigueur de ses phrasés nous emporte sans efforts. Et toujours cette maîtrise incroyable de l’interprète, maîtrise supra humaine, que seules des syncinésies du visage révèlent à nos yeux. Le public applaudit généreusement avant le court entracte qui pour beaucoup est une simple parenthèse d’attente émue. Car la deuxième partie est consacrée au compositeur chéri de l’interprète comme du public : Frédéric Chopin. Largement enregistré et joué par Evgeny Kissin depuis le début de sa carrière, la musique de Chopin lui va comme une évidence. Car depuis son début de carrière il est capable d’en offrir un parfait équilibre entre la virtuosité transcendantale et la mélancolie. Le choix de 7 mazurkas variées et de plusieurs époques propose un palmarès de ce que Chopin a écrit de plus personnel.
La manière d’aborder les rythmes, parfois superposés donne une grande modernité à cette musique intemporelle. La beauté sonore répond à la beauté des phrasés et aux audaces du rubato. Le tout avec un goût exquis car n’oublions pas que ces danses fort savantes sont partagées par tous en Pologne au XIXième siècle tant dans les salons que dans les campagnes et les salles de bal. Chopin en a sublimé les tempi mouvants binaires et ternaires. Evgeny Kissin est un interprète très inspiré qui met en valeur toutes leurs richesses. L’andante spianato et la Grande Polonaise permettent une montée en puissance de l’interprète qui termine avec une virtuosité triomphante.
Le public explose de joie et lui fait un triomphe proche de la standing ovation. La séparation avec le public tout autour de lui s’est faite doucement avec quatre magnifiques bis qui ont prolongé la magie de ce concert. Signalons que cette tournée est dédiée à la grande pédagogue Anna Pavlovna Kantor (1923-2021) qui a été la seule professeure de Kissin et qui est restée proche de lui. Laissons la parole à Evgeny Kissin « Tout ce que je peux faire au piano je le lui dois » : Bravo madame Kantor !
Critique. Concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 18 janvier 2022. Jean -Sébastien Bach (1685-1750) transcription de Carl Tausig (1841-1871): Toccata et Fugue BWV 565 ; Wolfgang-Amadeus Mozart (1756-1791) : Adagio pour piano en si mineur K.540 ; Ludwig Van Beethoven (1770-1827 ) : Sonate pour piano n° 31 en la majeur Op.110 ; Fréderic Chopin (1810-1849) : 7 Mazurkas : Op.7 n°1,Op.24 N° 1 et 2, Op.30 N° 1 et 2, Op.33 N°3 et 4 ; Andante spianato en mi bémol majeur et Grande Polonaise brillante en mi bémol majeur Op.22. Evgeny Kissin, piano.