Le concert du 15 octobre dernier permettait à l’Orchestre national du Capitole de retrouver à sa tête le chef d’orchestre et également pianiste, Lio Kuokman, natif de Macao. Avec la partition pour la première fois du violoniste Michael Barenboim, le programme de la soirée réunissait des œuvres issues de cultures aux caractères divers et provenant d’Europe, d’Asie et de Russie.
Rappelons que Lio Kuokman a reçu de nombreux diplômes, de la Hong Kong Academy of Performing Arts, un Master en piano de la Juilliard School, du Curtis Institute en direction d’orchestre et en clavecin, ou encore du New England Conservatory of Music. La diversité de ses multiples talents s’accompagne d’un énergie sans limite de sa direction, comme ce concert du 15 octobre permet de le confirmer.
La soirée s’ouvre sur une commande de Radio France datant de 1998 au compositeur chinois Qigang Chen, né en 1951 et qui fut le dernier élève d’Olivier Messiaen. Ce musicien particulièrement doué n’est pas un inconnu à Toulouse. Deux de ses œuvres ont déjà été jouées à la Halle aux Grains par la formation symphonique dirigée alors par le chef, lui aussi chinois, Long Yu. En 2015, ce fut le concerto pour violoncelle et orchestre intitulé « Reflet d’un temps disparu », avec Gauthier Capuçon en soliste. En 2018, le concerto pour violon « La joie de la souffrance » était créé avec le jeune violoniste américain Chad Hoopes.
Les caractéristiques d’écriture de Qiqang Chen se retrouvent dans la courte pièce donnée cette fois en ouverture de soirée. Son titre Wu Xing signifie Cinq Phases, en l’occurrencele feu, l’eau, le bois, le métal et la terre, qui constituent un concept important de la cosmologie chinoise traditionnelle. Chaque « phase » de l’œuvre ne dure pas plus de deux minutes et évoque l’élément correspondant grâce à une percussion largement fournie et des couleurs orchestrales d’une grande beauté. Les contrastes exacerbés d’un mouvement à l’autre, du pianissimo extrême au fortissimo le plus éclatant, de la fluidité liquide à l’explosion heurtée, confèrent à l’œuvre un pouvoir de fascination immédiat. Les musiciens jouent le jeu avec les belles qualités instrumentales qu’on leur connaît.
Le contraste n’est pas mince avec le concerto n° 2 pour violon et orchestre de Felix Mendelssohn. Sorte d’emblème du concerto romantique, cette partition est ici jouée en soliste par Michael Barenboim, né en 1985 à Paris. Impliqué depuis l’origine ou presque dans la belle aventure du West-Eastern Divan Orchestra fondé par son père Daniel Barenboim et Edward Saïd, Michael Barenboim mène une belle carrière de soliste. Sa sonorité colorée et fine s’accompagne de choix de phrasés riches en legato. Il excelle tout particulièrement dans les cadences virtuoses qui balisent les trois mouvements. L’orchestre, très présent, parfois un peu envahissant, développe un discours original, plus intense et énergique que la tradition l’a caractérisé. Mais tradition n’est pas forcément vérité !
Le grand succès public de sa prestation amène Michael Barenboim à offrir un bis léger et plein d’élégance : une des Eudes de concert d’Henri Vieuxtemps.
La seconde partie de la soirée est consacrée aux fameux Tableaux d’une exposition, du russe Modeste Moussorgski dans l’orchestration, devenue traditionnelle, du très français Maurice Ravel. On sait à quel point les caractéristiques instrumentales jouent un rôle important dans cette orchestration brillante et riche. En particulier, la trompette, qui ouvre la visite sur le motif récurrent de la promenade. Rendons hommage et justice au soliste de cette exécution qui a dû remplacer au pied levé le titulaire prévu, empêché au dernier moment. Bravo à Laurent Dupéré, trompette solo de l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine. Sa prestation générale et en particulier celle du redoutable tableau Samuel Goldenberg et Schmuyle lui a d’ailleurs valu une ovation finale amplement justifiée.
Lio Kuokman anime cette galerie de « paysages » avec une énergie, un sens des contrastes et des couleurs que tous les musiciens suivent avec leurs impressionnantes qualités. Chaque épisode est caractérisé grâce à l’utilisation des nuances les plus extrêmes. En outre, chaque pupitre de l’orchestre, chaque solo brille de tous ses feux. Il faut en particulier souligner les performances du saxophone solo, de la flûte, du hautbois, de la clarinette, du basson, du cor, de la harpe, du tuba et de l’ensemble des cuivres ainsi que des indispensables percussions. Sans oublier bien sûr des pupitres de cordes toujours aussi intenses. Bref, l’ensemble de l’orchestre doit être félicité !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Orchestre national du Capitole