La saison prolongée des Arts Renaissants s’achevait ce mardi 5 octobre avec la venue, pour la première fois à Toulouse, de l’ensemble Correspondances. Une première apparition consacrée à l’un des compositeurs majeurs du Grand Siècle. Par l’ampleur et la qualité de son œuvre sacrée et profane, Marc-Antoine Charpentier figure parmi les compositeurs les plus importants de la période baroque en France. Sa musique sacrée et théâtrale fit concurrence à celle de son contemporain Lully.
Fondé à Lyon en 2009, Correspondances réunit, sous la direction du claveciniste et organiste Sébastien Daucé, un groupe de chanteurs et d’instrumentistes spécialistes de la musique du Grand Siècle. Sous les voûtes de l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines, si parfaitement adaptées à leur répertoire, les huit chanteurs et huit instrumentistes qui composent l’ensemble décidaient d’aborder, sous le titre « Litanies à la Vierge », le riche corpus dédié à Marie par Marc-Antoine Charpentier.
La succession des pièces choisies brosse de ce répertoire sacré un tableau d’une belle unité dans la diversité des expressions. Le psaume Miserere des Jésuites, H.193, particulièrement développé, ouvre le concert sur ces échanges déclamatoires dans lesquels les voix et les instruments dialoguent d’égal à égal. Le choix du diapason de l’époque, 392 Hz, la qualité des instruments historiques, celle des voix, riches de leur différences, confèrent à cette musique une authenticité stylistique qui touche l’esprit. Ce qui pourrait sonner avec une certaine solennité empesée, gagne ici le chemin de la sensibilité. Notons que tout au long de la soirée, Sébastien Daucé dirige l’ensemble du regard tout en tenant le continuo, alternativement à l’orgue positif ou au clavecin.
Dans la première Méditation pour le Carême, Desolatione desolata est, H.380, trois solistes masculins se détachent sur le tutti instrumental. Les caractéristiques vocales de ce trio, sons sens du beau phrasé, s’avèrent d’une grande qualité. Haute-contre à la française, taille (ou ténor), basse-taille (ou baryton) enrichissent le vocabulaire de cette pièce. A noter la belle restitution du latin prononcé à la française comme cela se pratiquait à l’époque, avant la découverte du répertoire italien.
Le répons O Vos Omnes H.134 sollicite la voix soliste d’une soprano à la juste expression nostalgique. Le très beau Stabat Mater pour des religieuses, H.15, prolonge enfin cet « affect », tout imprégné de douceur élégiaque.
La seconde partie de la soirée s’ouvre sur le motet Annunciate Superi H.333. La belle introduction instrumentale conduit à l’expression vocale d’une harmonie presque joyeuse. Le très beau timbre de la soprano soliste enlumine l’antienne In odorem unguentorum, H. 51, dont le texte, issu du Cantique des Cantiques, évoque une douceur angélique.
Les somptueuses Litanies de la Vierge à 6 voix et deux dessus de viole, H.83, concluent ce programme sur le déploiement d’une riche polyphonie et d’un contrepoint admirablement soutenus par l’ensemble des interprètes. La direction sans excessive démonstration de Sébastien Daucé obtient les justes nuances, l’expression sensible dans la rigueur du style français de l’époque.
Ainsi défendu, ce répertoire reçoit une belle ovation de la part du public de l’auditorium qui obtient des interprètes un retour sur l’Agnus Dei des Litanies de la Vierge.
Une belle façon de refermer la saison 2020-2021 des Arts Renaissants. Souhaitons que 2021-2022 tutoie les mêmes sommets.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse