Les 8, 9 et 10 octobre, se tiendra la treizième (un chiffre très polardeux !) édition du festival Toulouse Polars du Sud. Deuxième plus gros festival français dédié au genre derrière Quais du Polar à Lyon, TPS est devenu aussi l’un des plus importants évènements littéraires de la Ville Rose. 48 auteurs (francophones mais aussi italiens, espagnols, américains, argentins, croates, polonais, grecs ou britanniques), des activités aussi variées que des projections de films, des ateliers d’écriture, une murder party, un Cluedo géant, un rallye… Et une ambiance toujours conviviale et agréable.
L’occasion de mettre son président, Jean-Paul Vormus, en garde à vue pour en savoir un peu plus. Une telle réussite faite par des bénévoles, c’est un peu suspect, il fallait enquêter!
Quel bilan tirez-vous de l’édition 2020 du festival avec le problème de la pandémie ?
Jean-Paul Vormus : Ça a été un miracle qu’on ait pu faire l’édition de l’an passé. On n’a eu d’ailleurs aucun problème sanitaire, que ce soit avec le public ou avec les auteurs. On avait respecté les consignes de la préfecture. Concernant la fréquentation, on a bien sûr eu une petite baisse. D’ordinaire, nous accueillons entre 12 000 et 15 000 festivaliers. Là, on a été à 9 000. On est donc satisfait, compte tenu du contexte, d’avoir pu tenir cette édition. Les auteurs étaient particulièrement ravis d’être là car certains n’avaient plus fait de manifestation de ce type depuis quasiment un an. Le public aussi avait été sevré de rencontres culturelles. Des deux côtés, la joie était palpable.
Je suppose que, cette année encore, il y aura des contraintes comme la présentation du pass sanitaire pour accéder au chapiteau du festival ?
Oui, il faudra le pass. On attend les consignes de la préfecture pour savoir s’il y aura l’obligation du port du masque ou pas…
J’ai été étonné de voir la présence de Tiffany Tavernier qui, comme Laurent Mauvignier, n’est pas à proprement parler un auteur de polar ?
Son dernier roman, L’Ami, se situe à la lisière du genre. Il raconte l’histoire d’un homme qui découvre un matin que le GIGN vient arrêter son voisin – qu’il connaissait bien – qui est un tueur en série d’enfants. Ce qui est intéressant dans ce roman, c’est l’impact de cet évènement sur cet homme et son couple. J’ai beaucoup aimé ce livre. J’avais aussi apprécié son livre Roissy qui raconte l’histoire de cette femme un peu en perdition qui vit dans les sous-sols de l’aéroport de Roissy, et qui s’invente des vies auprès des passagers en transit.
Quels autres polars avez-vous aimés cette année ?
C’est aussi à la lisière du polar mais j’ai beaucoup aimé La République lumineuse d’Andres Barba. Cela se passe dans une ville d’Amérique latine bordée par une forêt tropicale impénétrable. De jeunes Indiens viennent de la forêt pour mendier dans la ville, de manière pacifique. Soudain, d’autres enfants plus belliqueux se mettent aussi à mendier. Un jour, ils attaquent un supermarché et tuent deux personnes. Toute la ville veut les retrouver et les punir. Grand roman sur le mystère de l’enfance, le flou des frontières entre innocence et perversité. Mais le roman qui m’a le plus séduit est Solak de Caroline Hinault. C’est un huis-clos à ciel ouvert au Nord du Cercle Polaire, dans une base militaire où vivent trois gars très dissemblables. Et puis soudain, comme dans les westerns, un quatrième personnage un peu énigmatique et muet vient perturber ce fragile équilibre. C’est très bien écrit. Je pourrais citer aussi Rosine, une criminelle ordinaire de Sandrine Cohen, un polar psychologique sur un infanticide. Une enquêtrice de personnalité, chargée d’établir le profil de la mère meurtrière, mène une véritable enquête sur ce drame. Ce pourrait être glauque et plombant, mais en fait c’est très bien amené à un rythme infernal. Il y a aussi L’Eau rouge de Jurica Pavicic où un flic doit résoudre la disparition d’une jeune fille. C’est une enquête au long cours qui traverse la guerre civile en Yougoslavie dans les années 1990. C’est vraiment très bien, et il a obtenu le prix du polar européen du Point.
Quels sont vos rapports avec les éditeurs ?
Je leur demande de me dire ce qu’ils vont publier dans les mois qui viennent. Cela nous aide pour la programmation du festival car il nous faut lire les livres assez tôt puis contacter les auteurs de six mois à un an en amont.
Il y a de nouveaux éditeurs de polars qui ont émergé, certains faisant un travail de grande qualité comme Equinox, Agullo ou Gallmeister qui a investi ce champ-là aussi… Quels sont les éditeurs que vous appréciez parmi les plus récents…
Ceux que vous citez déjà. Je suis fan d’Agullo. Leurs livres sont toujours de qualité et ils dénichent beaucoup de nouveaux auteurs. Cette année chez Equinox, nous avons aimé et invité Benjamin Dierstein et Caryl Férey. Parmi les éditeurs que vous n’avez pas cités, il y a aussi la Manufacture des Livres.
Il y a toujours des auteurs de la région dans chaque édition du festival…
Oui, cela nous paraît bien de profiter de l’évènement pour les faire connaître un peu plus. Cela dépend aussi de leur actualité. Cette année, il y a Cédric Sire, Charles Aubert, Benoît Séverac, Hervé Jubert ou Nicolas Druart, un jeune auteur qui publie des thrillers chez Harper Collins.
Il y aura aussi la présence de Landis Blair et David Carlson, les auteurs de la BD L’Accident de chasse qui a eu un beau succès critique…
Oui, ils ont eu le prix au festival de BD d’Angoulême. C’est vraiment un superbe roman graphique.
Vous reproposez pour la deuxième fois une murder party…
Cela se passera au Museum d’Histoire naturelle le jeudi 7 octobre en soirée. C’est ouvert sur inscription, il y a 60 places (réparties par équipes – Info Complet). Elle a été imaginée par l’écrivain Alain Monnier et il y aura parmi les acteurs-suspects Michèle Pédinielli, Jean-Christophe Tixier et Jean-Hugues Oppel.
Quelles sont les thématiques des tables rondes qui rythmeront le festival ?
Le vendredi 8 une belle soirée où l’on mettra « Cap au Nord » avec 2 grands auteurs voyageurs, Caryl Ferey et Oliver Truc. Puis le samedi un panorama du polar espagnol, une table ronde sur la BD avec Landis Blair et Keko, des rencontres sur humour et polar, les guerres et le polar, les rapports entre le polar et la littérature « blanche ». Enfin le dimanche un panorama du polar italien, la corruption et les affaires racontées par le polar et les rapports entre le polar et l’enfance
Propos recueillis par Bertrand Lamargelle