On sait l’intérêt, pour ne pas dire plus, que Kader Belarbi porte à la peinture. Ainsi, lorsqu’il découvre à la National Gallery of Art de Washington le tableau de Picasso, Famille de Saltimbanques, l’impact de ce tableau éveille son intérêt de chorégraphe. Cette envie se concrétisera en août 1998 avec la création du ballet Les Saltimbanques, à l’Orchard Hall de Tokyo. Plus de vingt ans plus tard, il nous en propose la re-création pour le Ballet du Capitole. Si l’esprit reste le même, la reprise d’un ballet fait entrer en jeu des circonstances particulières : l’état d’esprit du chorégraphe, forcément différent vingt plus tard, les interprètes, les lieux, et tous les artisans du spectacle.
Si le tableau de Picasso en est l’inspiration première, le texte de Rainer Maria Rilke, la 5ème Elégie de Duino, qui est une méditation sur cette œuvre du maître espagnol, en est le support. Il fut peint en 1905, dans la période 1904-1906, durant laquelle Picasso explorait des thèmes sur les saltimbanques. Fréquentant à cette époque le Cirque Médrano, il s’inspire d’artistes qui y officiaient. La toile représente un groupe de bateleurs qui se tiennent ensemble, mais entre lesquels il ne semble pas y avoir réellement de lien car aucun regard ne s’échange. Groupe dans lequel le peintre s’est représenté sous les traits de l’Arlequin. Image mélancolique des artistes, entre deux mondes : celui joyeux du spectacle et celui plus terne de la vie errante qui est la leur.
Kader Belarbi n’a pas voulu faire ici un ballet narratif, mais plutôt une série de saynètes, de « collage – comme il le dit – où des scènes se succèderaient, jonglant entre ombre, lumière, entre peur, rire et émerveillement ». Il ne s’agit pas pour autant de présenter ici des numéros de cirque, mais bien le geste chorégraphique, qui n’en reste pas moins un trait d’union entre ces deux mondes : l’audace des sauts répond aux risques du trapèze, la grâce des ballerines à la grâce des écuyères. Et le spectacle fini, les rires interrompus, les projecteurs éteints, les artistes rejoignent l’anonymat du monde réel. Les saltimbanques reprennent leur errance, après avoir plié costumes chatoyants, chapiteau, et accessoires.
Conçu pour une scène circulaire, c’est à la Halle aux Grains que ce spectacle sera donné, salle qui permet cette vision à 360° que souhaite le chorégraphe, la scène devient ainsi piste. Pas de décors lourds, on reste dans l’esprit du cirque où chapiteau et piste doivent être très rapidement démontés.
Pour cette nouvelle production Kader Belarbi a fait appel à des professionnels reconnus pour les besoins de la scène.
Coralie Lèguevaque en réalise la scénographie, Elsa Pavanel les costumes et Sylvain Chavallot, les lumières. La musique, quant à elle, sera signée Sergio Tomassi. Directeur musical, chef d’orchestre, accompagnateur de grands noms de la chanson française, compositeur pour le cinéma et la danse, c’est le « piano à bretelle », l’accordéon qu’il a choisi pour ce spectacle, un instrument tout en nuance et, pour l’occasion, très particulier grâce à la technologie : « Vous verrez un accordéon mais vous entendrez un orchestre » nous dit le musicien.
« Ce spectacle se veut une ode au spectacle vivant, fait de chair, de sang et de sueur, pour un supplément d’âme, à l’opposé d’une société « bluffée » par les écrans, la vitesse et la technologie. Être illusionniste avec du merveilleux et trois bouts de ficelle, n’est-ce pas cela le cirque ? » nous dit le chorégraphe.
Et, à l’heure où le ciel noir de la pandémie semble laisser passer de belles éclaircies, quoi de plus merveilleux que de retrouver ses joies d’enfants et surtout, surtout, de retrouver les danseurs du Capitole sur scène, ce qui n’était plus arrivé depuis décembre 2019.
En parallèle au spectacle, le Ballet renoue également avec conférences et Carnets de Danse :
– Samedi 19 juin à 17h, Grand Foyer du Théâtre du Capitole, conférence autour des Saltimbanques par Annabelle Ténèze, directrice du musée des Abattoirs.
– Samedi 19 juin à 19h30, à la Halle aux Grains, Grand Carnet de Danse. Démonstration et débats commentés par Kader Belarbi, en présence des danseurs et d’artistes invités.
Annie Rodriguez
une chronique de ClassicToulouse
Théâtre du Capitole
Crédit photo : David Herrero