Cette Parisienne que l’on dit héritière de Germaine Lubin et de Régine Crespin chante sa première Isolde à 35 ans ! Sa voix de grand dramatique, puissante et homogène, la prédestine au Maître de Bayreuth. Christophe Ghristi l’invite dès sa prise de fonction pour le rôle-titre d’Ariane à Naxos de Richard Strauss puis pour chanter la Pénélope de Gabriel Fauré, ainsi que Madame Lidoine dans Dialogues des carmélites de Francis Poulenc. Il nous la présente aujourd’hui dans l’un des plus écrasants rôles verdiens, celui de la Leonora de La Force du destin. Une occasion en or d’entendre cette magnifique cantatrice dans un tout autre répertoire. Entretien avec Catherine Hunold
Classictoulouse : Pardon d’aborder cet entretien par cette question, mais je crois que vous avez travaillé de nombreuses prises de rôles avec une grande dame du chant qui vient de nous quitter : Christa Ludwig. Pouvez-vous nous parler de la relation que vous avez entretenue et ce qu’elle vous a appris ?
Catherine Hunold : J’ai rencontré Christa Ludwig pour la première fois dans sa maison du sud de la France où elle faisait passer des auditions pour participer à sa masterclass à l’Académie de Villecroze. Choisie, j’ai ainsi eu l’occasion de travailler avec elle les rôles d’Ariane à Naxos et de Tosca. Je me souviendrai toujours de ce moment, où à la fin de la masterclass, elle est venue me glisser discrètement un mot dans ma poche : il y avait noté une date, un horaire et Wien. Elle m’avait organisé une double audition devant le directeur de l’Opéra de Vienne et son agent le célèbre Dr Böhm. Ce que je retiens d’elle, c’est son immense générosité, son incroyable souffle de vie et son humour. Elle m’avait, tout comme Margaret Price, incitée à l’époque à travailler le répertoire verdien. Aussi je suis particulièrement heureuse aujourd’hui de pouvoir exaucer son vœu.
Venons-en à la situation globale actuelle de la Culture, à l’heure fort heureuse où les théâtres vont pouvoir à nouveau recevoir du public. Comment avez-vous traversé ce moment plus que problématique ?
CH : Je traverse cette période difficile remplie de questionnements… Cet arrêt forcé m’a amenée à requestionner mon art, mes désirs et surtout le « pourquoi chanter » aujourd’hui et demain. Une question très intime…
Vous qui êtes devenue, pour le plus grand bonheur des mélomanes toulousains, une «pensionnaire» du Théâtre du Capitole, que pensez-vous de l’idée fort ancienne, mais quasiment abandonnée en France, de troupe ?
CH : Vous m’auriez posé la question il y a deux ans, elle aurait été toute autre qu’aujourd’hui. Plus que des troupes, je crois que la priorité est de faire travailler les artistes hexagonaux. Nous avons en France un vivier exceptionnel. On ne parle plus de « donner une chance ». C’est une question de survie ! Il faut en avoir le courage et la conviction, des maisons comme le Capitole de Toulouse les ont !
Alors que vous avez abordé avec succès la quasi-totalité des sopranos wagnériens de toutes tessitures, le répertoire italien de « dramatique » est loin de monopoliser votre calendrier…Christophe Ghristi vous offre donc l’occasion d’aborder un grand Verdi, en l’occurrence celui de la Leonora de La Force du destin, loin d’être le moins complexe vocalement dans l’univers de ce compositeur…
CH : Il me restera Senta que je vais aborder la saison prochaine et les Brünnhilde du Crépuscule et de Siegfried… Pour l’italien, on me l’a très peu proposé, à part le Requiem de Verdi pour la chaîne musicale Brava, Lady Macbeth et le Concert des Étoiles pour la télévision française. Pourtant Verdi après Mozart a toujours été au centre de ma technique. Quand je dois chanter Ortrud, je m’y prépare en chantant Lady Macbeth. Pour Madame Lidoine c’est Aïda ! Pour Elisabeth, Leonora etc… Le métier en a voulu autrement. Cependant, les goûts changent, les directeurs aussi et mes saisons futures afficheront d’autres italiens. Le Teatro Massimo m’avait même proposé Les Vêpres Siciliennes juste après ma Kundry, c’est pour dire ! Je tiens à remercier ici Christophe Ghristi qui, par sa confiance, me permet d’explorer de nouveaux territoires et ainsi de continuer à développer mon instrument. Le rôle de Leonora par son étendue vocale, sa riche palette d’émotions et de nuances, requiert une certaine maturité vocale sans compter une réelle maîtrise technique. Je suis heureuse d’aborder ce rôle maintenant.
Pour demeurer dans le répertoire transalpin, quelles sont vos prochaines prises de rôles ou du moins celles dont vous rêvez ?
CH : Je ne peux dévoiler les projets futurs dans ce répertoire. Les rôles qui m’appellent sont bien sûr Minnie de La Fanciulla, Turandot, Abigail de Nabucco… En travaillant cette Force du destin, je me suis mise à rêver de Tosca… Qui vivra verra !
Robert Pénavayre
une chronique de ClassicToulouse