The Mission, un film de Paul Greengrass
Pour son dernier tour de manivelle en date, Paul Greengrass s’essaie au western. Qu’il revisite bien sûr en compagnie d’un Tom Hanks des grands jours.
1870 au Texas. Cinq ans après la fin de la seconde Guerre de Sécession. Le scénario nous met dans les pas du Capitaine Jefferson Kyle Kidd, un ancien de cette guerre fratricide dont les plaies sont encore béantes. Aujourd’hui il sillonne cette jeune Amérique pour apporter dans ses contrées les plus reculées des nouvelles du pays : événements tristes ou pas, découvertes, annonces people, etc. Il le fait en réunissant la population dans le saloon local pour un prix modique. Durant l’un de ses périples, en pleine cambrouse, il se trouve face à un chariot renversé au cœur duquel se cache une gamine d’une dizaine d’années : Johanna. Il la prend sous son aile et lui enseigne l’anglais car cette petite fille a été enlevée dans sa prime jeunesse par des indiens Kiowa. Et c’est chez eux qu’elle a grandi. Quelques documents trouvés dans le chariot indiquent que ses parents sont morts et que le reste de sa famille se trouve dans un village distant de 600 km. Pour y parvenir il faut traverser des territoires hostiles : brigands, peaux-rouges… Kyle décide tout de même l’aventure.
Si le final est, à vrai dire, un brin cousu de fil blanc, cela n’empêche la pérégrination de ces deux êtres revenant mutuellement à la vie, chacun soignant du mieux possible ses fractures intimes, de constituer un cheminement plein de suspense et d’action bien sûr, mais aussi et surtout d’espoir. Les grandes étendues chères à la mythologue du western sont bien au rendez-vous tout comme les chevauchées, les fusillades, les troupeaux gigantesques… Une séquence totalement magique bien qu’immensément poignante nous met en présence d’une tribu indienne partant sur les chemins de l’exode. Un moment somptueux visuellement et d’une extraordinaire portée symbolique.
Kyle n’est autre que Tom Hanks. Grisonnant, revenu de tout, courbé sous le poids des épreuves, devenu philosophe, il dessine le portrait d’un homme aux confins de sa vie et qui finalement…
A ses côtés, la jeune Helena Zengel incarne avec un aplomb remarquable Johanna, cette petite fille entre deux civilisations.
Sans spectaculaire aucun, ce film, librement adapté du roman de Paulette Jiles (Des Nouvelles du monde – 2016), d’une grande profondeur de ton, nous montre en creux une Amérique naissante, divisée à jamais, déjà assoiffée par l’argent, le pouvoir, les armes à feu, crépusculaire avant de grandir. Une certaine Amérique qui, il y a peu, tentait de prendre d’assaut le Capitole…
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Paul Greengrass – Entre Jason Bourne et géopolitique
C’est à Cambridge que ce jeune britannique fait ses études universitaires. Il y a pire, vous en conviendrez ! S’il débute sa vie professionnelle en embrassant le journalisme, c’est pour s’intéresser aux mouvements séparatistes irlandais. Très rapidement, il a 34 ans, nous sommes en 1989, Paul Greengrass tourne son premier long métrage et débute ainsi une carrière de cinéaste. Connu du grand public surtout au travers de la saga Jason Bourne avec Matt Damon, Paul Greengrass revient régulièrement sur sa passion pour la géopolitique, tournant Bloody Sunday (Ours d’or à Berlin en 2002), Vol 93 (sur les événements du 11 septembre 2001), Green Zone (sur la seconde Guerre en Irak), etc.