The Dig, un film de Simon Stone
Qu’il est agréable et rassurant de visionner un film à l’ancienne, sans rebondissements aussi excessifs que vains, sans images aussi belles que, hélas, souvent vides de sens. Et lorsqu’en plus s’ajoutent à ce plaisir régressif l’histoire vraie d’une formidable découverte archéologique et une actrice aussi lumineuse qu’émouvante, il faudrait être décérébré pour laisser passer pareille occasion. Voici donc The Dig (La Fouille).
Angleterre de l’Est, plus précisément dans le Comté du Suffolk, en 1939, alors que les avions de la Royal Air Force commencent à sillonner le ciel pour s’entraîner à une guerre toute prochaine. La caméra nous plonge immédiatement dans une campagne venteuse, pluvieuse, un brin monotone. C’est le domaine d’Edith Pretty (1883-1942), une riche veuve qui élève seule son jeune fils, Robert, déjà passionné d’astronomie et d’aventures spatiales. Au cœur de cette immense propriété de plus de 200 hectares, se dressent des tumuli. Chacun le sait, ils sont le signe, funéraire vraisemblablement, d’une activité civilisée très ancienne. L’un d’eux intrigue la propriétaire des lieux au point de la décider d’embaucher non pas un universitaire mais un fouilleur qu’elle connaît : Basil Brown (1888-1977), astronome et archéologue amateur. Fier de cette mission, Basil Brown se rend sur site et entame une fouille non conventionnelle. C’est le début d’une aventure extraordinaire qui verra la découverte du fameux site anglo-saxon du VIIe siècle de Sutton Hoo, à savoir un immense bateau funéraire et le trésor qu’il contient, aujourd’hui l’une des pépites du British Museum de Londres. Etroitement inspiré du roman éponyme publié en 2007 sous la signature de John Preston, le scénario ne se contente pas, ce qui aurait déjà été passionnant, de nous décrire les avatars d’une telle découverte avec les envies qu’elle suscitât de la part des universitaires qui étaient passés à côté… Non, le film va beaucoup plus loin et installe une réflexion métaphysique entre passé, présent et futur. Le passé ici se conjugue en termes de temps long et de traces que l‘on veut/peut laisser dans l’Histoire, le présent c’est celui de cette veuve qui n’ignore pas que ces jours sont comptés et qui souhaite que l’avenir la considère comme un maillon dans la connaissance de l’Histoire. Et puis il y a le futur. C’est non seulement l’exposition ad aeternam de ce trésor dans l’un des plus prestigieux musées du monde (gratuit d’accès faut-il préciser !) et le jeune Robert, passionné par le ciel et les aventures intergalactiques qu’il imagine (en 1939 !!). Ce croisement intertemporel est déjà vertigineux. Mais Simon Stone ne s’arrête pas là non plus. Il brosse à l’écran les portraits intensément douloureux de deux personnages, Edith et Basil, certes so british, qui ne feront que croiser des regards qui laisseraient deviner bien d’autres choses. Le rythme est lent, et même si des personnages secondaires encombrent le récit, ils ne peuvent faire passer au second plan ce film finalement follement romanesque. Ralph Fiennes endosse le costume de fouilleur avec cette virtuosité d’accent et de geste qui font de lui un immense comédien. Avec ses trois mots à dire, on n’entend que Carey Mulligan, Edith Pretty, cette jeune femme qui avance sereinement vers une fin qu’elle veut magnifier. Un talent fou somptueusement capté par un metteur en scène qui, pour son second long métrage, faisant subtilement l’économie de quelconques scories, nous met dans les pas de personnages hantés par des questionnements essentiels qui devraient faire le lit de chacun de nous.
Magistral !
The Dig – Réalisateur : Simon Stone
Avec : Carey Mulligan, Ralph Fiennes, Lily James…
Durée : 1h52 – Genre : drame historique
The Dig • Netflix
Simon Stone – Théâtre, cinéma, opéra !
Né à Bâle, en Suisse, de parents australiens, c’est en Angleterre cependant que le jeune Simon grandit avant de s’installer sur la terre de ses ancêtres. C’est là qu’il accomplit des études qui lui ouvrent les portes d’une triple carrière : acteur, auteur et metteur en scène. En 2007, il a 22 ans, Simon Stone se lance dans une première production théâtrale. C’est le début d’un parcours étourdissant couronné par les prix les plus prestigieux du théâtre australien. Sénèque, Tchekhov et surtout Ibsen lui valent la reconnaissance internationale. Depuis 2015 établi en Europe, Simon Stone pénètre peu à peu l’univers du cinéma mais aussi celui de l’opéra (La traviata à l’Opéra de Paris, entre autres).