La version piano-chant de l’opéra de Gabriel Fauré était une intention de Christophe Ghristi depuis longtemps et n’a donc rien à voir avec les contraintes actuelles liées au COVID 19. Ce virus est cependant coupable de nous avoir privé du chœur capitolin, remplacé in extremis par l’ensemble des solistes disponibles pour l’ensemble final.
Voici donc, sous la direction musicale d’Anne le Bozec, qui tient le piano également, pas moins de 14 solistes. Certes les emplois sont de difficultés diverses mais il faut dire immédiatement que tous les rôles sont tenus à la perfection. Il en est ainsi du très émouvant Eumée de Frédéric Caton, du sonore Eurymake de Thomas Dolié, du vibrant Antinoüs de Mathias Vidal, d’Anaïk Morel (Euryclée) mais également de l’ensemble des autres solistes. On ne peut également que saluer l’engagement dramatique et la superbe voix de ténor d’Airam Hernandez (Ulysse).
Mais tout le monde avait les yeux tournés bien sûr vers l’héroïne de ce long poème lyrique : Catherine Hunold (Pénélope). Coiffée d’un sobre chignon, vêtue sans ostentation d’un ensemble blanc et gris, elle incarne dès son entrée cette reine douloureuse qui va devoir bientôt choisir entre des hommes qu’elle abhorre profondément. Sa voix longue et puissante, sensiblement ombrée, se déploie sur tout un ambitus d’une remarquable profondeur avec une musicalité, une prosodie et un sens dramatique qui symbolisent à merveille les tourments de la souveraine d’Ithaque.
En affichant cette version concertante de l’ouvrage, Christophe Ghristi nous replonge dans ces concerts de salon qui faisaient fureur dans les siècles passés et peut-être bien aussi dans la confidentialité de la première audition privée de cette œuvre. Une intimité musicale qui sied à merveille à ce magnifique et sensible musicien que fut Gabriel Fauré.
Robert Pénavayre
une chronique de ClassicToulouse