Parfois on a la surprise d’un tout petit roman, 79 pages, 1h de notre temps et la plongée en apnée aux côtés de la jeune femme – héroïne ? victime ? Comment la nommer ? – dans l’univers clos d’une maison irakienne.
Dans l’Irak rural déchiré par des combats, la narratrice aime Mohammed en secret.
Quand celui-ci meurt sous les obus, elle est enceinte.
Dès lors, son destin est inéluctable : elle sera tuée par Amir, son frère aîné, dépositaire de l’autorité masculine depuis le décès de leur père.
Ce crime doit laver l’honneur de la famille, qui approuve en pleurs et en silence.
Premier roman.
Un premier roman donc pour Emilienne Malfatto, journaliste et photographe indépendante principalement en Irak, un pays qu’elle connaît bien et où l’impossible de cette fiction devient possible en réalité.
Le récit d’une marche lente vers la morte, inéluctable, lente comme 24 heures à peine dans la vie de cette femme qui dit « je » mais ne s’affirmera pas d’autre manière qu’en chuchotant sous son abaya noir.
La singularité de ce récit réside sans doute dans son genre, hybride, entre conte, fable, journal intime ou tragédie antique . Le roman est polyphonique, on y entend les voix de la victime, de sa mère, sa soeur, des frères et même de l’amour mort, celui par qui tout commence et tout finit : Mohammed.
«Nous naissons dans le sang, devenons femmes dans le sang, nous enfantons dans le sang……La première fois que le monde est devenu rouge, j’avais neuf ans. »
Une tragédie irakienne. A huis clos. De la naissance au sang de la femme entre ses jambes jusqu’au bain de sang et au linceul sous terre.
Un autre monde. Un monde d’hommes. Où le code de l’honneur supplante tout le reste.
Des frissons. Un cri avorté. Celui de milliers de femmes empêchées.
Que sur toi se lamente le tigre, Emilienne Malfatto // © ELysad