Isabelle Desesquelles
La technologie ne vous sera d’aucun recours ; ni GPS ni smartphone ne vous mèneront à destination. Le Grès bas, lieu-dit posé au milieu des Causses du Quercy et sillonné par les méandres du Lot, est un vrai défi pour les réseaux des divers opérateurs téléphoniques, et c’est très bien comme ça. Seuls votre sens de l’orientation et les précieuses indications de la maitresse des lieux vous permettront d’arriver à bon port.
Ici, face à la forêt d’érables et de petits chênes, la résidence principale côtoie la résidence « De pure fiction » La maison d’écrivain, qui accueille depuis 7 ans en pleine nature de nombreux hommes et femmes de plume, qui n’auront pas beaucoup d’excuses s’ils ne donnent pas ici le meilleur d’eux-mêmes, tellement l’endroit rassemble les conditions propices à l’exercice de l’écriture. Voilà plus de quinze ans qu’Isabelle Desesquelles publie des romans et, étonnamment, seulement deux qu’elle possède son propre bureau, alors que la résidence d’écriture qu’elle a fondée juste à côté en possède trois à disposition.
Une extension en bois de la maison d’origine lui permet maintenant de jouir d’une belle pièce à l’étage, uniquement dédiée à son travail, et lui évite de squatter les différentes tables de la chambre ou du salon. Son dernier ouvrage en date « Unpur » aura été le premier entièrement conçu dans ce bureau. Avant même de pouvoir s’installer à sa table de travail, Isabelle doit traverser la pièce occupée par son propre fils, et ce n’est ni anodin ni neutre pour qui connaît les thèmes liés à l’enfance présents dans les histoires de l’autrice de « Je voudrais que la nuit me prenne ». En d’autres termes, le travail commence ici, dans ce passage obligé d’un espace enfantin, comme une mise en jambe avant les travaux pratiques.
Un ordre impressionnant règne dans le bureau, baigné d’une chaude lumière que le revêtement de bois rehausse. Une ouverture latérale nous offre une vue sur le jardin, et un large velux sur les fameux Causses. Très attentive aux illustrations de couverture de ses livres, Isabelle Desesquelles garde précieusement les cartes ou photographies qui l’inspirent ; une photo de Martine Franck remarquée à la fondation Cartier-Bresson à Paris est de celles-là.
Émergeant ostensiblement sur le dessus épuré du bureau, une bougie parfumée à la myrrhe se rajoute à l’ambiance monacale de l’endroit en diffusant ses effluves d’église. Autre accessoire indispensable à la relecture d’un texte sur épreuves, une méridienne fleurie qui suit Isabelle comme son ombre depuis des années.
Le nécessaire de travail se résume à peu d’objets mais une fonction bien précise leur est attribuée : une chaise confortable, fidèle compagne depuis 1999. Un bureau de type américain, disposant d’une tablette de bois rétractable qui a trouvé sa vocation en tant que support des tasses de thé qui désaltèrent l’écrivaine, offre à ses tiroirs un contenu spécifique : pour l’un, les documents ayant trait à l’administratif, l’autre à la scolarité de l’enfant. Mais le suivant contient une des grandes inventions de notre époque : le Post-it.
Adhérant l’un à l’autre comme autant d’associations d’idées, par dizaines, ils forment recto verso le support multiple à partir duquel le livre s’écrira. Ils sont disponibles dans ce tiroir autant qu’au chevet de l’auteure jusque dans les poches de sa tenue de jogging, recueillant les éventuelles fulgurances de mots ou de phrases qui se permettraient d’arriver inopinément. Au fur et à mesure de l’écriture proprement dite, les petits carrés jaunes sont barrés, froissés et disparaissent à chaque fin de journée. A la dernière phrase du dernier Post-it retranscrite, le livre est terminé.
Texte & photos Jean-Jacques Ader
http://www.depurefiction.fr/le-site/hebergement.html
Dernière publication Unpur chez Belfond
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