Messieurs les candidats, parlez-nous de Culture.
Entre Santé, Sécurité, Economie, Education, il est impératif de faire une place à la Culture au sein du débat électoral. Chacun sait que, depuis toujours, elle est le véritable ciment des peuples. Sous ses formes les plus diverses, elle rassemble depuis des millénaires les populations de tous horizons. C’est un marqueur qui trace le profil des civilisations. Ce sujet était trop important pour que nous n’hésitions pas à questionner les deux candidats aux prochaines municipales toulousaines : Antoine Maurice et Jean-Luc Moudenc.
Voici leurs réflexions.
Quelle est la valeur aujourd’hui du mot « Culture » pour le candidat à la Mairie de Toulouse /Présidence de Toulouse Métropole ?
Dans un monde aux ressources limitées, la culture est la seule ressource illimitée que nous ayons à notre disposition.
Pour Archipel Citoyen, la culture est à entendre au sens large, telle que définie dans le cadre de la déclaration de Fribourg où sont explicités les Droits Culturels :
« Le terme « culture » recouvre les valeurs, les croyances, les convictions, les langues, les savoirs et les arts, les traditions, institutions et modes de vie par lesquels une personne ou un groupe exprime son humanité et les significations qu’il donne à son existence et à son développement.»
Dans ce cadre, notre politique culturelle a pour ambition d’accompagner et soutenir les acteurs de la culture qui maillent notre territoire dans une politique de coopération et de stimuler la mise en relation des habitant·e.s avec le monde artistique et culturel pour favoriser une citoyenneté de la vie de tous les jours, dans sa transversalité, dans le respect des expressions de chacun·e, et en relation proche et enrichissante avec les artistes.
La culture, c’est aussi ce qui fait œuvre et qui se partage et nous plaçons au cœur de notre programme la promotion des pratiques artistiques. Nous souhaitons à la fois faciliter leur accès au plus grand nombre, mais aussi soutenir les créations et la diffusion des spectacles.
De plus, après la crise du covid-19 qui a attirée nos regards sur les limites du modèle de société dans lequel nous vivons, la culture et l’imagination nous permettront de penser la cité de demain et de participer à l’échelle de la ville et de la métropole. Cette crise invite également à inventer de nouveaux modes de vie commune, mêlant la création artistique, les sciences et techniques, les traditions et les philosophie dans une démarche expérimentale et transversale incarnée dans un lieu que l’on prévoit : la Cité des Imaginations.
Il est commun d’entendre dire, quant aux trois piliers de l’Histoire plus ou moins récente de Toulouse qu’il s’agit de l’aviation, du rugby et de l’art lyrique…. Quels projets culturels comptez-vous proposer aux Toulousains ainsi qu’aux habitants de la Métropole ?
Bien sûr ! L’aviation, le rugby et l’art lyrique sont des marqueurs importants de la ville de l’Histoire contemporaine de Toulouse. Mais, au-delà de cela, notre ville fourmille d’acteurs de la vie culturelle et artistique qui participent de sa renommée : musique, danse, théâtre, arts visuels, cirque et arts de la rue, cinéma, etc.
Notre première intention est de permettre aux différents acteurs de développer pleinement leurs projets, et d’impulser les synergies nous permettant de penser en commun les expressions culturelles de demain.
Malgré la précarité dans laquelle évoluent les acteurs, des dynamiques et des compétences ont été développées. Sans interventionnisme, dans le cadre de référence exposé plus haut, les acteurs de la culture seront accompagnés afin que les dynamiques puissent aboutir à des projets structurants pour les filières et la ville.
Dans un même temps, nous voulons faire monde dans les quartiers et c’est dans cette perspective que la ville doit pouvoir proposer dans chacun d’eux, des outils qui permettront la création et la diffusion tout en étant des lieux de rencontre et de vies pour les citoyens : des tiers lieux culturels ou « lieux intermédiaires ».
Certains de ces lieux auront un caractère emblématique comme la Cité des Imaginations à la prison St Michel ou la Maison des Cultures à la Reynerie.
Nous souhaitons également donner toute sa place à l’art dans la cité à partir de l’espace public pour notamment poétiser la ville. Nous transformerons les espaces publicitaires en support pour la diffusion d’œuvre ou la communication culturelle, nous appliquerons rigoureusement le respect du 1% artistique dans la commande publique et développerons des ateliers d’artistes dans toute la ville.
La transmission et l’accès aux pratiques artistiques doivent être plus largement soutenus, dès le plus jeune âge. Nous développerons les interventions dans les écoles sur le moyen et long terme, nous encourageons les coopérations transversales entre les structures dites “socioculturelles” et “culturelles”.
C’est en accompagnant l’écosystème des acteurs toulousains, des grandes institutions aux petites structures, tout en étant ouvert au monde, que la culture à Toulouse pourra enfin rayonner au delà de ses frontières.
Le tissu musical « classique » toulousain est largement irrigué par des associations de tailles variables dont l’existence même dépend des subsides métropolitains ou municipaux. Il n’est rien de dire qu’entre saison 19/20 divisée par deux, indemnisation des artistes et perspective de jouer devant des tiers de salles à la rentrée, leur avenir est plutôt sombre, sans oublier des mécènes qui vont se faire de plus en plus discrets. Quels encouragements pouvez-vous leur donner ?
Dans ce contexte de crise, nous souhaitons affirmer notre soutien aux acteurs de la culture en général, dont ceux de la musique savante.
Après avoir consulté différents acteurs, nous avons proposé un plan d’urgence conséquent. Il est évident que les plus petites structures seront les plus touchées par la crise actuelle et que c’est en priorité dans leur direction que nos efforts doivent se concentrer. Tout d’abord nous devons accompagner ces opérateurs vers les nombreux dispositifs mis en place à différents niveaux, État / collectivités / société civile. Des appels à projet, au niveau de la métropole et de la DRAC permettront la présence accrue des artistes dans la ville jusqu’à la fin de saison 2021. Nous proposons d’ailleurs un fonds d’urgence qui permettra :
- de soutenir la trésorerie des structures les plus fragiles.
- d’accompagner les structures qui, en fin d’exercice, auront des déficits d’exploitation qui pourraient remettre en cause leur existence.
Ainsi, si la priorité ira aux plus fragiles, le plan de relance pourra concerner l’ensemble des acteurs grâce à cette mesure.
En ce qui concerne le mécénat, dans un contexte de crise, il reste un moyen pour les entreprises, de se donner de l’oxygène en allégeant les charges fiscales des mécènes.
Cependant, nous devrons nous poser la question de la façon dont ce mécénat pourra également profiter aux structures de taille modeste.
De façon générale, nous devrons considérer le champ culturel comme un écosystème et encourager les mécanismes de coopérations.
Pour la musique classique en particulier, nous identifions des axes d’améliorations notamment dans un meilleur usage des équipements structurants à l’échelle de la métropole en permettant un accès et une ouverture plus grande aux plus petites structures, sans omettre les ensembles plus importants.
La circulation de grands noms de la musique classique sur notre territoire doit aussi pouvoir profiter aux musiciens locaux, par exemple en permettant l’organisation de master classes.
La crise économique qui se profile d’ores et déjà vous a-t-elle amené à repenser votre programme à venir ?
Le programme d’Archipel Citoyen, de façon générale, anticipe une transition nécessaire au vue des urgences climatiques, sociales et démocratiques : c’est un axe prioritaire.
Nous sommes ambitieux dans la conduite de notre politique culturelle en la positionnant au cœur de notre action. Pour faire face aux contraintes financières nous mobiliserons les moyens des plans de relance d’Etat et européens d’une part et, d’autre part nous souhaitons respecter notre engagement pour une écologie heureuse. Cela amènera à examiner avec une extrême précaution l’engagement des moyens publics dans de nouvelles structures et à privilégier la réparation, la régénération du tissu existant, en stimulant les coopérations.
Il s’agit de réveiller Toulouse la belle endormie, sans investir dans de nouvelles cathédrales de la culture, tout en permettant aux acteurs de se mettre collectivement en mouvement.
Entretien réalisé par Robert Pénavayre
pour Classic Toulouse et Culture 31
Entretien avec Jean-Luc Moudenc / Aimer Toulouse
photo : Archipel Citoyen