Le pitch
Chaque année, à la mi-carême, se tient un très étrange Bal des Folles. Le temps d’une soirée, le Tout-Paris s’encanaille sur des airs de valse et de polka en compagnie de femmes déguisées en colombines, gitanes, zouaves et autres mousquetaires. Réparti sur deux salles – d’un côté les idiotes et les épileptiques ; de l’autre les hystériques, les folles et les maniaques – ce bal est en réalité l’une des dernières expérimentations de Charcot, désireux de faire des malades de la Salpêtrière des femmes comme les autres. Parmi elles, Eugénie, Louise et Geneviève, dont Victoria Mas retrace le parcours heurté, dans ce premier roman (Albin Michel) qui met à nu la condition féminine au XIXe siècle.
Les portraits des femmes, folles ou moins folles, abîmées, abusées, violées, récalcitrantes au carcan imposé par leurs parents, sont brossés avec simplicité et intensité. On ne peut que se révolter avec la jeune auteure contre les hommes qui contraignent, cataloguent et enferment les personnalités qui leur résistent, ces êtres fantoches qu’on entasse dans les dortoirs de la Salpêtrière qu’elles aient été filles de joie ou issues de la haute bourgeoisie. Un camp de concentration où les hommes torturent les femmes sous couvert de faire progresser la science. Mais qui sont ces femmes ? Des filles, des soeurs, des épouses, des mères, que l’on cache pour se débarrasser de l’opprobre qu’elles ne manquent de jeter leurs noms ou leurs castes.
Dans l’ombre du Professeur Charcot à l’initiative de cet invraisemblable Bal des Folles qui a lieu chaque année pour donner à voir au beau monde les vilaines forcenées, on lit entre autres l’itinéraire d’Eugénie, une jeune femme qui communique avec les morts et que l’on punit pour son précieux don.
Historiquement, le roman n’est pas aussi documenté que l’on aurait pu le souhaiter sur ce Paris de 1885 mais c’est aussi ce qui le rend plus digeste. Car le sujet est fort, sérieux, il faut bien en parler pour en parler. Ces femmes, ces hystériques, sont au centre de la narration. On les poursuit dans les couloirs, on les écoute parler aux murs dans les dortoirs bondés, on s’apitoie, on imagine et on danse comme le gotha parisien de l’époque autour de ces dingues dont personne ne veut mais qui attisent toutes les curiosités.
Un premier roman intéressant, parfois un peu trop manichéen, mais un moment de lecture qui ne laisse pas de marbre si l’on s’intéresse à l’évolution de la condition féminine à travers les siècles.