À Toulouse, Corinne Mariotto porte les mots de Simone Veil dans « Veil / Badinter, ou Du courage et de la conviction en politique » au Théâtre du Grand Rond, et reprend « les Règles du savoir-vivre dans la société moderne », de Lagarce, au Théâtre du Pavé.
Elle est une figure du Théâtre du Pavé, où elle a joué sous la direction de Francis Azéma dans de nombreuses pièces, de Molière, Racine, Labiche, Ionesco, Jules Renard ou encore Jon Fosse. Sur cette scène toulousaine, Corinne Mariotto (photo) fut en décembre dernier une exquise « Folle Amanda », se glissant dans la peau de ce personnage écrit pour Jacqueline Maillan par Jean-Pierre Grédy et Pierre Barillet. Elle terminera la saison du Pavé avec la reprise d’une autre pièce de boulevard, qui fut à l’affiche la saison passée durant les fêtes : « La Perruche et le Poulet », de Robert Thomas – l’auteur de « Huit Femmes ».
En attendant, elle reprend une nouvelle fois en mars « les Règles du savoir vivre dans la société moderne », monologue incisif de Jean-Luc Lagarce. Depuis quinze ans maintenant, elle joue ce texte partout en France, mais aussi en Europe, et même au delà. Au point qu’elle s’en lassa au bout de 150 représentations en une décennie : «Je l’ai arrêté pendant cinq ans, mais les gens continuent de me le demander et je le reprends avec beaucoup de bonheur. C’est une heure et demie de texte très dense, où il faut être à chaque seconde présent pour ne pas perdre le public».
De Lagarce, Corinne Mariotto a aussi joué « J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne » et « Derniers remords avant l’oubli ». Elle dit que cette écriture «ne donne rien à la lecture, mais c’est du pain bénit pour le comédien. Comme un jeu de piste, il faut trouver par où ça passe pour être juste. C’est une partition musicale dont l’instrument est le comédien. Si on dit le texte avec le rythme et les césures justes, ça devient valorisant pour le comédien. C’est une caractéristique présente chez d’autres auteurs, mais j’ai l’impression d’être chez moi avec Lagarce. Je me sens bien avec ses mots.» Francis Azéma l’affirme, «Corinne connaît bien cette écriture, elle a le style de Lagarce bien en bouche. Elle le parle très bien. Elle a le souffle : il commence une phrase dont la chute arrive trois pages plus tard, il n’efface rien, il laisse la phrase en chantier avec ses longueurs, il n’est pas concis. Il s’arrête quand le souffle est épuisé.»
La comédienne est aussi indissociable de l’écriture de Marguerite Duras. Aux côtés d’Azéma, elle a joué à deux reprises, et à dix ans d’intervalle, « la Musica deuxième » : «Un texte qui m’accompagne depuis longtemps, qui pour moi est comme un gant», confie-t-elle. Elle a créé la Compagnie de la Dame en 2014, pour jouer avec Denis Rey « le Bureau de poste de la rue Dupin et autres entretiens », extraits des conversations foisonnantes entre Duras et François Mitterrand. Il y a trois ans, elle a créé « la Cuisine de Marguerite », spectacle intimiste associant les carnets de recettes de cuisine de Duras et « la Maison », un texte tiré du recueil « la Vie matérielle ».
« La Cuisine de Marguerite » est une pure merveille, probablement le meilleur spectacle dans lequel on l’a vue… «Je dis ces textes aux gens en les regardant, ils sont avec moi, dans ma cuisine, et tout en parlant aux gens, je prépare la soupe aux poireaux qu’ils mangeront à la fin de la représentation. Le résultat, c’est, peut-être pour la première fois, un spectacle qui me ressemble vraiment, qui correspond complètement à ce que j’imaginais, qui s’est fait avec la même évidence qu’il est né dans mon esprit, et cette évidence se ressent dans le public chaque soir, il y a une espèce de complicité, de communion avec chaque personne du public, une intimité très forte, palpable dans le partage de ces textes de l’intime, qui parlent d’amour, des hommes, de cuisine, de la mère, de la maison, de la mort, de l’enfance…», confesse la comédienne.
Corinne Mariotto se glisse ces jours-ci dans la peau d’une autre grande figure de la France du XXe siècle : elle sera Simone Veil au Théâtre du Grand-Rond, dans « Veil / Badinter, ou Du courage et de la conviction en politique », sous la direction de Christophe Merle. Le spectacle confronte deux textes majeurs prononcés à la tribune de l’Assemblée nationale par Simone Veil et par Robert Badinter: le projet de loi sur la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse, en 1974, et le projet de loi abolissant la peine de mort, en 1981. Et ce n’est pas tout : on l’attend aussi au printemps dans la reprise du « Roi se meurt », pièce d’Eugène Ionesco montée par Azéma la saison dernière, au Théâtre du Pavé…
Jérôme Gac
pour le mensuel Intramuros
« Veil / Badinter, ou Du courage et de la conviction en politique », du mardi 18 au samedi 22 février, 21h00,
au Théâtre du Grand-Rond, 23, rue des Potiers, Toulouse. Tél. 05 61 62 14 85.
« Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne », du 3 au 8 mars,
« Le Roi se meurt », du 17 au 22 mars,
« La Perruche et le Poulet », du 5 au 13 juin ;
Au Théâtre du Pavé, 34, rue Maran, Toulouse