2e édition des Musicales Franco-Russes du 10 mars au 3 avril 2020
En pleine guerre froide, dans un discours fameux prononcé à Strasbourg en novembre 1959, Charles de Gaulle évoquait « l’Europe de l’Atlantique à l’Oural », incluant de fait la Russie, alors soviétique, au vaste ensemble géographique et civilisationnel européen. Grand lettré et féru d’histoire, celle de la longue durée, le Général savait mieux que personne combien les liens entre les vieilles nations européennes étaient plus forts et durables que les idéologies pouvant les séparer à une époque donnée. Soixante ans plus tard, l’Union Soviétique n’existe plus et les relations entre la France et la Russie sont redevenues ce qu’elles furent longtemps, faites d’admiration et de fascination réciproques. Le domaine artistique, en particulier musical, étant sans doute celui où s’est le plus incarnée cette influence mutuelle, jamais vraiment interrompue, mais que la création du Dialogue de Trianon a relancée en 2017. Un forum de coopération, conjointement souhaité par les présidents Macron et Poutine, visant à renforcer les liens entre les sociétés civiles française et russe, et à intensifier leurs échanges dans les domaines de l’éducation, de la recherche, de l’économie et de la culture.
C’est dans ce cadre que s’inscrivent les Musicales Franco-Russes dont la 2e édition a lieu à Toulouse du 10 mars au 3 avril. Après la réussite artistique et le succès public du rendez-vous inaugural de 2019, le festival 2020 s’annonce sous des auspices prometteurs. La programmation a été dévoilée début décembre, en présence des partenaires et parrains du festival, notamment Thierry d’Argoubet, délégué général de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse (ONCT), Hugues Malbert, membre du Dialogue de Trianon, Pierre Morel, ancien ambassadeur de France en Russie, Tugan Sokhiev, directeur musical de l’ONCT et directeur artistique des Musicales Franco-Russes, Marie Déqué, élue déléguée aux Musiques à la mairie de Toulouse, et Laurent Bayle, président de l’association Un Dialogue musical franco-russe.
Une programmation aussi prestigieuse que l’an passé, encore plus étoffée. Tour d’horizon.
Le Bolchoï, tsar de la programmation
C’était déjà l’attraction en 2019, le Théâtre Bolchoï de Russie est de nouveau la vedette du festival 2020 qu’il va lancer en fanfare lors des trois premières soirées (inscrites au programme de la saison des Grands Interprètes). À sa tête, son directeur musical, Tugan Sokhiev, trait d’union entre la Russie et la France à Toulouse et figure centrale des Musicales Franco-Russes. En ouverture mardi 10 mars à la Halle aux Grains, l’orchestre du célèbre théâtre de Moscou, son choeur et ses solistes, interpréteront en version concert Mazeppa, opéra de Tchaïkovski inspiré de Poltava, un poème épique de Pouchkine à la gloire du tsar Pierre le Grand. Une œuvre peu donnée en France qui devrait être une découverte pour une large part du public.
Bien plus connu et joué, Eugène Onéguine, autre opéra de Tchaïkovski d’après le roman éponyme en vers de Pouchkine (encore lui), sera aussi donné en version concert le lendemain, mercredi 11 mars, par les mêmes (à quelques solistes près) et au même endroit. Une belle occasion d’entendre le chef d’oeuvre lyrique du grand compositeur saint-pétersbourgeois, servi par la fine fleur des musiciens et chanteurs russes actuels.
Dernier rendez-vous avec l’Orchestre et le Choeur du Théâtre Bolchoï de Russie jeudi 12 mars, toujours à la Halle aux Grains, pour un programme dédié cette fois-ci à Borodine (Le Prince Igor – Danses polovtsiennes) et Rachmaninov (Trois chansons russes, op. 41 ; Symphonie n° 2 en mi mineur, op. 27), deux autres géants de la musique russe. Un hommage à la Russie éternelle et à l’âme slave.
L’Orchestre National du Capitole, bien sûr !
Après le Bolchoï, nul ne s’étonnera que l’Orchestre National du Capitole soit l’autre grande formation programmée lors de ces 2èmes Musicales Franco-Russes. Un orchestre qui partage le même directeur musical que la fameuse scène moscovite mais dont le premier rendez-vous avec le public toulousain, samedi 14 mars à la Halle aux Grains, sera placé sous la direction du chef britannique Leo Hussain. C’est la musique française du début du XXe siècle qui sera à l’honneur ce soir-là où l’ensemble symphonique toulousain, le Choeur du Capitole et une quinzaine de solistes donneront en version concert La Carmélite, opéra de Reynaldo Hahn sur un livret de Catulle Mendès mettant en scène la liaison entre Louise de La Vallière et Louis XIV. Encore une œuvre rarement programmée où l’on remarquera les noms d’Anaïs Constans, Hélène Guilmette et Éléonore Pancrazi parmi les chanteurs solistes.
C’est un Happy Hour « À l’heure russe » qui suivra, samedi 21 mars, avec Maxim Emelyanychev à la direction et le Toulousain Bertrand Chamayou au piano, des habitués de la Halle aux Grains. Au programme, deux concertos, celui pour piano et cordes d’Alfred Schnittke et celui pour piano, trompette et cordes en do mineur, op. 35 de Dimitri Chostakovitch. Des curiosités à découvrir sous les doigts d’un de nos meilleurs pianistes.
Le lendemain matin, dimanche 22 mars, la Halle aux Grains sera le théâtre d’un concert en famille pour lequel l’ONCT, de nouveau dirigé par Maxim Emelyanychev, sera rejoint par la Maîtrise de Toulouse/Conservatoire de Toulouse de Mark Opstad. Au programme de Liturgies d’Est et d’Ouest, des oeuvres de Rachmaninov (Liturgies de Saint Jean Chrysostome, extraits), Poulenc (Litanies à la Vierge noire) et des compositeurs contemporains Thierry Escaich et Caroline Marçot.
Rendez-vous suivant mardi 31 mars, à la Halle aux Grains, à l’occasion d’un concert L’éveil du printemps en compagnie d’Orfeón Donostiarra, choeur du Pays Basque espagnol lié de longue date à l’ONCT. Tugan Sokhiev sera de retour pour diriger ce programme où l’on trouve le légendaire Sacre du Printemps de Stravinsky, Nocturnes de Debussy et Al-‘Icha, une œuvre commandée par l’orchestre au jeune compositeur toulousain Benjamin Attahir, qui fera l’objet d’une création mondiale lors de cette soirée.
Enfin, la dernière apparition de l’ONCT lors du festival 2020 aura lieu pour la soirée de clôture qui prendra la forme d’un ciné-concert à la Halle aux Grains. La phalange toulousaine y accompagnera, sous la direction du jeune chef britannique Duncan Ward, la projection du film Le cuirassé Potemkine, oeuvre mythique du grand cinéaste soviétique Sergueï Eisenstein. Un chef d’oeuvre du 7e art pour finir en apothéose cette 2e édition.
Musique de chambre, musiciens de chambre…
Les fidèles de la saison des Clefs de Saint-Pierre savent combien les musiciens de l’ONCT peuvent être aussi de très bons chambristes. Les Musicales Franco-Russes vont en donner une nouvelle preuve puisque de nombreux concerts de musique de chambre sont programmés tout au long du festival. Le Théâtre Garonne en accueillera plusieurs et ce dès le 13 mars avec les musiciens de L’Instant donné (pièces pour flûte, alto et harpe de Denisov, Debussy et Rayeva) puis le 14 avec ceux de l’ONCT pour un Brunch musical où seront joués des quatuors à cordes de Ravel, Debussy et Denisov ; un programme qui sera redonné le lendemain après-midi par les mêmes musiciens dans l’Aude, à l’Abbaye de Lagrasse (concert La musique contre l’oubli).
Maxim Emelyanychev n’est pas seulement un des plus brillants jeunes chefs de la scène classique actuelle mais aussi un excellent pianiste, ce qu’il pourra montrer le 16 mars à l’auditorium Saint-Pierre-des-Cuisines en compagnie d’un autre jeune et brillant musicien, le violoncelliste Victor Julien-Lafferière. Ils joueront en duo un programme Cordes et âmes d’oeuvres de Debussy, Denisov, Poulenc et Rachmaninov. Le 19 mars à la Halle aux Grains, l’infatigable et toujours imaginatif Jean-François Zygel partagera le plateau avec quelques invités pour raconter en musique La fabuleuse histoire de Michel Strogoff. La semaine se conclura avec un quatuor à cordes de musiciens de l’ONCT le 22 mars au musée des Abattoirs par un concert De l’ombre vers la lumière d’oeuvres de Borodine et Debussy.
Les vents mènent la danse, c’est le sous-titre du concert donné par neuf musiciens de l’ONCT le 23 mars à la Halle aux Grains où ils joueront des pièces arrangées pour octuor ou nonette à vents de Tchaïkovski, Prokofiev et Gounod. Une soirée qui ne devrait pas manquer de souffle. Le 25 mars aura lieu un deuxième ciné-concert En sons et en images à l’espace Memento d’Auch (espace départemental d’art contemporain). Y sera projeté Le pré de Béjine, autre grand film de S.M Eisenstein, accompagné d’œuvres d’Onslow et Glazounov jouées par un quintet à cordes de musiciens de l’ONCT.
Un lieu inattendu accueillera le concert du 28 mars où le quatuor de clarinettes Les Becs du Midi, formé par les clarinettistes de l’ONCT, va se produire à la Halle de la Machine au milieu des créatures mécaniques conçues par l’équipe de François Delarozière. Ce programme La Halle de la Machine au tempo des clarinettes proposera des pièces arrangées ou originales de Debussy, Connesson, Khatchatourian, Milhaud, Stravinski, Bizet, Rachmaninov et Escaich. Retour au musée des Abattoirs le 29 mars pour Trois chants à l’unisson, un joli programme de trios avec piano de Fauré, Smetana et Chostakovitch. Dernier rendez-vous avec la musique de chambre le 2 avril, encore au musée des Abattoirs où le programme Cordes et vents en un même élan sera joué par six musiciens des pupitres de cordes et de vents de l’orchestre symphonique toulousain. On y trouvera des pièces de Françaix, Cras et Prokofiev.
Académie de direction d’orchestre
Une des originalités des Musicales Franco-Russes est de proposer une Académie de direction d’orchestre conduite par son directeur artistique. Pendant deux jours à la Halle aux Grains, les 25 et 26 mars, Tugan Sokhiev va transmettre son expérience et son savoir-faire aux jeunes chefs retenus pour cet événement ouvert au public. L’académie se terminera par un Concert le soir du 26 mars, où seront interprétées des œuvres étudiées durant les deux journées de stage.
Concert en partenariat avec l’Académie de Toulouse
Autre singularité de ce festival 2020, le partenariat éducatif et interculturel noué entre l’Académie de Toulouse et les Musicales Franco-Russes se concrétisant par un concert autour d’un conte féerique et poétique interprété par des élèves de l’académie. Un argument imaginé et écrit par Olivier Bellamy unira musiques de France et de Russie pour illustrer un voyage de Baba Yaga, la mythique sorcière russe. Venez le 24 mars à la Halle aux Grains pour vous émerveiller devant Baba-Yaga ! Des rives de la Garonne aux berges de la Volga.
En marge de la programmation musicale du festival
Les amateurs du genre noteront qu’un autre ciné-concert est programmé en début de festival. Les aventures extraordinaires de Mr. West au pays des Bolcheviks, film de Lev Koulechov, sera projeté le 12 mars à la Cinémathèque de Toulouse avec un accompagnement piano/percussions.
Plusieurs rencontres sont organisées parallèlement à la programmation musicale de cette 2e édition, mettant en valeur les liens entre la France et la Russie dans le domaine artistique, mais aussi ceux qui unissent musique, littérature et cinéma. Le 10 mars au Grand Foyer du Théâtre du Capitole, Musique de France et de Russie : une transmission avec Laurent Bayle, président des Musicales Franco-Russes, Tugan Sokhiev, Jodyline Gallavardin, pianiste spécialiste de l’enseignement du piano russe, et Charlotte Ginot-Slacik, musicologue ; le 11 mars dans le même lieu, Musique et littérature dans l’opéra russe avec Christophe Ghristi, directeur artistique du Théâtre du Capitole et Charlotte Ginot-Slacik, musicologue ; le 13 mars à la librairie Ombres Blanches, Rencontre avec les écrivains Leonid Guirchovitch et Luba Jurgenson ; le 13 mars 2020 à la Cinémathèque de Toulouse, Rencontre avec le cinéaste Andreï Konchalovsky animée par Michel Ciment, directeur de la publication de la revue Positif ; enfin le 14 mars à la Halle aux Grains, en préambule à la version concert de son opéra La Carmélite, conférence À la découverte de Reynaldo Hahn animée par Alexandre Dratwicki, directeur scientifique de la Palazzetto Bru Zane, et Jean-Jacques Groleau, dramaturge auprès du Théâtre du Capitole.
La 2e édition des Musicales Franco-Russes propose donc une programmation élargie, où l’on relève deux concerts en région (Aude et Gers) qui laissent augurer une extension régionale du festival dans les années à venir. L’organisation d’une manifestation jumelle en Russie (à Moscou) est également envisagée et pourrait voir le jour dans un futur proche.
En attendant, il faut profiter des propositions en tout genre de l’édition 2020 en réservant dès maintenant vos places. Beaucoup devraient partir très vite…
Les Musicales Franco-Russes
Crédit Photos : Conférence de Presse © Patrice Nin • Maxim Emelyanychev © Julien Mignot • Tugan Sokhiev © Marco Borggreve • Jean-François Zygel © Thibault Stipal • Halle de la Machine © Jordi Bover