« Dialogues des Carmélites », de Poulenc, est représenté au Théâtre du Capitole sous la direction de Jean-François Verdier, dans la célèbre mise en scène d’Olivier Py.
La saison lyrique se poursuit au Théâtre du Capitole avec « Dialogues des Carmélites », présenté dans la mise en scène créée en 2013 au Théâtre des Champs-Élysées – en coproduction avec le Théâtre de la Monnaie de Bruxelles – et reconnue comme l’une des plus belles réussites d’Olivier Py pour l’opéra. Basé sur des événements survenus durant la Révolution française, le chef-d’œuvre de Francis Poulenc, également auteur du livret, est l’adaptation d’un scénario de Georges Bernanos, scénario écrit pour un film qui ne sera pas réalisé de son vivant et inspiré d’une nouvelle de Gertrud von Le Fort, « la Dernière à l’échafaud », parue en 1931. Pour l’écriture de sa nouvelle, la poétesse et romancière allemande a puisé dans un récit rédigé par sœur Marie de l’Incarnation (Françoise-Geneviève Philippe, 1761-1836), intitulé « la Relation du martyre des seize carmélites de Compiègne », qui fut publié après sa mort ainsi que d’autres documents éclairant l’arrestation de ces religieuses accusées de conspiration et exécutées durant la Terreur, en juillet 1794. Carmélite au sein de cette communauté, sœur Marie de l’Incarnation était absente lors de l’arrestation et ses écrits constituent un témoignage précieux de ces événements.
Gertrud von Le Fort a ajouté dans sa nouvelle le personnage de Blanche de la Force, très proche de sa propre sensibilité. Vivant dans l’angoisse depuis l’enfance, la jeune femme devient religieuse pour lutter contre cette souffrance: «…elle a reçu le souffle de la vie de mon esprit intérieur, et on ne peut la détacher de cette origine, qui est la sienne. Née dans l’horreur profonde d’une époque assombrie par les signes de la destinée, ce personnage m’est venu comme l’emblème d’une époque à l’agonie travaillant à sa propre ruine». Quant au scénario de Bernanos, achevé au lendemain de Seconde Guerre mondiale, il est l’œuvre d’un homme qui souffre du cancer du foie qui va l’emporter. Il sera adapté au théâtre en Allemagne, puis en France par Jacques Hébertot, en 1952. L’opéra de Poulenc est créé à la Scala de Milan, en 1957, dans une version italienne de Flavio Testi, avant la première française à l’Opéra de Paris, le 21 juin de la même année.
L’histoire débute en avril 1789, lorsque Blanche, fille du Marquis de la Force, décide de rejoindre le Carmel à Compiègne. Jeune fille fragile, hypersensible depuis sa naissance survenue dans des circonstances de violences populaires ayant entraîné la mort de sa mère, elle envisage ce lieu de prière comme un refuge à la peur qui la hante. Accueillie par Madame de Croissy, Blanche de la Force est acceptée au sein du couvent, où elle fait la connaissance de Sœur Constance, autre jeune novice, pleine de vie, d’humour et d’audace. Au dehors, la Révolution décrète en 1792 la suppression et la dispersion des ordres religieux. Chaque religieuse est confrontée au mal et à la souffrance, à l’orgueil ou au doute, à la peur et à la solitude. Chacune est face à ses choix, face à Dieu. À l’invitation de Mère Marie de l’incarnation, elles prononcent alors le vœu du martyre en l’absence et contre la volonté de la prieure Madame Lidoine. Les carmélites font vœu de martyre pour que le don de leur vie contribue à sauver la France de la Terreur. Onze jours après leur mort, la Terreur cesse.
Francis Poulenc, à la fois homme profondément «religieux» et compositeur «moderne», a restitué dans ces « Dialogues… » l’enjeu historique de la foi et du mystère sans en nier les tourments de l’âme et de la chair dans lesquels se mêlent orgueil et humilité, folie et réflexion, peur et don de soi. Selon Olivier Py, Poulenc «a su soutenir le texte de Bernanos avec une justesse d’émotion absolument extraordinaire. Ses mélodies, ses harmonies, ses interludes orchestraux, tout contribue à magnifier ce dont le texte est déjà porteur. Et c’est sans aucun doute la raison qui fait que cette histoire parle à tout le monde, par-delà les croyances religieuses: c’est d’une expérience humaine qu’il s’agit ici, un appel à vivre dignement. L’essentiel est là.»
La mise en scène d’Olivier Py (photo) ne s’éloigne pas du contexte historique fortement lié au drame, elle s’attache à révéler de l’œuvre «son sens le plus profond, le plus fort», assure-t-il. Les décors et les costumes de Pierre-André Weitz sont toutefois détachés de toute historicité: «ce que nous cherchons, c’est à donner l’idée au spectateur, pas à lui imposer une vision muséale. C’est pourquoi tout est ici très stylisé et épuré, que ce soit pour les costumes, qui font immédiatement penser à des sœurs sans pour autant être authentiques d’un point de vue historique. Pareil pour les décors : nous sommes dans une boite de bois gris, qui laisse la place à l’imaginaire de chacun d’entre nous. Une sobriété ouverte, tout sauf ennuyeuse», prévient le metteur en scène.
Sous la direction de Jean-François Verdier, seront réunies au Théâtre du Capitole de jeunes et talentueuses voix récemment appréciées sur cette scène: Anaïs Constans (« Carmen ») dans le rôle de Blanche de la Force, Anaïk Morel (« Ariane à Naxos ») dans celui de Mère Marie de l’Incarnation, Catherine Hunold (« Ariane à Naxos ») dans celui de Madame Lidoine, Jodie Devos (« Orphée et Eurydice ») dans celui de Sœur Constance. On retrouvera également la mezzo-soprano Janina Baechle (« Ariane et Barbe-Bleue ») dans le rôle de Madame de Croissy, la Première prieure.
« Dialogues des Carmélites », du 22 novembre au 1er décembre ;
Concert d’œuvres de F. Poulenc, samedi 30 novembre, 18h00.
Au Théâtre du Capitole, place du Capitole, Toulouse. Tél. 05 61 63 13 13.
Conférence, jeudi 21 novembre, 18h00, au Théâtre du Capitole (entrée libre).
Exposition de documents de la BNF, au Théâtre du Capitole (entrée libre).
Billetterie en Ligne du Théâtre du Capitole