Matthias et Maxime un film de Xavier Dolan
Lors d’une soirée entre potes, deux jeunes hommes échangent, pour les besoins d’un film, un baiser. Il va se révéler ravageur.
Pour son huitième opus, le surdoué québécois Xavier Dolan, 30 ans au compteur, croulant sous les récompenses planétaires, retourne dans son pays et en profite pour faire également un saut devant sa caméra. Il filme ici, d’après ses propos, ses années 20. Si l’on en juge, elles furent turbulentes mais pleines d’amitiés et de passions. Nous voici donc au cœur de fiestas sous adrénalines et autres substances pas toutes naturelles. Dans un joual (merci le sous-titrage) luxuriant et leste, jouissif pour nous dans tous les cas, une histoire se met en mouvement. La seule fille du groupe des joyeux noceurs doit terminer son court-métrage de fin d’études et voilà que, pour une séquence, ses deux acteurs lui font faux bond.
Elle réclame des volontaires. Maxime (Xavier Dolan, épatant) accepte volontiers. Lui trouver un partenaire est a priori plus difficile. Question de timidité, de pudeur. Il est décidé que ce sera le gage d’un pari perdu. C’est Matthias qui tombe dans le traquenard. Et les voilà tous les deux, amis de très longue date, sur un canapé, pour se donner…un baiser. Ce sera furtif et puis ce n’est pas pour de vrai. Sauf que les répercussions de ce moment d’intimité vont avoir des répercussions littéralement atomiques chez les deux jeunes gens et en particulier chez Matthias, sorte de cadre costume-cravate, marié, hétéronormé jusqu’à la racine des cheveux. Stupeur et interrogations. Un véritable séisme existentiel s’empare du jeune homme.
Ce baiser « de cinéma » est allé réveiller un sentiment enfoui au plus profond de sa psyché. Matthias est face à un vrai tsunami d’émotions qui le trouble au plus profond de ses certitudes. Que faire ? Ignorer paraît impossible. Accepter tout autant. La caméra de Xavier Dolan va suivre alors pas à pas le cheminement de Matthias. Entre révolte, regards perdus, renoncement, inextinguible tentation, Matthias emprunte un vrai chemin de croix. Il le mènera vers son destin et sa vérité. Le coup de génie du réalisateur, ce n’est pas à proprement parler ce film un brin foutraque, désordonné aussi, mais plutôt de nous présenter en Matthias l’humoriste Gabriel d’Almeida Freitas. Xavier Dolan a compris qu’il avait à faire à une « gueule » et, pour le coup, il le filme avec une science du cadrage, de l’angle, de la lumière qui nous rassure sur son talent de cinéaste. Il serait étonnant que ce jeune comédien, spécialiste du stand up humoristique, retourne sur les planches de l’humour tant son interprétation, éminemment romantico-dramatique, est ici frappée au sceau d’une profondeur de ton hallucinante. Il n’a pas trente ans et vient ici de signer magistralement sa première apparition sur grand écran.
Ad Astra – Réalisateur : Xavier Dolan – Avec : Gabriel d’Almeida Freitas, Xavier Dolan …
Gabriel d’Almeida Freitas – Humoriste, avez-vous dit ?
Aussi incroyable que cela puisse paraître, au vu de sa prestation dans le film sous rubrique, Gabriel (29 ans), un Québécois de Québec, se destinait au stand up comique. Sa rencontre, il y a quelques années, avec Xavier Dolan, change aujourd’hui sa vie. En effet, ce dernier lui a proposé le premier rôle de son prochain long. Il sera Matthias. Malgré son inexpérience totale du 7ème art, Gabriel accepte. Bingo ! Il n’est rien de dire qu’il crève l’écran, le monopolisant même dans le silence le plus total, marque indiscutable d’un charisme qui ne l’est pas moins. Il serait invraisemblable qu’un tel coup d’essai s’arrête là.