En septembre dernier, s’est tenue au Palais des Congrès Pierre Baudis pour la 8e année consécutive à Toulouse la nouvelle édition du Cartoon Forum, événement européen qui se présente lui-même ainsi :
Cartoon Forum is a pitching & co-pro forum for animated TV projects. For 3 days, producers have the opportunity to pitch their project in front of 1000 broadcasters, investors and other potential partners from 40 countries. Since its creation in 1990, 786 series found financing, representing a total budget of 2.7 billion EUR.
Donc, comparé à la présentation de 2018 (que vous pouvez retrouver ici), 2 pays de plus, 28 projets supplémentaires de financés, pour un budget augmenté de 200 millions d’euros. Cette année, 85 projets ont été présentés, et l’invité d’honneur était la Wallonie-Bruxelles. Si vous voulez rire de l’humour belge et enfin comprendre ses financements, comme la fameuse taxe shelter, cette vidéo est faite pour vous :
https://www.facebook.com/CARTOON.eu/videos/2441311066083925/
Amis belges, je vous aime ! Cette année, je n’ai pu être présente qu’à une demi-journée des trois jours de présentations. Mais j’ai quand même réussi à voir trois projets dont j’espère la concrétisation :
Lost Lucy, mini-série de 10 épisodes de 30 minutes, est l’adaptation du roman Le Mystère de Lucy Lost (Listen to the moon) Prix Sorcières catégorie roman 9-12 en 2016, de l’auteur britannique Michael Morpurgo, connu pour Cheval de guerre, adapté au cinéma par Steven Spielberg.
En 1915, sur l’île de Scilly au sud de l’Angleterre, un pêcheur et son fils de 13 ans, Alfie, trouvent une jeune fille en détresse. Avant de s’évanouir, elle prononce un unique mot « Lucy« . Elle semble avoir 11 ans, sait dessiner, jouer du piano, monter à cheval. Mais pour les gens de la communauté, elle demeure une énigme. Ils n’ont connu que leur île, et en pleine guerre, ils envisagent qu’elle puisse être une espionne. Alfie, lui, ne doute jamais d’elle. Les porteurs du projet mettent en avant que les plus jeunes vont s’identifier facilement aux deux jeunes personnages, que les adultes seront touchés par le réalisme d’une communauté bouleversée par la Grande Guerre. Le mystère qui entoure Lucy plaira quant à lui à tout le monde.
C’est un projet d’un budget de 12M€, en recherche de coproducteurs et de pré-ventes pour compléter le financement, proposée par Xilam Animation, et réalisé par Jean-Christophe Dessaint, connu pour son travail sur Le Chat du Rabbin et Le Jour des corneilles. C’est une animation CGI en 2D, comme celle de J’ai perdu mon corps, en salles le 6 novembre, nous a précisé l’équipe.
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Some of Us est un projet de Jean-Charles Mbotti-Malolo, produit par Bachibouzouk, qui s’intéresse aux discriminations, par le biais de 10 personnalités sportives qui en ont été victimes. Jean-Charles Mbotti-Malolo, connu entre autre pour ses courts-métrages Make it soul et Le Sens du toucher rappelle que les victimes de discriminations sont rarement à l’abri de petites phrases bien culpabilisantes, du genre « tu es paranoïaque » ou « tu fais pas mal ta victime« . Et il a malheureusement raison. Allez bim, double peine dans ta tronche mon gars : tu es discriminé et en plus, tu serais bien aimable de ne pas la ramener hein. Donc, autant vous dire que j’étais enthousiaste que, ENFIN, un tel projet soit proposé ! Sur leur temps de présentation, il a été montré un extrait de la vidéo réalisée par Brut. sur l’homophobie dans le milieu du foot, que je vous poste ici en entier :
et il n’y a pas que le football où sévit l’homophobie, comme le prouvait le second extrait vidéo proposé avant la présentation de l’animation, avec Gareth Thomas, rugbyman :
Some of Us a donc l’ambition de faire dix épisodes de dix minutes car « c’est un format qui marche bien, qui laisse le temps d’une vraie narration » où s’entremêleront images live avec un entretien du sportif, images d’archives et animation « pour raconter tout ce qui est indicible, […] l’animation permettra des transitions souples« . Chaque épisode serait lui aussi un message positif, comme la vidéo souhaitée par Gareth Thomas (cf ci-dessus). Le premier épisode que nous avons pu voir concerne Isadora Cerrulo, demandée en mariage par sa compagne lors de Jeux Olympiques de 2016.
Les épisodes, écrits par Karine Chaunac, donneront la parole à Gareth Thomas (rugbyman gallois gay), à Yohann Gène (guadeloupéen et premier cycliste noir sur le Tour de France), à Nantenin Keïta (coureuse malienne, albinos et malvoyante), à Zeina Nassar (boxeuse allemande qui combat avec son voile). L’idée serait de pouvoir faire les neuf autres épisodes afin de pouvoir livrer les dix en juin 2020, lors des Jeux Olympiques de Tokyo, pour être diffusés en télévisions internationales. Le producteur de Bachibouzouk, Laurent Duret, prévoit aussi un développement pour les plateformes et les formats mobiles. Trois autres coproducteurs font déjà partie du projet – DPT (Canada), Films Angels Productions (Lituanie) et Hors Zone en Belgique, et « la liste des partenaires n’est pas close« .
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We are Family est lui aussi un projet éducatif/pédagogique, autour de la musique. L’idée est de montrer comment des mouvements de musiques différents se croisent, s’influencent pour donner naissance à un nouveaux genres musicaux. Il y aurait 52 épisodes de 8 minutes, où chaque épisode racontera la naissance d’un nouveau style.
Nous avons pu ainsi découvrir la naissance du premier hymne Rap Rock avec la chanson « Walk this way », alors que Rick Rubin est encore un étudiant de 19 ans, et va réunir le rap et le hard rock, avec Run–D.M.C. et Aerosmith. Pour rappel :
L’épisode était drôle, avec une fausse narration « cela aurait pu se passer comme ça, mais non« , simple et clair, et finit sur les autres titres appartenant à ce nouveau genre musical.
Cette série est sous le contrôle de musicologues, et a reçu l’approbation de musiciens. Ils souhaiteraient aussi en faire des déclinaisons les musiques locales, ainsi que par genres, artistes ou instruments (cf les photos ci-dessous).
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Toujours dans le cadre du Cartoon Forum, mais cette fois-ci à la Cinémathèque de Toulouse en partenariat avec l’ACREAMP, nous avons pu assister à trois présentations de projets de longs-métrages : Les Aventures de Pil, par les studios TAT, entièrement sous la direction de Julien Fournet ; La Traversée, sur un scénario de Marie Desplechin et Florence Miailhe, réalisé en peinture sur verre et Josep, réalisé par le dessinateur de presse Aurel, dont c’est le premier long-métrage, et qui nous l’a présenté.Josep est un film sur le dessinateur et caricaturiste Josep Bartoli. En février 1939, il fait partie du demi-million d’Espagnols qui fuit le franquisme en passant les Pyrénées pour arriver en France, et être gardés dans des camps français. Pour plus de précision, je vous conseille la page de Camille Renard sur France Culture, du 31 janvier 2019.
Pendant qu’il réalisait son premier court-métrage, Aurel découvre des photos de Josep Bartoli, des dessins dont son autoportrait, ainsi que le livre édité à partir de ses dessins durant les différents camps français. Ce travail de témoignage et de survie de Josep Bartoli fait écho au travail d’observation journalistique d’Aurel.
Jean-Louis Milesi a construit le scénario en s’inspirant des dessins de Josep Bartoli, et des archives de la Retirada.
Les techniques ici devaient coller le plus possible aux dessins de presse de Josep Bartoli : le papier n’était donc pas de très bonne qualité, et les outils étaient très basiques et restreints.
L’animation n’est ici qu’un outil pour raconter quelque chose de très précis. Aurel a pris l’habitude de parler de « film dessiné », et l’extrait que vous avons pu visionner ne le contredit pas :
Quand une personne se déplace, j’ai fait des fondus. On joue sur l’ellipse en permanence. […] J’ai fait tous les layouts pour qu’il y ait mon trait.
Le décor se limite aux éléments nécessaires à la compréhension de l’image.
Josep Bartoli a été aidé par un gendarme qui lui apportait du matériel pour dessiner et pour s’échapper des camps. C’est François Morel qui prêtera sa voix au gendarme Robert.
La dernière partie du film est une fiction la plus totale, et se déroule à New York où le petit-fils de Josep assiste à une rétrospective consacrée à son grand-père. Le film dure 74 min et le montage son n’est pas encore fait.
Assez fabuleux de voir toutes les étapes de la construction d’un film si cohérent dans sa globalité. Réellement très hâte de le voir fini et en salles.
Merci Aurel de m’avoir donné l’autorisation de publier les photos que j’ai pu prendre lors de sa présentation.
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Et pour finir sur le Cartoon Forum, c’est aussi le lieu des récompenses. Palmarès en image :
Et donc, youpiiiiiii ! Vincent Tavier au nom de Panique ! reçoit le prix du meilleur producteur 2019 « on célèbre cette année la Belgique, et deux Belges ont un prix…. c’est pas louche » dixit lui-même.
Pour ceux qui ne connaitraient pas Panique !, ce sont eux les responsables de Panique au village, et qui nous ont offert cette année la petite vidéo qui clôturait le petit-déjeuner et le déjeuner, avant les bandes-annonces des projets :
Et puis la même semaine, une fois le Cartoon Forum fini, les Toulousains ont pu voir un documentaire Des cowboys et des indiens, le cinéma de Patar et Aubier, réalisé par Fabrice du Welz (Calvaire, Alléluia et le 22 janvier 2020 Adoration), invité du Fifigrot.
Lors de la présentation du documentaire, Fabrice du Welz a insisté sur l’importance de travailler avec des amis, que cette notion-là devrait être enseignée en école de Cinéma. C’est vraiment un réel plaisir d’entendre les collaborateurs parler de ces deux artistes, de leurs expériences. Le parcours est des plus simple et atypique à la fois : ils ne travaillent qu’avec le coeur, qu’avec des gens qui apprécient, et jamais ils ne tirent la couverture à eux lors de collaborations. Rares sont les artistes aussi talentueux et récompensés, qui restent si modestes et fidèles à eux-mêmes.