Autour de cette trouvaille romanesque, de nombreuses légendes se développent. Il semblerait qu’il s’agisse d’une découverte fortuite après plus de 100 ans dans le grenier d’une maison toulousaine du XIXème siècle. Les actuels propriétaires installés depuis plusieurs décennies dans la Ville Rose expliquent que l’un de leurs ancêtres était un général de Napoléon et aurait ramené la toile après son voyage à travers l’Europe, plus précisément suite à la campagne d’Espagne de 1808 à 1814.
Datée de 1607, elle représente l’épisode biblique de la décapitation du général assyrien Holopherne envoyé par le roi Nabuchodonosor pour assiéger Bethulie. La veuve Judith qui avait pris la défense de la ville procède à l’exécution sous le regard transi de sa servante Abra.
Après la (re)découverte en juin 2014, l’euphorie survient plusieurs mois d’expertise passée lorsque le verdict tombe : il s’agirait de la dernière grande œuvre mise à jour du peintre italien, maître du clair obscur !
Plusieurs éléments viennent attester de cette attribution :
Le format imposant de cette huile sur toile (144 x 173 cm), habituel dans l’œuvre du Caravage, est composé de deux morceaux de toile cousus l’un à l’autre. La partie supérieure est peinte sur une toile en sergé, sur laquelle l’ensemble des scènes de l’artiste lors de son premier séjour à Naples en 1606-1607. Son tissage particulier lui donne une grande solidité.
Le passage aux rayons X a révélé de multiples modifications de la composition en sous couche. Ces repentirs, fruits du travail de recherche, ne sont présents que sur des œuvres originales et non des copies.
Par ailleurs, le travail préparatoire de la toile la rapproche de celle qu’utilisait alors le peintre, sombre avec inclusion de gros grains qu’il ajoutait pour faire vibrer la lumière. De larges bandes sombres autour des personnages ont été décelées pour accentuer la profondeur et le relief. Les longs coups de brosse assurés, ses touches de lumière, gestes sûrs seraient la signature irréfutable du Caravage.
L’absence formelle de signature n’est aucunement source de doutes puisque le maitre italien convaincu de son habileté ne s’est laissé aller qu’une seule fois de ce geste sur les 68 toiles aujourd’hui authentifiées.
Enfin, le sujet d’une violence extrême, renforcée par un mystérieux nœud au centre, les visages entre la grâce de Judith et la vieillesse de sa servante couplée à son goitre, la tension des mains… L’héroïsme de la jeune est célébré par de nombreux artistes, mais jamais avec la même tension dramatique qui caractérise le peintre !
Il n’y a pas de preuves absolues qu’il s’agisse d’un Caravage mais un faisceau d’indices. Certains experts s’en contentent, d’autres doutent encore et l’attribueraient à un contemporain de l’artiste, Louis Finson, peintre et marchand d’art flamand, dont il existe déjà une copie à Naples. Le débat est âpre !
Après avoir classé le tableau « trésor national », bloquant sa sortie de territoire pendant trente mois, l’Etat français à autorisé sa vente en novembre 2018. La mise à prix fixée à 30 millions d’euros, nous laisse imaginer des records de vente, car la valeur de ce tableau est estimée entre 120 et 150 millions d’euros par les experts.
L’estimation représentant une décennie d’acquisitions du Louvre, la France a renoncé à une préemption dans l’immédiat.
Tout laisse à penser à un moment historique, par la belle émulation qui devrait régner dans la salle, en l’occurence la Halle aux Grains, le jour de la vente, différents collectionneurs de divers continents semblent s’intéresser de près à cette toile (exposée dernièrement à Londres, New York et Paris).
En attendant « Judith et Holopherne« , est visible gratuitement à la salle des ventes de Saint Aubin jusqu’au 23 juin, seule nécessité, s’armer de patience tant les curieux sont nombreux et viennent parfois de très loin.
Le monde du marché de l’art retient son souffle, le rendez-vous est pris !
JUDITH & HOLOPHERNE
Le 27 juin 2019 à 18H00
Toulouse, Halle aux grains
WWW.THETOULOUSECARAVAGGIO.COM