Pour ce troisième jour, ouverture tellurique dans les Pouilles italiennes avec Maria Mazzotta, suivie du vol de libellule by la délicate Dom La Nena, alunissage intense avec Jeanne Added, et longues vagues soul de Tanika Charles et ses Wonderfuls pour finir de blinder les cœurs. Maria à la Médiathèque Empalot, Prairie des FIltres pour les autres: le Rio Loco serpente dans la ville et magnétise des publics acquis aux infinies sensibilités féminines. Le message est passé, le festival atteint son climax, la fête est installée.
Oui, mille fois oui: MARIA MAZZOTTA aurait pu être l’étendard de ce festival dédié aux voix des femmes: profondément enracinée et respectueuse des traditions, cette artiste complète est littéralement, physiquement traversée par le souffle des histoires de femmes qu’elle chante avec un engagement plus artistique que militant : elle est à sa place. Car si les Pouilles italiennes ont conservé avec les (précieuses) traditions tous les stéréotypes de la place des femmes dans les sociétés patriarcales, les chansons qui les dénoncent résonnent avec une étrange modernité en notre 21e siècle gavé de progrès. Mais Maria pose ça avec humour et tempérament: un tempérament de chanteuse du sud, femme piquante, femme qui embrase. Ses pizzicas connectent à la transe, tambour battant, et les ornements de Bruno Galeone à l’accordéon accentuent dans ces envolées une rythmique plus que soutenue: necessaire. Dans l’assemblée, les pieds partent en gigue, les danseuses se lèvent, Maria sourit. Les balades à chialer, les berceuses poignantes, on ne vous les raconte pas; on attend comme vous leur premier album à paraître en octobre prochain. Avec Maria, les émotions ça se partage, et elle engage à les ricocher chacun dans sa vie – sinon quoi faire dans ce monde de brutes? Ce genre de prosélytisme, on prend non?
C’était à la médiathèque du quartier Empalot à Toulouse, où chaque édition du festival met un point d’honneur à programmer un-e artiste emblématique. La fête est pour tous.
Rattrapage mais pas que: ce dimanche 16 juin, dernier jour du Rio Loco, Maria revient – à la prairie des Filtres cette fois – dans un show très différent, avec la formation jazz toulousaine PULCINELLA, qui customise pour l’occasion son fameux GRAND DEBAL’LAGE en BAL’DENTE: chansons de Maria Mazzotta réarrangées et compositions originales. On vous en parlait ici.
Un long fil de soie tiré depuis son Brésil natal continue d’irriguer la poésie délicate de DOM LA NENA. Son violoncelle est toujours au cœur d’un instrumentarium qui s’est bien étoffé avec les années: ukulele, tambours sur cadre, petits synthés, guitare électrique et clochettes. Le tout ornemente des chansons-bouquets qui expriment un assemblage raffiné d’évocations colorées et d’humeurs joyeuses. Seule en scène, elle a pas froid aux yeux la Dom! Mieux: ça la challenge et elle aime ça!! On se réjouit du parcours de cette instrumentiste recherchée (Jane Birkin, Jeanne Moreau – s’il vous plaît!!, Piers Faccini avec Camille), aujourd’hui les deux pieds assurés sur son propre chemin, celui d’un folk du 21e siècle.
Puis vint JEANNE ADDED … La Prairie avait resserré les rangs pour gonfler encore le public déjà dense du concert précédent – mais était-ce le même? Lumières bleues, froides, brumes et pleine lune, le sol gronde: est-ce une messe? – noire-bleue-blanc-rouge-noire (*)? Les synthés nappent lentement une audience chavirée aux premières notes, consentante à la batterie qui cogne, même si la basse plus ronde lance quelques bouées à ceux qui savent les reconnaître. Jeanne ADDED surgit, petit androïde bondissant et pourtant lutin de cœur. Son chant mature souffle autant de lucidité que de réconfort. Elle a livré un set très affûté, artistiquement très abouti, bien au-delà des touches cold-wave bien dosées dans son esthétique. Sa révérence finale pose en coda une longue incantation apaisante que les jeunes filles musaient encore en quittant le site.
Jeanne – not Jane: une passion française?
La soirée nous était vendue soul et on l’a trouvée … au bout de la route, aux portes de la nuit, avec TANIKA CHARLES & THE WONDERFULS. Hahaha quelle belle foi: s’appeler THE WONDERFULS ! Mais cette artiste canadienne et ses boys sont exactement en ligne avec ce qui ressemble de prime abord à une posture de comm’: artiste en devenir, comme disait un collègue. Ils en ont la fraîcheur, les convictions, l’engagement. Elle était belle dans ses songs, Tanika, et ses Wonderfuls qui n’arrêtaient pas de se filmer live comme s’ils n’en croyaient pas leurs yeux!…. Avouez qu’on est un peu sous perf’ de la culture musicale US depuis … l’après-guerre? (la deuxième, la mondiale!!! … misère … calculez pas mon âge!), mais la Soul les gars, n’oublions pas que c’est aussi une musique traditionnelle, comme le Blues du Mississipi: celle d’une culture Black synonyme de naissance puis d’affirmation d’une identité (pas que culturelle). Une identité légitime, à laquelle Tanika Charles est connectée en prise directe, sans formatage dopé de références si vous me suivez (ben voilà que j’écris en creux maintenant!). Tanika CHARLES: à suivre!!
Rio Loco, tu nous satures les émotions – on espère tenir: t’as quoi dans le backlog?
De quoi ce dimanche sera-t-il fait??
Rio Loco: le Facebook pour les dernières news
(*) D’abord ça fait bizarre, en dérivant dans la Prairie, de tomber sur un stand de bouffe avec un écran qui retransmet le rugby … Ouais mais bon: on n’a pas la main sur tout le calendrier: ce même soir, Toulouse (Le Stadeuuuuuh!!) rencontrait Clermont en finale du Championnat de France … J’y peux rien ….