Tremblements, un film de Jayro Bustamante
Dans le Guatemala contemporain, la puissance de feu des mouvements évangélistes norme la vie des humains. Tétanisant !
Guatemala City, de nos jours. Pablo, la quarantaine, marié, père de deux enfants, appartient à la bourgeoisie de son pays. Mais voilà que ce parfait équilibre sagement entretenu par une pratique religieuse assidue est largement ébranlé par une rencontre, celle que va faire Pablo avec Francisco. Coup de foudre entre les deux hommes. Pablo découvre alors sa nature profonde, il est homosexuel. Dans l’univers pétrifié du Guatemala, mieux aurait valu pour lui de vivre son amour interdit dans la clandestinité.
Non, Pablo fait son coming out, se vouant de facto aux gémonies. D’un instant à l’autre, ce père de famille, ce mari, ce fils adoré devient un paria, pire même, un malade. Une solution s’impose afin que la honte ne rejaillisse pas sur toute cette famille égo-bienpensante. Puisqu’il s’agit d’une maladie, il faut soigner ce pauvre Pablo. Et dans cette société guatémaltèque pratiquante à près de 100%, noyautée par différents mouvements évangélistes représentant un vrai pouvoir politique et social, quoi de plus normal que d’entraîner Pablo dans la machine à laver le cerveau mise en place par des psychiatres appartenant eux-mêmes à ces églises. En résumé, le précipiter dans un véritable enfer d’endoctrinement. Docu-fiction effarant, le second opus de ce réalisateur nous fait suivre la thérapie de Pablo, sans économie aucune, nous faisant glisser des sueurs froides dans le dos. Une caméra objective montre sans complaisance le luxueux et étouffant appartement de Pablo mais aussi le taudis dans lequel celui-ci rencontre son amant, dénonçant au passage la fracture sociale gangrenant ce pays. Imposée par la famille autant que par les autorités religieuses, la course à l’abîme de Pablo peut commencer. Elle sera douloureuse dans sa chair, humiliante aussi au travers des regards pervers d’une « soignante » sortie tout droit des pires cauchemars de notre Histoire. Thérapie salutaire ou euthanasie mentale ? C’est après avoir rencontré plusieurs « Pablo » que Jayro Bustamante a décidé de faire ce film coup-de_poing afin de dénoncer le carcan dans lequel les gays de son pays sont enfermés, un carcan destructeur niant l’élémentaire droit à s’accepter. Sans effets de manche, mais avec une profonde conviction, Juan Pablo Olyslager (Pablo) incarne ce martyr des temps modernes décérébré sous nos yeux.
Tremblements – Réalisateur : Jayro Bustamante – Avec : Juan Pablo Olyslager, Mauricio Armas Zebadua…
Jayro Bustamante – Seul, ou presque, cinéaste guatémaltèque
Ce réalisateur franco-guatémaltèque fête aujourd’hui ses 42 ans. Ses études de cinéma vont l’amener à fréquenter des écoles internationales autant dans son pays d’origine, le Guatemala, qu’à Paris et à Rome. Son premier long-métrage, Ixcanul, est largement récompensé au niveau mondial, dont l’Ours d’argent, prix Alfred-Bauer, Berlinale 2015. En 2016 il représente son pays avec ce film aux Oscars et aux Golden Globes. Militant, son cinéma nous fait entrevoir une réalité guatémaltèque peu reluisante.