Jacques Mataly est, aussi, photographe. Il vit à Toulouse. Il définit lui-même sa quête, qui devient sa traque impitoyable: « C’est une invitation à voir l’impossible, à promener son regard au bord du globe terrestre, c’est une ligne de flottaison de l’imaginaire.» L’exposition s’appelle Ligne. C’est à la Galerie Jean-Paul Barrès du 15 mai au 15 juin 2019.
Un travail d’une infinie patience, de grande rigueur, d’obsessionnelle chasse à l’impossible, au risque du vertige de l’horizon et du vide. Les photographies de Jacques Mataly pourraient être prises n’importe où, ce qui leur permet de revendiquer une évidente universalité. Images sans perspective confinant à l’abstrait, elles sont bien le support d’une exploration de la permanence cachée derrière la nature transitoire de toutes choses. Quand ils ne sont pas confondus, la mer et le ciel paraissent courir l’un vers l’autre, s’intensifier et se mélanger le long d’une ligne d’horizon. Il ne reste plus qu’à capturer les infimes variations de la rencontre entre l’eau et l’air, et célébrer avec Jacques Mataly, la beauté atemporelle de la nature.
Cette recherche depuis longtemps entreprise, cette fascination de l’horizon est plus que de la photographie, elle est une quête éthique de l’infini, du temps immanquablement aux aguets. Dans cette attente de la lumière, surgira l’instant, où la couleur sera celle que l’on attend, ou celle qui vous surprend, objet du rendez-vous d’un moment donné amenant une véritable contemplation. Ce travail photographique est profondément pictural. Il peut nous faire penser en peinture au Seestuck d’un Gerhard Richter mais en plus sobre, et encore davantage au formidable Untitled (White, Yellow, Red on Yellow) de Mark Rothko, 1953, et en plus réduit à son Composition de 1959, et mieux encore, son Navy and Black de 1969. En noir et blanc, Hiroshi Sugimoto nous interpelle aussi avec ses Seascapes, mais dans chaque tableau de Jacques Mataly, nous avons les deux, le réel et l’imaginaire, assurément, tant est originale cette démarche sur les chemins de l’intangible, de l’éphémère absolu. Un travail qui peut paraître bien facile, et pourtant…
Homme de l’aube, celui du moment indécis où tout pourrait naître ou disparaître, Jacques Mataly part sur les falaises, ou pas, du monde guetter la ligne, sa ligne. Par définition, elle est toujours en moyenne à presque cinq kms, mais elle est l’instantanéité des épousailles entre ciel et mer, jamais les mêmes. Ou plutôt, guetter qui va engloutir l’autre ? Pêcheur d’horizons, dans l’attente de la vague absolue, Jacques Mataly trace une ligne sans fin, là où mer et ciel deviennent des ciels ou des mers inversés où seule une ligne leur sert de point de rencontre.
Le haut et le bas, le dehors et le dedans, se confondent à jamais. Il est un instant, justement, où, suspendu, on ne sait plus où finit l’un, où commence l’autre.
Parfois des nuages ou une écume peuvent servir de miroir et à l’un et à l’autre, tout en dérangeant l’uniformité. Jacques Mataly n’autorise pas d’autres intrus.
Des bleus profonds, des verts de végétaux immergés, des gris indécis dans toute leur palette, et des zébrures de rouge ou jaune comme traces du soleil juste enfui derrière, voilà des pans de Pantone naturels à souhait, irrésistibles.
On n’oublie pas que la réalisation de chacune de ces mises en boîte est de plus en plus compliquée, les paysages marins devenant des lieux passablement encombrés, et pour certains durablement. Il en ressort que la nature est paisible, encore, et éternelle, mais qu’elle est menacée, grandement et de façon accélérée.
Impression : « Cet été, chaque fois que je sortais de la maison et que je partais me promener sur le “malecon“, je ne pouvais m’empêcher de penser fort à mon ami Jacques Mataly. Jacques est un photographe orpailleur, patient comme un chasseur de papillons, précis comme un horloger… et en plus de tout ça, il “mixe“ comme le plus grand des DJ. Jacques mélange les couleurs à l’infini, secoue le sablier du temps comme seuls savent le faire les artisans de cette noble discipline et fait sortir de sa boîte magique des photographies !!
Ce petit clin d’œil est pour toi (en l’occurrence une très belle photo que son ami ne désavouerait pas dans sa rétrospective dite “lignes“) Merci de nous donner à voir tes lignes… car tu restes un maître dans cet art. »– François Canard photographe.
« Il faut comprendre la fascination du photographe, l’homme obsédé, c’est du moins ainsi que je l’imagine, par l’obligation de saisir l’impossible, l’intangible, l’évanescence. Photographier l’horizon, c’est saisir une chose qui n’existe pas, et la fixer dans le grain du papier.
Matérialiser le trait. Mais cela ne suffit pas, il faut poursuivre, il faut empiler, accumuler, la démarche artistique est là, dans cette traque, dans cette nécessité. Les œuvres se mettent à démultiplier les horizons dans de grands formats nécessaires, sans jamais en venir à bout. Et cette ligne, désormais brisée dans la série des tirages, semble soudain symboliser la fine cicatrice du désarroi du photographe. De notre désarroi, puisque nous sommes, avec lui, assis au bord de son œuvre. » Alain Monnier
Petit commentaire de l’artiste, indispensable pour les “accros“ de logiciels divers du style Photoshop : « Ordinateur, logiciels ? les noms même me sont étrangers, explique-t-il. C’est la combinaison, de la qualité de la lumière, du choix du film, de la technique du développement qui donne le résultat. Quand le film est tiré l’essentiel est accompli, reste alors à faire le tirage sur papier photo traditionnel. » Jacques Mataly. Pendant ce temps, toujours sur le motif, ligne d’horizon, l’ouzbeke Saodat Ismaïlova complexifie le pictural avec ses installations vidéo intitulées Two Horizons. La technologie au service de la nature, vraiment ? Disons, affaire de goût.
Galerie Jean-Paul Barrès
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1 place Saintes Scarbes • Toulouse
Jacques Mataly • Ligne
Exposition du 15 mai au 15 juin 2019