Le Cycle Grands Interprètes a décidé d’un concert tout Berlioz. Ce sera le jeudi 23 mai à 20h, à la Halle. C’est le chef François-Xavier Roth, qui dirige son orchestre baptisé Les Siècles. Ce sera l’imposante “grande ouverture“ des Francs-Juges qui précède le cycle de mélodies les Nuits d’été, version pour mezzo-soprano, chantée par Marie Lenormand, puis l’universelle Symphonie fantastique.
Les Francs-Juges, ouverture
Opéra-comique en trois actes opus 3, (sur un livret d’Humbert Ferrand)
Les Nuits d’été
Six mélodies pour mezzo-soprano et orchestre, opus 7 sur des poèmes de Théophile Gautier
Villanelle
Le Spectre de la Rose
Sur les lagunes
L’Absence
Au cimetière
L’île inconnue
Symphonie fantastique, opus 14, en cinq parties
“Épisode de la vie d’un artiste“
I. Rêveries, passions Largo-Allegro agitato e appassionato assai
II. Un bal Valse – Allegro non troppo
III. Scène aux champs Adagio
IV. Marche au supplice Allegretto non troppo
V. Songe d’une nuit de sabbat Larghetto – Allegro
Au sujet de LA Symphonie fantastique,
Création au Conservatoire de Musique de Paris le 5 décembre 1830 sous la baguette de Habeneck dirigeant l’“orchestre géant“ de cent musiciens. Durée moyenne, environ 50’
L’effectif orchestral mérite quelques lignes surtout si Les Siècles sont bien avec leurs instruments historiques, soit, les bois par 2, sauf les bassons, 4, 4 cors, 2 trompettes, 2 cornets à pistons, 3 trombones, 2 tubas ou ophicléides ; 4 timbales, cloches, grosse caisse, caisse claire et cymbales, 2 harpes et les 4 pupitres de cordes ( Berlioz en exigeait alors au total 55 !!)
Vous remarquerez que Berlioz écrit bien dans le titre “Épisode“ au singulier et non pas au pluriel. Dès lors, la symphonie tout comme ce qui l’anime et la sous-tend forme un tout, indissociable en soi et par rapport au Héros. C’est là une tranche de vie de celui-ci pris en bloc, sans fractionnement possible, sans “épisodes“ successifs plus ou moins liés entre eux.
Hector Berlioz a souhaité distribuer un programme de salle lors de la création dans lequel figure l’argument de sa Symphonie, dont voici les premiers mots : « Un jeune musicien d’une sensibilité maladive et d’une imagination ardente, s’empoisonne à l’opium dans un accès de désespoir amoureux. La dose de narcotique, trop faible pour lui donner la mort, le plonge dans un lourd sommeil accompagné des plus étranges visions, pendant lequel ses sensations, ses sentiments, ses souvenirs se traduisent dans son cerveau malade « en pensées et images musicales ». la femme aimée elle-même est devenue pour lui une mélodie et comme une idée-fixe qu’il retrouve et qu’il entend partout. »
« La Symphonie fantastique survit non pas parce qu’elle raconte l’histoire d’une obsession fatale et parfois sinistre, mais parce qu’elle exprime, dans une forme musicalement cohérente et avec une beauté, une vivacité de l’imagerie et une originalité de l’invention sonore qui demeurent fraîches et vivantes, les agonies et les ardeurs, les rêves te les cauchemars, de l’imagination juvénile. Sa puissance, et son éternelle jeunesse, proviennent de la maîtrise d’un récit musical de grande ampleur et de l’intensité inflexible de l’émotion que le compositeur y a déversée. » David Cairns – musicologue – 2003-10-02
À l’origine, Les Francs-Juges devaient constituer un opéra, ou plutôt un “drame lyrique“ dont le sujet sombre et médiéval évoquait, dans une manière chère à l’époque romantique, un thème de révolte contre l’injustice, proche de Coriolan et de Fidelio. L’œuvre ne vit jamais le jour, mais Berlioz intégra la Marche au supplice dans la Symphonie fantastique et un grand récit devint l’ “Oraison funèbre“ de la Symphonie funèbre et triomphale. L’ouverture seule fut publiée. C’est une belle pièce d’orchestre, un grand mouvement symphonique qui va de l’emprisonnement le plus étouffant jusqu’à la libération finale dans la radieuse lumière de bonheur enfin retrouvé. Le plan de l’œuvre est en deux parties, avec une introduction lente –Adagio – où passe la terrible puissance des Francs-Juges, suivie d’un Allegro assai présentant deux thèmes décrivant la lutte et la délivrance du héros, et s’achevant triomphalement après un subtil crescendo. Œuvre de prime jeunesse, puisque composée à 23 ans, elle fut créée le 26 mai 1828 dans un concert tout Berlioz au Conservatoire. Selon le compositeur, “elle produisit un effet de stupeur et d’épouvante qu’il est difficile de décrire. »
Le Cycle de mélodies “Les Nuits d’été“ fut composé pour piano en 1840 sur des poèmes de Théophile Gautier. Leur orchestration occupera Berlioz jusqu’en 1856. Il donnera, en sa seconde version musicale, dans son élaboration sur deux époques, l’exemple d’une virtuosité de coloriste étonnamment féconde par rapport au côté taciturne de la version initiale pour piano. C’est un cycle voué aux thèmes de l’amour, de l’espoir, mais plus souvent à ceux de l’absence et de la mort. La première mélodie, Villanelle, intronise un charmant sacre du printemps, tout en sourires. Mais, le ton change dès le deuxième chant, Le Spectre de la Rose, vaste mélodie méditative : la fleur fanée vient hanter le rêve de la jeune fille qui la portait au bal. Ce sont déjà les coulisses de l’été avec leur cruel secret : le sens de l’éphémère. Sur les lagunes : ce chant énonce en un lamento poignant, les rites de la mort et dépeint l’errance de celui qui, parcourant le dédale des flots, répète sa plainte obsédante : « Ah ! sans amour, s’en aller sur la mer ! » L’absence est vouée à la tristesse : sans amour, la vie ressemble à une fleur fermée, et l’âme languit après le retour – peu probable ? – de la bien-aimée. C’est l’une des plus saisissante en son immense attente et la place accordée au silence. Au cimetière : ici, davantage encore, respire, palpite et frissonne un orchestre exceptionnellement doué pour restituer l’ambiance à la fois envoûtante et trouble des tombes, des chants de colombe, et des illusions de formes, êtres humains ou fantômes ? L’île inconnue, en terminant le cycle, semble renvoyer l’échec joyeux de la Villanelle, pourtant, lorsque la belle demande où est le pays de l’éternel amour, on lui répond qu’on ne le connaît guère…
Pessimisme, par conséquent ? Non, mais plutôt, une volupté de la tristesse, de la tendresse mêlée au regret. La voix féminine semble exprimer le mieux la poésie frémissante de ces chants qui marquent une date capitale dans l’histoire de la mélodie. Une autre version en effet attribue certaines mélodies à la mezzo et les autres à une voix de baryton.
Pour en savoir davantage sur les musiciens, cliquez ici
Billetterie en Ligne des Grands Interprètes
Les Grands Interprètes
Les Siècles • Francois-Xavier Roth (direction)
jeudi 23 mai 2019 • Halle aux Grains (20h00)