Dans le cadre des Musicales franco-russes et du cycle Grands Interprètes de Toulouse, vous avez rendez-vous à la Halle, le jeudi 14 mars 2019, à 20h, pour une version concert de l’opéra La Dame de Pique donnée par l’Orchestre et le Chœur du Théâtre Bolchoï de Russie sous la direction de leur directeur musical Tugan Sokhiev. Opéra en trois actes et sept tableaux de Piotr-Ilyitch Tchaïkovski (1840-1893).
La distribution accueillie est la suivante :
Hermann Oleg Dolgov ténor
Le Comte Tomski (Zlatogor) Nikolay Kazanskiy baryton
Le Prince Yeletski Igor Golovatenko baryton
Tchekalinski Ilya Selivanov ténor
Sourine Denis Makarov basse
Tchaplitski / Le maître des cérémonies Ivan Maximeyko ténor
Narumov Aleksander Borodin
La Comtesse Elena Manistina mezzo-soprano
Lisa Anna Nechaeva soprano
Pauline (Milovzor) Agunda Kulaeva mezzo-soprano
La gouvernante Elena Novak mezzo-soprano
Prilepa/Macha Guzel Sharipova soprano
Pour composer La Dame de Pique, opéra romantique accompli, cette grande fresque flamboyante, cette effrénée course à l’abîme, beaucoup pensent que P.I. Tchaïkovski s’est ouvertement inspiré de Carmen, opéra de Bizet qu’il appréciait fort, présent à sa création à Paris. Par exemple, ne serait-ce que dans le premier tableau, déjà. Cette source d’inspiration situe très exactement l’œuvre : même force dramatique, tel le destin, ce fameux fatum, élément essentiel dominant l’intrigue. La musique est toujours étroitement adaptée aux situations, avec une émotion peut-être plus poignante encore, car le compositeur s’est investi tout entier dans la partition. N’a-t-il pas écrit : « Hier matin, j’ai rédigé le final de l’opéra. Lorsque j’en arrivai à la mort de Hermann et au chœur des joueurs, je fus pris d’une telle compassion pour mon héros que je me mis à pleurer…Plus tard, j’en découvris la raison (jusqu’alors, aucun de mes héros ne m’avait fait verser une larme, et je m’étais demandé à quoi cela était dû) : je me suis aperçu qu’Hermann n’avait pas été un prétexte à composer de la musique, mais un homme remarquablement vivant. »
Mozart le hante aussi, lui empruntant les thèmes du grand bal masqué de la Scène 1 du deuxième acte. Les frères Tchaïkovski changent ainsi d’abord le temps de l’action, la ramenant à la fin du XVIIIè, au temps de l’impératrice Catherine II. Là encore, multipliant les emprunts aux pays étrangers et aux époques passées, Tchaïkovski réussit à être plus russe que jamais et, plus que jamais de son temps, c’est-à-dire fin de siècle.
Mais l’homme est à vif, se voyant tiraillé entre le pessimisme le plus sombre et la plus grande exaltation, des tensions intérieures qui le déchirent, une humeur oscillant au gré des phases maniaco-dépressives, écrivant au compositeur Glazounov cette même année 1890 : « Je me trouve à un stade très mystérieux sur le chemin de la tombe. Il m’arrive quelque chose d’étrange, d’incompréhensible. Quelque chose qui ressemble au dégoût de la vie s’est emparée de moi. Par moments, je suis pris d’inquiétudes absurdes.… » La cinquantaine apparaît comme un tournant très difficile.
Inspiré d’une nouvelle d’Alexandre Pouchkine, sur un livret de son frère Modeste, Pique Dame est LE chef d’œuvre du compositeur russe, créé avec succès le 7 décembre 1890 au Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg, cité de splendeurs et de misères dont l’opéra est bien le reflet. C’est l’un des ouvrages lyriques les plus longs du répertoire avec près de trois heures de musique envoûtante, d’une formidable richesse mélodique, d’une rutilante orchestration et d’une incroyable variété d’accents. On y passe avec le même bonheur de la scène de genre à l’épisode fantasmagorique, avec un détour par l’acte festif qui manie avec maestria le procédé du théâtre dans le théâtre, à travers une ravissante allégorie. Sans oublier le final avec son épisode de délire où le héros, broyé, sombre dans la folie.
Le rôle d’Hermann, au destin tragique est parmi les plus fascinants pour ténor. Dans cette Dame de Pique, telle que le compositeur la porte au théâtre, il est bien Hermann, cet être froid, calculateur ambitieux, maudit, dernier avatar des héros romantiques qui, comme Don Giovanni, tue puis défie un spectre. Mais il est aussi la fragile Lisa dans ses rêves d’amours impossibles. Et enfin, il est surtout la vieille Comtesse qui, au seuil de la mort, recompose par bribes le chant de ses vingt ans, non pas une romance tendre mais plutôt l’écho d’une angoisse rémanente :
« Je crains de lui parler la nuit,
J’écoute trop tout ce qu’il dit…
Il me dit : je vous aime
Et je sens malgré moi,
Je sens mon cœur qui bat, qui bat,
Je ne sais pas pourquoi… »
Quant à l’ouvrage, par ses dimensions mêmes, mais aussi avec ses conventions, ses innombrables scènes d’ensembles et passages chorals, ses coups de théâtre, il constitue un véritable challenge pour tout responsable d’une version scénique. Et si, à la fin de son parcours initiatique raté, Pouchkine abandonne son héros dans une chambre d’aliéné en asile, Tchaïkovski, lui, sacrifie peut-être aux principes du grand opéra, et préfère la solution du suicide. Une solution qui pose toujours question d’ailleurs pour lui-même. Ceux qui connaissent la nouvelle de Pouchkine, pourront se distraire à relever ressemblances et différences entre la source et le livret, et ne seront pas sans remarquer que le schéma vocal, très fréquent dans l’opéra du XIXè, se trouve reconstitué puisque la soprano Lisa abandonne son fiancé Eletski, baryton, “tombée“ amoureuse du ténor, Hermann. Elle meurt en se noyant volontairement, sacrifiée ainsi que sa tante, la vieille Comtesse, morte de peur, et son amant qui se suicide en se poignardant.
Acte I
Premier tableau : Saint-Pétersbourg, à la fin du XVIIIè, par une belle journée de printemps, dans le Jardin d’été.
Deuxième tableau : la chambre de Lisa, le soir
Acte II
Troisième tableau : Un bal masqué dans les salons d’une riche demeure à Saint-Pétersbourg
Quatrième tableau : la chambre de la Comtesse
Acte III
Cinquième tableau : la chambre d’Hermann, à la caserne
Sixième tableau : la nuit, près du canal d’Hiver, sur les bords de la Néva
Septième tableau : la salle de jeux
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Billetterie en Ligne des Grands Interprètes
Les Grands Interprètes
Orchestre et choeur du Théâtre Bolchoï de Russie • Tugan Sokhiev (direction)
Halle aux Grains • jeudi 14 mars 2019 (20h00)
Carte Dame de Pique • Léna Bousquet / Le Mouchoir