Les hommes sont comme des chiens. La mort les change en charognes. Emmanuel Meirieu met en scène le livre Des hommes en devenir de Bruce Machart. Une chape de plomb tombe sur le théâtre Sorano.
L’écriture du Texan, Bruce Machart, dont le roman (Des hommes en devenir) est adapté sur scène, est attrayante. L’atmosphère est américaine. Les noms peignent ce paysage : Houston, Jimmy, Ray. Une pointe de rire se trouve dans ce bain de désastres, comme lorsqu’un personnage, le visage ensanglanté, évoque le « blus post-partouze. » Il arrive que le spectateur ne s’accroche pas à un récit, qu’il le juge excessivement bavard. Mais, de fortes tensions et inquiétudes sont perceptibles, entrent en plein dans la cage thoracique du spectateur. Certains ne résistent pas, une jeune femme quitte la salle avant que ça ne se termine.
C’est quoi ? Un collier de nouilles de mardi gras ?
Non, c’est un chapelet. C’est pour prier.
Au devant de la scène, sur le quatrième mur, des images et des tapuscrits sont projetés. Ils créent une étrange profondeur, avec les comédiens qui se succèdent quelques mètres derrière eux. Tout se chevauche. C’est presque comme s’ils étaient à l’intérieur d’un jeu vidéo, ou d’une hallucination. Le spectateur est fasciné par ça.
Le revers de la médaille de cet étonnant dispositif est, en une certaine mesure, la défaite des comédiens (excessivement statiques). Bien des fois, ils perdent face à l’image. Elle leur ravit l’attention des spectateurs. Ces derniers ont les yeux rivés sur elle. Alors, il est juste de se demander : ces lumières et ces apparitions peuvent-elles remplacer le jeu ?
Est-ce une pièce de théâtre ? Est-ce une installation plastique ? Est-ce la projection de films ? Les formes artistiques se confondent. Ce que ressent le spectateur, en retrouvant le hall du théâtre Sorano, est étrange. Il est sonné, égaré. Sait-il ce qu’est ce à quoi il a assisté ?
Des hommes en devenir, Emmanuel Meirieu, théâtre Sorano