Ce sera Franz Schubert pour tout le récital. Comment pourrait-il en être autrement quand le compositeur en a écrit quelques six cents dans lesquels notre interprète va piocher allègrement pour nous offrir un programme assurément de toute beauté. C’est pour le vendredi 11 janvier à 20h au Théâtre du Capitole. Il sera accompagné au piano par Alexander Schmalcz.
« {…}, j’errais de nouveau dans une contrée lointaine. Pendant de longues longues années, je chantais des lieder. Si je voulais chanter l’amour, il se transformait en douleur. Et si je voulais ne chanter que la douleur, elle se transformait en amour. » Franz Schubert – Mein Traum (Mon rêve) : 3 juillet 1822.
Mais comment choisir ? Car, Matthias Goerne insiste bien et son avis n’a pas changé : « Schubert occupe définitivement la première place dans l’histoire du lied. » Le lied, genre bref par excellence, est en fait la base de son langage, car tout n’est que mélodie, chant et toute sa musique instrumentale n’en est que l’élargissement de la sonate au quatuor pour aboutir à la symphonie. Si l’on veut dire quelques mots sur l’évolution du compositeur lui-même, celle-ci semble aller vers la concentration et le dégagement du sens intime. Et le domaine du lied en est une excellente illustration avec la succession des quelques 600 lieder sur une si courte vie de 31 ans, et 13 consacrés à ces fameux lieder et à combien d’autres ouvrages. L’année 1815 va représenter un record absolu avec 147 lieder produits ! Suit 1816 avec 112, ce qui n’est pas mal, et 1817 qui reste très honorable avec 61. En trois ans, c’est une véritable explosion créatrice avec chefs-d’œuvre à profusion, donc plus de la moitié des lieder produits.
De l’enfant musicien, pour qui tout texte suggère et appelle une paraphrase musicale, au poète-musicien dont l’œuvre, mélodie et accompagnement désormais indissociables, fait voir plus qu’elle ne décrit et prophétise pour les musiciens à venir. Justement, on remarquera la grande importance de la partie du piano accompagnateur, indiscutable témoin de cette évolution constante.
Quant aux textes, car un lied, c’est de la musique écrite à partir d’un texte, on remarque que sur les 101 poètes ( !) différents dont au moins un texte a été mis en musique par Schubert, quatre se détachent du lot. Arrive en tête le grand poète allemand Goethe, son préféré, avec 71 textes, poète du mouvement “Sturm und Drang“, précurseur avec Jean-Jacques Rousseau du romantisme. Il est reconnu que notre compositeur sera le seul musicien à donner une équivalence musicale digne des textes de l’olympien. À quelques encablures viennent les noms de Mayrhofer, Muller, Schiller.
Alors, pourra-t-on admirer quelques lieder puisés dans le recueil Gretchen am Spinnrade ( Marguerite au rouet), écrit par un adolescent génial de 17 ans ? ou encore celui du Der Erlenkönig (Roi des aulnes) (première version) écrit à 18 ? Et ce cycle bien plus sombre et désespéré qu’est Die schöne Müllerin, La belle Meunière ?ou bien, ses trente ans atteint, un an ou presque avant sa mort, des lieder extraits du fameux Winterreise, ou Voyage d’hiver, où tout est plus resserré, plus urgent, plus angoissant ? Le baryton aura donné trois versions au disque de ce Voyage.
Mais, les qualités du musicien sont-elles que l’on voudrait l’entendre dans tout lied écrit par tel ou tel compositeur. Schubert, d’accord, mais Johannes Brahms qui a déjà frappé à la porte, et Gustav Mahler aussi, et Robert Schumann bien sûr, et Hugo Wolf, et Hanns Eisler.
Il serait inconcevable aussi que toutes les qualités réunies de cette voix et le travail de l’interprète ne se mettent pas au service de l’opéra. Des rôles en or ont déjà été appréhendés et d’autres piétinent d’impatience. Wolfram dans Tannhäuser, c’est fait. En version concert, Amfortas dans Parsifal, c’est fait, de même que Wotan dans Das Rheingold, puis Die Walküre, aussi. Une orientation vers les rôles de baryton-basse héroïque que certains attendent avec grande impatience. C’est fait, en partie ! il a été Oreste dans Elektra, Jochanaan dans Salomé, tandis que ses opéras fétiches comme Wozzeck et Le Château de Barbe-Bleue l’accaparent toujours. Mais, Matthias Goerne le proclame haut et fort : « Wotan sur scène sera l’aboutissement de ma carrière ! » Pour le Théâtre du Capitole, on en reste aux lieder, ce qui est déjà une chance. Sur scène, on peut toujours rêver.
Billetterie en Ligne du Théâtre du Capitole
Théâtre du Capitole
Matthias Goerne (Baryton) • Alexander Schmalcz (piano)
vendredi 11 janvier 2019 à 20h00