Le Cycle Les Grands Interprètes présente ce samedi 24 novembre à la Halle à 20h, un programme Ravel, Poulenc avec l’ Orchestre Philharmonique de Radio France placé sous la direction de Mikko Franck. La soirée débute avec la version pour deux pianos de La Valse de Ravel suivie du Concerto en ré mineur pour deux pianos et orchestre de Poulenc, avec pour solistes, les sœurs Buniatishvili, Khatia et Gvantsa. En seconde partie, Printemps, une suite symphonique de Debussy puis, de Ravel, la Suite n°2 tirée de la musique du ballet Daphnis et Chloé. Une bien belle soirée en perspective.
Maurice Ravel (1875-1937)
La Valse (version pour deux pianos) ~ 12 mn
Francis Poulenc (1899-1963)
Concerto en ré mineur pour deux pianos et orchestre ~ 18 mn
Allegro ma non troppo / Larghetto / Allegro molto
Entracte : 20 mn
Claude Debussy (1862-1918)
Printemps, suite symphonique ~ 16 mn
Maurice Ravel (1875-1937)
Daphnis et Chloé, suite n°2 ~ 18 mn
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Et si nous évoquions cette fameuse Valse ?
Cette partition de Maurice Ravel est largement connue du public en tant qu’œuvre orchestrale. C’est même un “tube“ de notoriété moindre que le Boléro mais très appréciée et courue. Ce que l’on sait moins, c’est qu’elle n’a pas le parcours traditionnel puisqu’elle fut d’abord écrite pour un seul piano puis la version pour deux pianos suivit assez rapidement. Et enfin, la version orchestrale. Laissons parler le compositeur : « J’ai conçu cette œuvre comme une espèce d’apothéose de la valse viennoise (projet1906) à laquelle se mêle, dans mon esprit, l’impression d’un tournoiement fantastique et fatal (vision de 1919). Je situe cette valse dans le cadre d’un palais impérial, environ 1855. »
Sans épiloguer sur le 1855, on en arrive à l’argument publié en 1921 avec la partition de ce poème symphonique pour orchestre, avec pour seule précision rythmique « mouvement de valse viennoise » : « Des nuées tourbillonnantes laissent entrevoir par éclaircies des couples de valseurs. Elles se dissipent peu à peu : on distingue une immense salle peuplée d’une foule tournoyante. La scène s’éclaire progressivement. La lumière des lustres éclate au fortissimo. Une cour impériale vers 1855. »
On sait que le premier titre avait été Wien. Retiré dans les Cévennes, il réélabore la version pour deux pianos puis, passant de 20 pages à 76, il termine la partition pour orchestre en 1920. La création privée de La Valse aura lieu semble-t-il le 16 avril 1920, en version deux pianos pour plus d’efficacité !! Ravel et Marcelle Meyer, en présence de Diaghilev, car l’œuvre au départ est destinée à la création d’un ballet par l’illustre chorégraphe russe, qui n’adhèrera pas à la composition. Stravinsky est aussi présent.
Sept thèmes s’enchaînent dans un rythme imperturbable à ¾. Elle est en deux parties allant crescendo. La création de la version définitive, orchestrée, eut lieu aux Concerts Lamoureux le 12 décembre 1920. Il n’est pas inintéressant de rapprocher cette création de celle 8 jours auparavant de La Ville morte de Korngold, et on ne saurait méconnaître que La Valse rejoint inconsciemment les tendances les plus virulentes de l’Art et notamment de l’expressionnisme germanique. On est loin des valses de l’époque “straussienne“ et davantage dans l’expression du refus des horreurs de la guerre, tout comme l’horreur invaincue de sa propre solitude, et toujours dans son esprit même trois ans après, la mort stérilisante de sa mère.
On se souhaite donc, une Valse pour deux pianos, noire, saignante, inventive, toujours dans le mouvement, avec une pulsation fatidique, des qualités que les sœurs Buniatishvili peuvent nous offrir grâce à leurs technique et virtuosité. Une version qui peut être plus excitante encore qu’avec orchestre.
Quant au Concerto pour deux pianos de Francis Poulenc,
Il est qualifié par certains de baroque. Pour faire plus simple, on dira plutôt que c’est un concerto en liberté, même si les connaisseurs de l’écriture pianistique du compositeur vous diront qu’ici, il fait preuve de préoccupations d’écriture plus poussées que dans ses œuvres précédentes. On est dans sa période essentiellement pianistique (1932) et il choisit une formule rarement exploitée, celle à deux pianos déjà rencontrée chez Bach, Mendelssohn, Mozart, et cela dans le même esprit de divertissement brillant.
Ce Concerto est indissociable d’une certaine Winnaretta Singer-Polignac, princesse Edmond de Polignac, américaine de naissance, admirable protectrice en ce temps-là des arts, des sciences et des lettres. Riche héritière des machines à coudre Singer ! elle mis sa fortune au service de l’ART, surtout de la musique. C’est elle qui commande l’œuvre au musicien afin de la faire jouer au Festival International de Musique Contemporaine de Venise en 1932. C’est là que l’ouvrage fut créé. « Ayant toujours joué à deux pianos avec mon vieil ami d’enfance Jacques Février, je dois avouer immodestement que la première audition fut impeccable (…). Ce fut un franc succès, car l’œuvre est gaie et directe. » En effet, la personnalité de Francis Poulenc triomphe, l’œuvre étant une des plus typiques de son côté inventif, inspiré, spontané, et de sa liberté indéfectible.
Le Concerto comporte trois parties. D’abord un Allegro ma non troppo traité dans un caractère de dynamisme irrésistible et léger, d’un charme acide et mordant. On remarquera les préoccupations sonores du compositeur, les plus sensibles et les plus heureusement résolues, comme le dialogue entre les deux pianos. Suit un Larghetto qui emprunte l’allure d’un andante mozartien, bientôt suivi par un épisode plus “romantique“ et une sorte de valse rapide avant de revenir au thème initial. Le finale, allegro molto, fait montre d’une grande diversité stylistique : ronde légère, emprunts à des rengaines de music-hall, manière de jazz : tout cela sonne modern’style, puis s’alanguit, avant de s’achever dans un bref moment de grande virtuosité pianistique.
Et, de Claude Debussy, la Suite symphonique Printemps,
Elle est en deux parties, la première qualifiée de Très modérée puis en suivant, Modéré. Elle serait inspirée par la Primavera de Boticelli et conçue comme une suite symphonique pour orchestre, piano et chœur, et composée à la Villa Medicis en 1887. Monsieur de France, comme il sera “baptisé“ plus tard a 25 ans. C’est son deuxième “envoi“ de Rome, qui ne semble pas avoir déclenché un grand enthousiasme à l’Académie des Beaux-Arts. Dans le jugement, on peut lire : « M. Debussy ne pèche assurément pas par la platitude ni par la banalité. Il a, tout au contraire, une tendance prononcée, trop prononcée même, à la recherche de l’étrange. On reconnaît chez lui un sentiment de la couleur musicale dont l’exagération lui fait facilement oublier l’importance de la précision du dessin et de la forme. Il serait fort à désirer qu’il se mit en garde contre cet “impressionnisme“ vague, qui est un des plus dangereux ennemis de la vérité dans les œuvres d’art. » Ainsi, le mot “impressionnisme“ est lâché.
Il semble que la partition originale ait brûlé chez le relieur. Seule subsistait la réduction pour piano à quatre mains publiée en 1904.Quatre ans plus tard, le compositeur a le projet de remettre son œuvre sur l’établi, en y introduisant le piano à quatre mains mais en supprimant les chœurs. Finalement, il va confier l’orchestration à un certain Henri Büsser qui suivra ses indications. Henri Büsser, organiste, compositeur et chef d’orchestre, né à Toulouse en 1872 et mort à plus de 101 ans à Paris !
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Les Grands Interprètes
Orchestre Philharmonique de Radio France • Mikko Franck (direction)
Khatia et Gvantsa Buniatishvili (pianos)
samedi 24 novembre 2018 • Halle aux Grains (20h00)