Construit en plein essor du catharisme, le Couvent des Jacobins était destiné à servir «d’arme » contre l’hérésie. Toujours implanté au cœur du centre historique, l’édifice est devenu un symbole culturel et un havre de paix incontournable.
A Toulouse en ce début du XIIIe siècle, un mouvement religieux né du christianisme prend peu à peu racine dans les croyances de ses habitants. Bien qu’encore minoritaire, le catharisme attire dans ses rangs un nombre croissant de fidèles séduits par le retour aux évangiles et par des valeurs de modestie. Des dogmes dissidents que la foi catholique ne peut plus tolérer. Ainsi, soucieux de lutter contre les « hérétiques », Dominique de Guzman, un prêtre imprégné de l’idéal de pauvreté évangélique et soutenu par le pape, fonde en 1217 l’ordre des frères prêcheurs connus sous le nom des Dominicains.
Un retour aux valeurs de modestie
Cet ordre mendiant avait pour mission de définir la « vraie religion ». En 1229, quelques années après la mort de leur prédicateur, les Dominicains décidèrent de fonder un couvent à leur image. Le style tranche ainsi avec la richesse exubérante de l’Église catholique qui faisait scandale à l’époque.
Massif, volontairement austère, l’édifice aux formes simples devait servir à véhiculer des valeurs de sobriété. Désormais situés au plein cœur de la ville, les frères prêcheurs rompent avec la tradition des monastères isolés dans les campagnes. En contact direct avec les fidèles, ils peuvent prêcher plus facilement et ramener les fidèles sur le droit chemin.
De longues transformations
Au départ de taille modeste, le couvent n’excède pas 13.60 mètres de hauteur et reste fidèle à la règle de pauvreté et d’humilité prêchée par St Dominique. Mais au fil du temps, le succès croissant des Frères prêcheurs engendre un agrandissement du bâtiment. Le réfectoire est allongé, une infirmerie, une hôtellerie et un nouveau dortoir sont construits.
S’en suit une série de transformations jusqu’en 1315 dans le but de rapprocher le couvent du style gothique languedocien typique de la région occitane. Le couvent prend alors peu à peu la forme que nous lui connaissons actuellement avec son célèbre « palmier » soutenant la voûte de l’église, d’une hauteur de 28 mètres, elle reste un chef-œuvre unique au monde.
Plus tardivement, un autre édifice est venu se greffer à l’ensemble conventuel : la chapelle Saint Antonin. Construite entre 1335 et 1341 et dédiée à St Antonin, elle avait pour vocation d’être un lieu de sépulture pour les Frères prêcheurs. Encore aujourd’hui les murs de la chapelle sont peints de scènes de la vie du martyr, disposées en séquences telle une bande-dessinée.
Un patrimoine mis en péril
Réquisitionné en 1810 par Napoléon pour y installer son armée, le couvent est reconverti en caserne. Une écurie est installée au rez-de-chaussée, le matériel et l’armement remplacent les bancs et les autels. Les militaires installent leurs dortoirs à l’étage. Toutes les parois de l’église sont recouvertes d’un badigeon, les vitraux sont détruits.
Le réfectoire devient un manège à chevaux et la chapelle Saint-Antonin une infirmerie. Une des galeries du cloître est détruite et remplacée par un auvent qui abrite une forge. Il faudra attendre le XXe siècle pour que la restauration soit entamée et le bâtiment modernisé. Aujourd’hui, avec ses 300.000 visiteurs par an, l’édifice fait partie des monuments les plus visités de la ville.
Le saviez-vous ?
Autrefois siège de l’ancienne université au XIIIe siècle, le couvent des Jacobins accueille gratuitement les étudiants et lycéens pour les révisions du bac et des partiels, du mardi au vendredi entre le 15 mai et le 22 juin. Une façon symbolique de revenir aux origines du célèbre couvent.
Claire Eckersley