Richard Cobb, un historien britannique décédé, besogneux le jour, fêtard aux yeux écarquillés la nuit. Anarchasis, une maison d’éditions toulousaine. Pierre Serna, un castrais devenu historien français volubile, enseignant à la Sorbonne. La mort est dans Paris est un ouvrage qui séduira les néophytes, incultes et curieux. Un livre d’histoires.
Dans ce livre, paru en 1978, Richard Cobb, historien britannique du XXè siècle, enquête sur le suicide dans le Paris de la fin des années 1790, aux lendemains de la Révolution. Il s’agit, à cette époque, d’une ville grouillante. Les rues sont des lieux de vie, les habitants s’y rencontrent, s’y séduisent, s’y épient. Une véritable proximité existe entre eux. Une ville de 750.000 habitants, dont 30.000 meurent chaque année. Ces nombreuses morts et ces suicides créent ainsi un climat délétère et une certaine émulation. La mort devient un événement banal.
Le socle du travail de Cobb est une archive réunissant des procès-verbaux, informant sur des corps repêchés, des cadavres, dans la Seine. Sa table de travail : 450 cadavres. Il découvre une farandole d’arlequins : ces suicidés portaient des tenues bigarrées, colorées, dépareillées. Ces détails vestimentaires, consignés dans les procès-verbaux, entrent au coeur de cette recherche. Ils témoignent d’une désespérante pauvreté qui amène des parisiens à se jeter dans le fleuve.
[…] les suicidés et les suicidées, même s’ils n’ont rien laissé d’autre que le fait inexorable de leur geste et un minimum de vêtements déchirés et rapiécés, n’en sont pas moins, à leur manière, par le triste étalage de leurs échecs, des chroniqueurs muets de leur époque. Et à ce titre, ils n’ont rien à envier à ceux qui ont tenu un journal […]
Cet historien se distingue de ses autres collègues chercheurs. Grand amoureux de la vie nocturne et des étreintes éphémères, habitué des cellules de dégrisement, ce lecteur compulsif travaillait au plus près des gens. C’est au cours d’une soirée, celle du mardi 11 septembre, que le castro-parisien Pierre Serna, historien de la Révolution française, enseignant à la Sorbonne, est invité par la librairie Terra Nova pour parler de cet autre historien, cet anglais de Richard Cobb, sous le charme duquel il est tombé. Serna déroule son affaire, d’une voix claire et engagée. Lunettes carrées, crâne rasé, une veine lui fend le front quand il décoche un rire franc. Il porte des lacets rouge, des chaussettes à motif qui ne sont pas de saison, une chemise à carreau. Sa tenue, bigarrée, rappelle d’une certaine manière celles des parisiens d’il y a plus de deux siècles. Convaincu et convainquant, il défend cette « histoire des boutons, des épingles et des cadavres. »
La mort est dans Paris, Anacharsis Editions, 240 pages.