Dernière occasion de voir le Ballet du Capitole à Toulouse avant les vacances d’été ! Le programme Tel Aviv Fever réunit trois chorégraphes israéliens invités au Théâtre Garonne dans le cadre de la saison France-Israël 2018. Trois créations de Yasmeen Godder, Roy Assaf et Hillel Kogan spécialement composées pour le Ballet du Capitole. Entouré de six danseurs, Hillel Kogan casse les codes et questionne la virtuosité et la beauté du ballet classique.
Quels sont les thèmes et les sujets qui vous ont inspirés pour élaborer cette création ?
Le fil conducteur de cette pièce est le ballet classique. Je me pose des questions sur le monde du ballet, sur les conventions, la vie d’un danseur, la hiérarchie qui existe dans la compagnie… Des thèmes qui ne sont pas souvent montrés sur scène. Le ballet c’est un conte de fées, avec beaucoup d’attention accordée à l’esthétisme, la beauté, l’exécution du mouvement et la perfection. C’est cela que j’interroge en posant des questions contemporaines sur le corps, sur les rapports de pouvoir entre danseurs, entre hommes et femmes, la compétition.
Je dis aux danseurs que j’aimerais inviter le public à entrer dans l’atelier de l’artiste; regarder le ballet par dessus, par dessous, des choses que normalement on ne regarde pas, entendre ce que le danseur a à dire. Parler d’autre chose que du Mal et du Bien, des histoires et de l’esthétique du ballet. Le ballet a une tradition et une histoire, mais si on l’extrait de ce contexte et qu’on regarde seulement le corps qui parle et qui travaille, sans les costumes, le conte et la musique, ça devient autre chose.
Il n’y a pas de confrontation entre le ballet classique et contemporain ?
Non, je regarde simplement le ballet d’une autre façon, sous un autre aspect, tout en restant dans le langage classique. D’ailleurs les danseurs ne s’attendaient pas à ce que je leur demande de danser une variation classique. Je ne prétends pas créer un nouveau langage. J’utilise simplement le vocabulaire du monde classique en jouant avec.
C’est vrai que vous aimez jouer avec les clichés pour mieux leur tordre le cou, non ?
Bien sûr, car à travers les clichés on peut critiquer et poser des questions. Il y a de l’ironie aussi dans cette pièce. J’aime rechercher ce qui est ridicule et touchant à la fois.
Est-ce que cette fois votre création a une dimension politique ?
Un peu oui. La politique intérieure au monde de la danse, les intrigues. Il y a des parties où on entend mes pensées sur la compagnie, sur la danse, sur la compétition entre chorégraphes. Il s’agit de la politique du milieu artistique mais pas celle du Moyen-Orient par exemple ; bien que la question de l’identité, de l’ethnicité soit présente, mais de façon subtile.
Pour vous, la danse est un moyen d’ouvrir le débat ?
Complètement, la danse est un outil de pensée et pas juste un objet d’admiration. J’aimerais que mes pièces incitent le public à ne pas être passif. Je souhaite lui rendre la vie difficile. Je ne veux pas qu’il échappe à la réalité. J’aimerais que ce que je montre inspire quelque chose en lui qui continue après le spectacle et qui l’amène à se poser des questions sur son monde. Ce n’est pas un conte de fées ni une illusion.
Nous vivons dans un monde où chacun de nous doit être beau, juste, mais la plupart du temps nous ne sommes pas comme ça. Alors pourquoi attendons-nous ça de la danse ? Peut-on mettre la beauté de côté, parler d’autre chose ? Dans le milieu de la danse, la beauté est encore un point de référence pour les chorégraphes et le public, parfois sans que cette recherche de beauté ne soit remise en question.
Vous vous définissez aussi comme dramaturge. Qu’est-ce que cela change dans votre approche de la danse?
J’ai la liberté d’utiliser des textes, de chanter, de ne pas mettre de musique. Je n’ai pas à faire de compromis avec les conventions. Sur scène, on peut parler de tout, on peut ne pas danser, nous n’avons pas à nous plier aux traditions ni même au mouvement. Le mouvement est là si on a besoin de lui. Oui, je veux que le corps soit le sujet mais je ne veux pas créer du mouvement à tout prix. C’est une pièce dansée mais il y a d’autres éléments artistiques qui entrent en jeu.
La scène chorégraphique israélienne est maintenant largement connue et reconnue, comment expliquez-vous cette effervescence en Israël, comment le ressentez-vous ?
J’imagine que ceux qui s’intéressent à l’art s’intéressent aussi à la politique dans le monde. La guerre, les conflits, donnent envie de voir comment les artistes y répondent. Et puis je pense que la danse contemporaine correspond à la culture israélienne. Les chorégraphes israéliens ont des choses à dire. Il y a une énergie, une force qui a à voir avec la politique, notre tempérament et le mélange des cultures en Israël qui donnent sans doute cette explosion d’énergie, de créativité et de métissage.
Propos recueillis par Léa Guichou.
Tel Aviv Fever / du 22 au 28 juin 2018 au Théâtre Garonne et les 2 et 3 juillet 2018 au festival Montpellier Danse.