Retour au Théâtre du Capitole de Béatrice Uria-Monzon, dans une production de « Macbeth », de Verdi, dont la mise en scène est signée Jean-Louis Martinoty.
Dixième opéra de Giuseppe Verdi et première de ses trois approches shakespeariennes, avant « Otello » et « Falstaff », « Macbeth » est présenté au Théâtre du Capitole dans la mise en scène de Jean-Louis Martinoty et sous la direction du chef milanais Michele Gamba. Pour cette production de l’Opéra national de Bordeaux et de l’Opéra national de Lorraine, l’ouvrage créé en 1847 sera présenté dans la version remaniée lors des représentations parisiennes de 1865, sur le livret de Francesco Maria Piave. Jean-Louis Martinoty avait alors choisi d’une part de couper l’habituel ballet qui figure dans cette version, d’autre part d’utiliser la fin de la version de 1847.
Verdi compose « Macbeth » à l’âge de 34 ans, il a 52 ans lorsqu’il retravaille son ouvrage pour la création à Paris. Ces deux âges correspondent à deux époques de l’histoire de l’opéra et à deux styles du compositeur : dans « Macbeth », les morceaux de bravoure liés à la jeunesse du musicien cohabitent avec la touche plus raffinée d’un homme plus mûr. Dès sa première version, Verdi s’appliqua à traduire en musique «le bruit et la fureur shakespeariens» et exprima une violence et une brutalité rarement représentées jusqu’alors sur les scènes lyriques. Révisant son œuvre en 1865, il modifie le tissu harmonique pour tendre vers davantage d’expressivité.
Le compositeur assurait que «les rôles de cet opéra sont au nombre de trois, et ne peuvent être que trois : Lady Macbeth, Macbeth et le chœur des Sorcières». Verdi a en effet concentré l’intrigue pour mettre à nu les mécanismes du pouvoir, de la conquête jusqu’à la chute, et ceux de la terreur. Les Sorcières déclenchent le récit en prédisant le trône et le sceptre à Macbeth, dévoilant peut-être son désir inconscient et lui donnant une légitimité. Les Sorcières prophétisent aussi à Banco qu’il sera à l’origine d’une dynastie de rois, ce qui provoque la jalousie, puis la haine de Macbeth. Encouragé par l’ambition de sa femme, Macbeth, général de l’armée du roi Duncan, tue le roi et usurpe le trône. Assoiffé de pouvoir et de puissance, le couple est pris d’une folie hallucinatoire les précipitant dans une spirale meurtrière. Leur chute est ensuite découpée en étapes nettes et concises, comme les différentes stations d’une passion infernale.
Verdi fait de Lady Macbeth un personnage plus affirmé qu’il ne l’est dans l’œuvre de William Shakespeare: moteur de l’action, dotée de trois grands airs, elle est l’«âme damnée de son époux». Rompant avec les habitudes en cours dans le théâtre lyrique, Verdi ne souhaitait pas pour ce rôle saisissant «une belle chanteuse, dotée d’une belle voix», mais une interprète «laide et monstrueuse», dont la voix devrait être «âpre, étouffée, sombre…». Béatrice Uria-Monzon (photo) fera son retour au Théâtre du Capitole dans ce rôle majeur du répertoire – onze ans après y avoir brillé dans le rôle de Carmen. Elle chantera aux côtés de l’Ukrainien Vitaliy Bilyy dans le rôle-titre, baryton très familier de la scène toulousaine (« Un Bal masqué », « Ernani », « Lucia di Lammermoor »).
Pour Béatrice Uria-Monzon, «quel que soit le rôle que l’on aborde, ce qui est fascinant, c’est ce moment où l’on essaie de se mettre dans la peau du personnage, de comprendre son fonctionnement psychologique. Bien évidemment, avec des rôles aussi excessifs, aussi noirs, et à l’opposé de ce que je suis au fond de moi, ce travail est chaque fois une expérience bouleversante. Déjà, avec Dalila, j’avais eu ce sentiment de malaise face à une femme aussi manipulatrice, qui cache sa noirceur sous les joliesses de son chant… Lady Macbeth, de ce point de vue-là, va encore plus loin. C’est sans aucun doute le personnage le plus violent que j’aie jamais rencontré dans ma carrière ! Non seulement elle est manipulatrice, mais sa soif de pouvoir ne s’embarrasse d’aucun scrupule : le meurtre, l’assassinat de sang froid, même de ses propres amis ou alliés de son époux, tout cela a quelque chose de démoniaque chez cette femme, comme si elle y trouvait du plaisir, une jubilation même. Jusqu’à la crise finale, avec cette incroyable scène de somnambulisme où la culpabilité, quand même, finit par ressortir…», assure la chanteuse.
Selon la mezzo-soprano française, «si Verdi a expressément voulu que la voix de sa chanteuse donne à entendre la noirceur du personnage, il ne faut pas oublier que nous sommes dans une période de transition et que, tout en faisant évoluer l’écriture vocale de ses personnages vers quelque chose de nouveau, Verdi est encore à cette époque nourri de belcanto. Lady Macbeth bénéficie encore d’une écriture qui permet de jouer sur la beauté de la ligne, la séduction, les couleurs aussi. Bref, je profite de tout cela pour composer un personnage qui ne soit pas uniquement un monstre univoque, mais un personnage de chair et de sang, dans toute sa complexité humaine».
Jérôme Gac
pour le mensuel Intramuros
Du 18 au 29 mai au Théâtre du Capitole,
place du Capitole Toulouse. Tél. : 05 61 63 13 13.
Rencontre avant la représentation, 19h00
Conférence, jeudi 17 mai, 18h00 ;
Journée d’étude, jeudi 24 mai, de 9h00 à 17h00.
Au Théâtre du Capitole
photos:
« Macbeth » © Frédéric Desmesure
Béatrice Uria-Monzon © Philippe Gromelle