La dernière fois que la mezzo-soprano originaire d’Agen a chanté sur la scène du Capitole, à Toulouse, c’était en 2007. Elle interprétait « Carmen », un rôle qui a marqué toute sa carrière grâce à une interprétation subtile et une voix souveraine. Après avoir transcendé son art sur les plus grandes scènes, à l’échelle nationale et internationale, c’est donc à Toulouse qu’elle interprétera l’épouse de Macbeth dans le célèbre opéra de Verdi qui porte son nom. Un personnage obscur, féroce et cynique qui s’annonce comme un nouveau défi à relever pour une interprète des plus brillantes de sa génération.
« Ça me fait chaud au cœur. Je suis très heureuse de revenir chanter à Toulouse, dans ce théâtre où j’ai plein de beaux souvenirs artistiques. Et puis ce n’est pas loin de chez moi, donc je me sens aussi un peu chez moi, ici.» Sur cette scène, Béatrice Uria-Monzon se souvient du premier Werther de Roberto Alagna en 1997. Elle se rappelle de « Béatrice et Bénédicte » en 2003 et de « Don Carlo » en 2005… Dans quelques jours, elle sera Lady Macbeth. Un rôle de soprano plus dramatique, créé il y a un an et demi à Bruxelles, qu’elle a nourrit avec des « Tosca », des « Cavaleria Rusticana » ou des interprétations comme celle de Chimène dans le Cid. Aujourd’hui, Béatrice Uria-Monzon est prête à glorifier cette manipulatrice cynique et néfaste : « C’est un rôle très difficile en soit, mais d’autant plus par ce que j’ai surtout beaucoup chanté les mezzo-soprano. Après « Tosca » un nouveau répertoire de soprano s’est ouvert à moi. Et finalement, c’est un rôle dans lequel je me sens extrêmement bien. »
Bien sûr, la cantatrice doit malgré tout faire face aux difficultés du personnage. L’écriture est parfois violente et la caractérisation vocale marquée. Mais il faut aussi faire attention à ne pas se laisser emporter par ce personnage, et ne pas s’y abîmer la voix nous explique-t-elle : « Il ne faut pas qu’il prenne le dessus sur la voix, tout en étant quand même bien présent. Mais je pense que la monstruosité d’un personnage comme Lady Macbeth peut aussi se jouer dans le sourire, dans la jouissance et le plaisir qu’elle a ; et qui est vocalement moins dangereux que la violence en appuyant sur les mots. Je joue sur le plaisir sur la vocalité intérieure. C’est un travail très intéressant. »
Dans ce Macbeth, la prima-donna partage la scène avec Vitaliy Bilyy, dans le rôle-titre. La direction musicale est assurée par Michele Gamba. Quant à la mise en scène, elle est signée Jean-Louis Martinoty. Une affiche impressionnante, mais Béatrice Uria-Monzon aborde la partition avec beaucoup de sérénité : « Verdi, c’est tellement bien écrit pour la voix ! Malgré ce romantisme dramatique, et ce rôle avec une première partie marquée par le premier air et la Cabalette qui demande une vocalisation particulière… Je ne me sens pas en danger dans Macbeth. Bien sûr, il faut garder cette agilité vocale jusqu’au bout, jusqu’à ce fameux contre-dièse final… Mais ce n’est que du plaisir à venir. » En effet dans quelques jours, l’heure sera aux derniers préparatifs et aux derniers réglages pour les équipes techniques du Capitole. En attendant, les répétitions se poursuivent : « Du moment où l’on se rapproche de la première, on devient plus vigilants quant à la voix. On se protège d’avantage. Nous en parlions avec Viatliy, ce sont de tels rôles, que d’un côté il faut que l’on chante car on a besoin de cet entraînement, comme les sportifs… Mais d’un autre côté, il faut faire attention à ne pas trop se fatiguer la voix.»
Lady Macbeth, un personnage central
Si c’est l’opéra « Macbeth » que les Toulousains pourront venir applaudir du 18 au 29 mai prochains, c’est bien cette Lady Macbeth qui est en haut de l’affiche, sous les traits de Béatrice Uria-Monzon : « Quand Christophe Ghristi le directeur artistique du théâtre du Capitole, m’a appelé pour me proposer de faire cette affiche, j’étais contente, bien sûr, et flattée, mais aussi un peu gênée. L’opéra s’appelle Macbeth et pas Lady Macbeth, donc j’espère que Vitaliy ne l’a pas mal pris. Mais c’est vrai que Verdi a toujours dit avoir regretté de ne pas avoir appelé cet opéra Lady Macbeth. Car ce personnage est évidemment au centre de l’intrigue. C’est elle qui manipule, qui gère son mari. C’est elle qui le pousse au crime. Peut-être que s’il n’avait pas eu cette femme Macbeth n’aurait tué personne ? Et l’histoire n’existerait même pas… C’est peut-être pour cela que M.Ghristi a voulu une présence forte comme ça sur l’affiche. »
La séance photo s’est déroulée dans les studios d’un photographe de talent, bien connu sur la place toulousaine. Ce photographe, c’est Zakari Babel. Il a su puiser en Béatrice Uria-Monzon toute la noirceur du personnage de Lady Macbeth : » La séance s’est très bien passée. Zakari m’a demandé des expressions qui illustreraient au mieux mon personnage. Le maquillage, la couronne volumineuse et le costume m’ont aussi beaucoup aidé à rentrer dans le personnage. Donc j’y suis allé dans les attitudes qu’il m’a demandées et tout c’est très bien passé… Et, en effet, je pense qu’il a très réussi l’affiche. »
Régis DARO
Théâtre du Capitole
Macbeth • Giuseppe Verdi
du 18 au 29 mai 2018
photo / affiche © Zakari Babel