Blue Maqams – Nouvel opus en mode Jazz cette fois, par le maître tunisien du oud, entouré des légendes Dave Holland (contrebasse) et Jack De Johnette (batterie, percussions), et du pianiste Django Bates, lauréat du gratifiant Jazzpar Prize.
Pour notre plus grand bonheur, Blue Maqams marie ainsi la liberté expressive du jazz et la richesse d’une tradition musicale arabe ancestrale.En concert (complet) à Odyssud (Blagnac) ce lundi 09 avril 2018.
Au fil d’une bonne dizaine d’albums, Anouar Brahem, musicien d’exception, a pleinement investi un rôle de passeur entre la tradition classique arabe et le concept de musique de chambre à l’occidentale. Son œuvre a tissé patiemment, avec élégance et finesse, une sorte d’harmonie universelle. Sa musique, très apaisante, en est presque devenue un ‘must’.
Aussi c’est avec curiosité et grand plaisir que l’on accueille ce step bien plus dynamique, qui n’est cependant pas une rupture ni une nouveauté car le jazz fait partie de l’histoire personnelle d’Anouar Brahem – comme il s’en explique.
J’étais [en jeunesse] attiré par cette musique qui me dépaysait et dont je me sentais proche par ailleurs. Sans doute y avait il dans la musique arabe une forme de spontanéité, une manière pour l’interprète de s’en remettre à ses sentiments intérieurs et de prendre des libertés avec la partition initiale dans l’improvisation, qui entraient en résonance confusément avec le jazz.
Ce qui m’interpellait aussi dans le jazz, c’était le fait que malgré ses origines très populaires cette musique, somme toute encore très jeune au regard de l’histoire de la musique, ait su atteindre un niveau de sophistication aussi élevé, au point d’occuper une place désormais centrale dans le paysage des musiques actuelles. En comparaison, la musique arabe bien que très ancienne, d’une très grande richesse et d’une grande sophistication, me paraissait empêtrée dans une forme de conservatisme et de conformisme. Le jazz me donnait l’exemple d’une musique qui avait réussi à être de son temps sans se renier. Je trouvais ça fascinant.
Par ailleurs le jazz était pour moi associé à l’idée de transgression, de liberté – et je pensais déjà à cette époque qu’il ne pouvait y avoir de création sans transgression. A la fois champ extraordinaire d’expérimentation, terre fertile de brassage et de croisements – le jazz était aussi un langage naturellement ouvert sur les cultures du monde, et je sentais pouvoir y trouver ma place …
L’idée d’un opus jazz, aux avant-postes du jazz donc, n’était pas initiale. Anouar Brahem n’a pas dévié de son approche de compositeur :
Quand je commence à travailler sur un projet, je ne pars pas avec une idée, je pars avec des esquisses, des petits jets, des brouillons, c’est à partir de là que je construis des thèmes. (…) Insensiblement c’est d’abord l’envie de mêler de nouveau les sonorités du oud et du piano qui s’est cristallisée, bientôt suivie du désir (et de la gageure !) d’associer à cette combinaison instrumentale fragile, toujours un peu délicate à mettre en place dans ses équilibres et ses dynamiques, une véritable section rythmique de jazz.
L’instrumentation trouvée, les choses se sont dès lors précisées très vite dans mon esprit. Au fur et à mesure de sa conception j’ai pris conscience que ce disque serait pour moi l’occasion de revenir sur mon histoire personnelle avec le jazz et de célébrer mon amour pour cette forme musicale majeure du 20e siècle.
Blue Maqams est une œuvre résolument tonique, audacieuse, et elle le doit beaucoup aux valeurs intrinsèques d’ouverture du jazz, sans oublier la grande qualité d’improvisation du line-up de monstres sacrés ici réunis.
Les instruments seraient semblables à des acteurs qui entrent en scène, successivement. Qui dialoguent. Qui s’affrontent, parfois. Puis, qui sortent.
La configuration de l’orchestre – solo(s), duo(s), trio(s) jusqu’au groupe au grand complet – offre des combinaisons instrumentales qui donnent toute la mesure de son engagement rythmique et expressif). Anouar Brahem, en maître d’ouvrage avisé, travaille simultanément sur la finesse des alliages de timbre, la délicatesse des équilibres dynamiques entre les instruments, et la richesse de propositions générées par l’interaction continuelle au sein de ce quartet magnifique.
Avec :
Anouar Brahem (oud)
Django Bates (piano)
Dave Holland (contrebasse)
Jack DeJohnette (batterie, percussions)