Pour sa quatrième apparition au Théâtre du Capitole, le ténor américain Charles Castronovo confirme son engouement pour l’art lyrique français avec l’un des rôles « signature » de ce répertoire : Don José. Chanteur exceptionnel doublé d’un artiste formidablement émouvant, Charles Castronovo est attendu avec impatience par la foule de mélomanes. Et ce n’est rien de le dire !
Charles Castronovo et Natalie Dessay dans le final de Manon (Massenet) au Théâtre du Capitole en septembre 2013 (mise en scène Laurent Pelly) – Photo Patrice Nin –
Rencontre
Classictoulouse : Après être venu en au Capitole en 2002 pour Fenton (Falstaff), vous aviez alors à peine 27 ans, vous êtes revenu en 2007 pour Mylio (Le Roi d’Ys) puis en 2013 pour Des Grieux (Manon de Massenet). Aujourd’hui vous nous offrez votre tout nouveau Don José (Carmen). Au travers de ces rôles, l’évolution de votre voix paraît évidente.
Charles Castronovo : Je dois dire que je me suis senti toujours très à l’aise et heureux de me retrouver et de chanter à Toulouse. Le Théâtre du Capitole est pour moi l’endroit idéal pour regarder en arrière et constater l’évolution de ma voix. J’ai toujours pris le temps nécessaire pour m’engager dans de nouveaux rôles plus « mûrs » et je pense que cette attitude est favorable à l’évolution de ma carrière. Au fil des ans ma voix est devenue plus sombre et plus puissante aussi, tout en gardant son aspect lyrique. C’est un grand bonheur pour moi d’avoir pu interpréter dans ce merveilleux théâtre des rôles aussi différents.
: Lors de notre dernière rencontre, en 2013, vous aviez manifesté votre désir d’aborder Werther et Hoffmann. Où en êtes-vous de ces deux rôles ?
CC : Je ne vais faire mon premier Hoffmann que cette année… ! Il faut que je sois patient pour aborder de nouveaux rôles et très souvent je suis heureux d’avoir attendu la bonne occasion. Cette fois, je chante Hoffmann en version concert à Baden Baden au mois de novembre. C’est pour moi un vrai défi car le rôle est très difficile mais tellement enrichissant !
: Votre rôle-signature paraît être Alfredo dans La traviata. Vous l’avez chanté de par le monde entier et vous allez continuer. Cela dit, vers quels autres rôles à présent souhaiteriez-vous vous diriger ?
CC : Je dois vous avouer que je suis un peu fatigué d’Alfredo même s’il peut me procurer encore des moments merveilleux. Aujourd’hui je pense ajouter à mon répertoire des rôles un peu plus dramatiques. Cela dit, je reste prudent et je demeure fidèle à la plupart de mes rôles lyriques et à Mozart. Ils structurent mes saisons et je peux ainsi garder ma voix fraîche. De plus je dois reconnaître que cela me permet de rester dans ma zone de confort vocal. Mais je souhaite aussi renforcer des rôles comme Rodolfo (La bohème), Des Grieux (Manon), Don José (Carmen), Roméo (Roméo et Juliette) … Allez, une confidence, j’aimerais aussi aborder Don Carlos, en français bien sûr. C’est un rôle formidable !
: Venons-en à Don José. Est-ce le rôle le plus lourd vocalement que vous avez chanté à ce jour ?
CC : Effectivement c’est le rôle le plus lourd de mon répertoire actuel. Mais je dois souligner que Don José est l’archétype du rôle de ténor français. Ce qui veut dire qu’il faut produire certes des sonorités dramatiques dans les deux derniers actes, mais sans perdre pour autant le côté extrêmement lyrique des deux premiers. L’équilibre doit être parfait entre ces deux exigences et aujourd’hui j’ai l’impression que je suis sur ce point d’équilibre.
: Quelles en sont les difficultés particulières ?
CC : Il ne faut surtout pas trop « s’énerver » dans les actes trois et quatre. Si l’on ajoute l’émotion du drame et la musique parfaite de Bizet, il est facile alors de se passionner et donner ainsi un peu plus de voix qu’il est nécessaire. Il faut tenter de rester en équilibre, comme je disais dans la question précédente, en donnant beaucoup d’émotion mais en ne forçant jamais sa voix, la laisser libre et en bonne santé tout en offrant un maximum au public. C’est, encore une fois, un vrai jeu d’équilibre ! Je dois dire également que, n’étant pas francophone, les dialogues sont pour moi difficiles, d’autant que je suis au milieu d’un casting plein de merveilleux chanteurs français. Mais ils sont formidables et m’aident en permanence, et puis j’essaie de faire de mon mieux.
: Vous admirez, et comme il est facile de vous comprendre, Nicolaï Gedda. D’autres grands ténors ont chanté Don José. Vous ont-ils influencé pour l’approche vocale de ce rôle ?
CC : Quand j’étudie un nouveau rôle, j’écoute tous les ténors qui l’on interprété. De cette manière je prends chaque chose positive de chaque modèle tout en sachant que la force d’un ténor peut être la faiblesse d’un autre. Ensuite j’intègre tout cela à ma voix et à ma sensibilité. Mais je vais être honnête avec vous, celui qui m’a le plus influencé est le jeune Carreras. Pour moi c’était l’équilibre parfait entre le lyrisme naturel de son timbre et son engagement total à donner un maximum d’émotion pendant le spectacle. C’est lui qui m’a le plus inspiré pour ce Don José.
: Votre français est tout simplement parfait. Votre répertoire ne comprend d’ailleurs pas moins de dix rôles en langue française. Est-ce un répertoire que vous chérissez plus particulièrement ?
CC : Merci pour le français ! Mon père était d’origine sicilienne et ma mère Equatorienne, mais c’est en chantant français que je me sens le plus heureux. Cela semble correspondre parfaitement à la nature de ma voix. Je préfère les longues lignes lyriques de Massenet ou Gounod aux cabalettes énergiques de Verdi… ! Bien sûr j’aime les deux, mais ma voix, elle, préfère le style français car votre langue est pour moi très douce et facile à chanter. A regarder de près les rôles de ténor dans ce répertoire, on retrouve toujours ce besoin d’élégance, de drame et de lyrisme. Ce sont les choses que j’aime le plus.
: Qu’avez-vous à dire au public qui va découvrir votre Don José ?
CC : J’espère surtout que le public va apprécier mon interprétation de Don José, un rôle que je n’ai chanté qu’une fois auparavant, en janvier de cette année, à Berlin. Mais même si je n’ai pas une grande habitude de ce rôle, je dois dire qu’il me semble aujourd’hui parfaitement adapté à ma voix. J’aimerais, et je vais tout faire pour, que le public ressente mon enthousiasme et mon amour pour ce répertoire en général.
Robert Pénavayre
une chronique de ClassicToulouse
Théâtre du Capitole
Carmen (Georges Bizet)
du 06 au 19 avril 2018