Ce retour d’une production phare de l’ère Joël avec une distribution magnifique confirme après un Prophète spectaculaire un véritable renouveau du Capitole en terme de choix de distributions idéales. Nous espérons que cette Hirondelle fera le printemps!
Compte rendu Opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole, le 24 novembre 2017. Giacomo Puccini : La Rondine. Nicolas Joël : mise en scène. Direction : Paolo Arrivabeni.
Faire de la simplicité et du banal un chef d’oeuvre. Voilà ce qui résumerait cet opéra trop peu connu. Puccini se révèle bien davantage encore dans cette partition que dans nulle autre et le personnage de Prunier, le poète, pourrait bien être sa voix. Ce personnage bien loin d’être secondaire est celui qui se promène désabusé entre rêve et réalité, celui qui permettra à Magda de quitter les vertiges de l’amour pour vivre avec cette terrible perte et non pas mourir d’amour comme tous ses autres personnages pucciniens.
La mélancolie de la partition dans le dernier acte accompagne admirablement ce chemin. Mais avant d’en arriver là que de beautés, de subtilités et de conversations mondaines en musique. A la manière du Chevalier à la Rose de Richard Strauss qu’il admirait tant, et en se souvenant des musiques modernes qui intègrent riche harmonie, rythmes complexes et subtilité de texture, Puccini compose sa plus belle et riche partition pour l’orchestre. Ce soir au Capitole, la direction magistrale de Paolo Arrivabeni galvanise un orchestre survolté. Le panache de l’ouverture comme le grand concertato chez Bullier, la délicatesse des chants de violoncelle, la subtilité de texture et le rubato des danses entremêlées de la valse au fox-trott, tout coule et fait le délice du spectateur. Avec un tel monde créé sous leurs pas, les chanteurs sont admirablement soutenus, jamais aucun forte ne venant les couvrir. Il faut dire qu’à nouveau la distribution réunie au Capitole est un sans faute.
Et pourtant le souvenir de la distribution de 2002 et les versions enregistrées récentes nous rendent très exigeants. La Magda d’Ekaterina Bakanova est délicieuse. Scéniquement l’actrice est habile. La voix a la souplesse requise, capable de susurrer comme de chanter les larges phrases dignes de Butterfly. Le timbre très homogène se déploie sans effort sur toute la tessiture. Elle colore et nuance sa voix à l’envie. Ce rôle très exigeant lui convient admirablement et son incarnation est inoubliable. Son Ruggero bénéficie de la voix puissante de Dmytro Popov. Le medium et le grave sont étrangement barytonnant mais la quinte aiguë est lumineuse et la jeunesse du timbre luit.
Elégance, finesse et mélancolie. Il y a tout Puccini dans la Rondine du Capitole
Prunier loin d’être donné à un ténor de caractère a la voix large et souple de Marius Brenciu. Tout au long de l’ouvrage il avance avec une élégance tant scénique que vocale dans son dédale d’aspirations revues à la baisse sous le coup de la réalité. Il est mélancolique et désabusé mais toujours d’une suprême élégance. La Lisette d’Elena Galitskaya est une composition parfaitement réussie. Ce personnage à tempérament qui n’a pas les moyens de s‘exprimer et doit rester servante est aussi irritant qu’émouvant. La voix est agréable avec une pointe acidulée très en situation. Très présente dans les ensembles cette voix puissante est capable de bien davantage.
Le couple avec Prunier fonctionne bien scéniquement et vocalement. N’oublions pas que Puccini leur réserve de très belles phrases et de beaux duos. C’est toute la richesse de cet opéra. Les premiers rôles n’écrasent pas les autres. Le riche protecteur désabusé a la voix large de Gezim Myshketa. Son Rambaldo a de la classe lors du départ de Magda et l’on devine que son affection est sincère et au final assez respectueuse du tempérament de Magda ; Hirondelle qui revient toujours après ses escapades. Nous espérons qu’il saura l’accueillir après son voyage au pays de l’amour. Tous les autres rôles sont épatants, très vivants et tout en situation avec éclat vocal et présence scénique pleine d’esprit.
Les Chœurs du Capitole sont absolument superbes : vivants scéniquement et puissants vocalement. Les sensuelles lumières de Vinicio Cheli, les costumes de Franca Squarciapino et les décors d’Ezio Frigerio sont d’une beauté toujours renouvelée. Le luxe doré enferme et jamais l’horizon n’apparaît. Mais tout cette harmonie des années folles envoûte toujours autant le regard.
La mise en scène de Nicolas Joël est certainement sa plus vivante et elle suit admirablement la partition. Cette production de 2002 n’a pas pris une ride et a émerveillé le public grâce à une distribution impeccable, un orchestre et un chef au sommet ! Puccini en aurait été fier lui qui aimait tant cette partition.
Hubert Stoecklin pour classiquenews.com
Compte rendu Opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole, le 24 novembre 2017. Giacomo Puccini (1858-1924) : La Rondine, Comédie lyrique en trois actes ; Livret de Giuseppe Adami d’après Alfred Maria Willner et Heinz Reichert ; Création le 27 mars 1917 à l’Opéra de Monte-Carlo ; Coproduction avec le Royal Opera House – Covent Garden de Londres (2002) ; Nicolas Joël : mise en scène ; Stephen Barlow : réalisation mise en scène ; Ezio Frigerio : décors ; Franca Squarciapino : costumes ; Vinicio Cheli : lumières. Avec : Ekaterina Bakanova, Magda ; Dmytro Popov, Ruggero ; Elena Galitskaya, Lisette ; Marius Brenciu, Prunier ; Gezim Myshketa, Rambaldo ; Benjamin Mayenobe, Périchaud ; Vincent Ordonneau, Gobin ; Yuri Kissin, Crébillon ; Norma Nahoum, Ivette ; Aurélie Ligerot, Bianca ; Orchestre national du Capitole ; Chœur du Capitole, Alfonso Caiani direction ; Direction musicale : Paolo Arrivabeni. Photo : © photos P.Nin.