Ce sera le jeudi 30 novembre, ni à l’Haymarket, ni au Covent Garden de Londres, mais bien à la Halle de Toulouse, à 20h précises, dans le cadre du cycle Grands Interprètes. Le contre-ténor aux succès planétaires sera accompagné par son ensemble fétiche, l’Ensemble Artaserse. Le concert est dédié à Haendel pour ses compositions écrites durant son séjour à Londres.
Philippe Jaroussky chantera une dizaine d’airs choisis dans la quarantaine d’opéras que le “sassone“ natif de Halle créa en Angleterre, sans parler des oratorios et autres. Haendel l’allemand, devenu le plus grand compositeur anglais de l’Histoire.
Programme de la soirée : ici.
Haendel fut sans doute , dans l’histoire de la musique occidentale, l’un des musiciens qui s’intéressèrent le plus à la voix, composant d’innombrables airs, duos, cantates, motets, deux passions, quelques vingt-cinq oratorios et pas moins de quarante-huit opéras répertoriés. Cette passion remonte à son plus jeune âge, éduqué qu’il fut dans la tradition chorale de la vieille Allemagne. Le natif de Halle le 23 février 1685 a tout juste dix-neuf ans en 1704 quand il compose un oratorio sur la Passion tout en étant second violon de l’Orchestre du Théâtre de Hambourg, où il donne pour ses vingt ans son premier opéra Almira (1705). Suivront dans la foulée pour cette même scène, trois autres opéras disparus, Nero, Florindo, et Daphné (1706).
Petit passage par Rome et Florence où il fait jouer son premier opéra italien Rodrigo. Puis, ce sera Venise avec Agrippina, opéra dans lequel on peut déjà juger de son aptitude à se plagier, emprunter à d’autres à foison, mais beaucoup à lui-même. Toute sa vie, Haendel aura recours à ce procédé, réussissant pourtant toujours à donner une vraie unité à ses opéras et à ses oratorios. Toujours en diligence, suivront Rome, puis Naples, et retour à Hanovre où il négocie avec son protecteur, le prince-électeur, un voyage à Londres qui le tente fort. Il a vingt-cinq ans. Quand il y débarque, il dispose déjà d’une solide expérience : organiste à Halle, violoniste, puis claveciniste et chef d’orchestre, compositeur déjà choyé en Italie, où il s’est fort familiarisé avec toutes les formes de la musique italienne. Dès son premier opéra londonien, il recueille un immense succès et le théâtre devient véritablement le centre de sa vie. En trente ans, entrecoupés par un bref retour en Allemagne, il va composer près de quarante opéras pour les différents théâtres londoniens. A partir du premier, Rinaldo – il fut aussi le premier opéra italien composé spécialement pour une scène anglaise – donné en 1711 au futur King Theatre, et qui l’impose immédiatement aux londoniens. La partition est éblouissante avec une merveilleuse gamme de couleurs orchestrales.
Le ton de la plupart des opéras seria est résolument héroïque. C’est le cas des trois chefs-d’œuvre absolus, Ottone (1723), Giulio Cesare et Tamerlano (1724). Les plus grands castrats tels Senesino, Caffarelli sont là et les plus grandes cantatrices aussi, Cuzzoni, Bordoni !! 1725, c’est un de ses opéras les plus parfaits, Rodelinda dans lequel, à ce qu’il est écrit, l’étourdissante cantatrice Faustina Cuzzoni se fait acclamer. L’année 1726 verra deux opéras, Scipione suivi d’Alessandro et la naturalisation du compositeur. Impresario, homme de théâtre, dramaturge exigeant et perfectionniste, Haendel s’impose sur la scène londonienne au prix d’un effort colossal. Il faut aussi financer des projets et éloigner la concurrence, les Porpora et Bononcini.
Les sujets de tous ces ouvrages sont le plus souvent, soit empruntés à l’histoire grecque ou romaine, soit à la mythologie. En général, une intrigue amoureuse se mêle à une intrigue politique et, dans plusieurs ouvrages, le surnaturel et la magie sont appelés à la rescousse, afin de mettre à contribution toutes les ressources de la machinerie du théâtre baroque. Le programme vous en donne la preuve mais sachons aussi que, tous les opéras sont construits à partir des mêmes éléments de base : des récitatifs secco qui font progresser l’action et relient des arias da capo, des duos, comme dans Radamisto (1720) ! de rarissimes ensembles et des chœurs qui, en général, interviennent assez parcimonieusement. Les arias écrites sont extrêmement variées, Haendel usant des orchestrations les plus diverses, du simple continuo à l’orchestre le plus complexe. Le chant peut être d’une extrême virtuosité, et vous en aurez la preuve édifiante avec Philippe Jaroussky – c’est le cas de la plupart des airs héroïques – ou, au contraire, susciter l’émotion avec une grande économie de moyens et une forme des plus dépouillée : une mélodie toute mélancolique, un tempo lent et le jeu subtil des timbres et des sonorités. Démonstration toujours.
Il est rare, dans l’histoire de la musique, de trouver un compositeur qui fut, comme Haendel, aussi populaire auprès de ses contemporains qu’aux yeux de la postérité. Dès ses débuts, cet homme plein d’énergie, de compassion et d’humour, fut remarqué par tous : en Allemagne par la Cour et par ses professeurs, en Italie où il remporta ses premiers succès dans l’opéra, et enfin en Angleterre où il devint rapidement « the great and good Mr Haendel ».
Il sera le premier grand musicien à vivre confortablement de son art durant une vie, relativement longue alors – soixante-seize ans – jalonnée de succès.
Contrairement à Vivaldi, qui mourut oublié en 1741, à Rameau dont la réputation ne grandit que lentement, à Bach qui attendit presque un siècle pour que son génie soit reconnu, Haendel fut acclamé sur les scènes internationales bien avant sa disparition, et sa renommée ne s’éclipsa jamais même si bon nombre de ses partitions se firent longtemps extrêmement discrètes. Pour ce théâtre lyrique “haendélien“, le XIXème siècle sera oublieux, le XXème résolument vengeur et ces dernières années résolument enthousiastes. Haendel est à nouveau sur toutes les scènes avec sa galerie mouvementée de personnages vigoureux, aux cœurs bouillants, au chant étoilé, aux passions ordonnées, aux désordres exquis, témoins d’un siècle qui ne plaçait que le divin au-dessus de la voix.
Bilan pour ce musicien exceptionnel : Brillant, infatigable à la tâche, humaniste à l’esprit indépendant, mais animé également d’une foi profonde, Georg Friedrich Haendel a su musicalement assimiler tous les styles et toutes les traditions de son temps, et les transformer en un style personnel, alliant le sérieux de l’Allemagne, la suavité mélodique de l’Italie et la grandeur française, auxquels il ajouta la vitalité et l’audace qui lui étaient propres. Dans ses “emprunts“, à lui-même comme à son entourage, il montre à la fois son invention, sa curiosité musicale et sa capacité à se dépasser. Il fut le premier à introduire les clarinettes dans l’orchestre, à utiliser les rythmes et les couleurs sonores des instruments pour soutenir les effets dramatiques et les émotions. Ses mélodies sont incomparables et ses arias sublimes, expressives, pathétiques, simples ou joyeuses. Il est capable d’exprimer la gaieté et la légèreté, comme la gravité la plus sombre, transcendant le langage musical par la profondeur poétique. Toutes les pages interprétées au cours de cette soirée n’en seront que la démonstration la plus éclatante. La palette est éblouissante.
Michel Grialou
Ensemble Artaserse
Philippe Jaroussky (contre-ténor)
Halle aux Grains,
jeudi 30 novembre 2017 (20h00)
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Philippe Jaroussky © Simon Fowler
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