Depuis bientôt dix ans, le festival Toulouse Polars du Sud s’est fait un nom à Toulouse (et bien au-delà). Une impeccable réussite qui comble tous les amateurs de noir. Dans une ambiance très sympa, Polars du Sud propose une foultitude de rencontres, tables rondes et d’animations originales. Les plus grands noms du noir (et alentours) ont défilé sous leur chapiteau : Lemaitre, Ellory, Carrisi, Khadra, Tardi, Ferey, Pouy, Thilliez, Malte, Slocombe, Bézian, Vautrin, Gonzalez Ledesma, Guérif, Daeninckx…
On a mis en garde à vue son président, Jean-Paul Vormus, pour lui faire cracher le morceau. Il n’a pas fait le malin et s’est vite mis à table…
Comment es-tu devenu un amateur de polars ?
Adolescent, je dévorais des livres de science-fiction (Philip K. Dick, Asimov, Ballard, la collection Présence du Futur). Je ne lisais pas de romans policiers. Le premier auteur qui m’a beaucoup plus, c’est Michael Innes ; je l’avais découvert en Angleterre dans ma famille d’accueil lors d’un séjour linguistique. Mais j’avais aussi un grand-père qui était un grand amateur de romans policiers, de la Série Noire à Hitchcock Magazine. Quand il est mort, j’ai hérité de ses livres et j’ai commencé à lire Chandler, Hammett, Hadley Chase… Voilà, c’était il y a plus de quarante ans…
Quand et pourquoi est né Toulouse-Polars du Sud ?
Le festival est né en 2008. Nous étions un groupe de fans de polars, avec des écrivains, des libraires, des bibliothécaires, et nous trouvions anormal qu’il y ait beaucoup de festivals de polars en France, mais pas à Toulouse qui est la quatrième ville de France. Nous voulions ainsi mieux faire connaître la littérature policière et permettre aux gens de rencontrer les auteurs qu’ils aiment.
Comment Polars du Sud se situent-ils aujourd’hui sur la carte des festivals policiers français ?
Le plus gros est Quais du Polar à Lyon. Mais nous sommes désormais le second avec 13 000 personnes durant le week-end. Après tu as Frontignan qui a une très belle programmation et qui vient de fêter ses vingt ans. Dans le sud-ouest, il y a également le festival de Pau qui a commencé en même temps que nous.
Vous avez un bon dosage dans les genres (bon, le polar historique est un peu oublié) et au niveau aussi de la notoriété (vous invitez des auteurs confirmés – cette année par exemple Hugues Pagan – quel style ! – DOA, Marcus Malte, Karine Giebel, des auteurs en pleine ascension – Hannelore Cayre– et des auteurs moins connus à découvrir…
Nous essayons en effet d’avoir un cocktail bien dosé. Nous sommes un petit groupe qui programme. Chacun d’entre nous a ses préférences et nous nous complétons. Par exemple, je n’aime pas beaucoup le thriller mais l’un d’entre nous adore ça. Il y a parfois des discussions un peu âpres ! On voulait aussi donner une visibilité aux auteurs du Sud (tout le bassin méditerranéen pour faire court), et pas seulement aux auteurs anglo-saxons ou nordiques. Avec une ouverture sur le monde hispanique (incluant donc l’Amérique du Sud). On a également un partenariat avec deux festivals du Sud : Valencia Negra à Valence et Marina Café Noir à Cagliari en Sardaigne.
Vous avez une grosse équipe ?
Nous sommes une vingtaine à nous réunir tous les mois. Lors du festival, nous avons le renfort de cent bénévoles. Le samedi soir du festival, nous nous retrouvons tous autour d’un repas avec les auteurs, et les bénévoles qui nous aident sont ainsi heureux de s’asseoir à la table et de discuter avec l’auteur qu’ils apprécient le plus.
Et quel est le public du festival ?
C’est un public plutôt féminin, et de tous âges, des familles, des passionnés et des curieux.
Vos affiches sont toujours très belles !
Oui on a toujours sollicité de bons dessinateurs. Cette année, c’est Emmanuel Moynot qui l’a faite. Nous avons aussi d’autres auteurs de bande dessinée cette année. Comme José Munoz : il a signé de superbes albums, toujours en noir et blanc, avec son héros Alack Sinner, et sur Billie Holiday et Carlos Gardel.
Quels auteurs de cette édition recommandes-tu personnellement ?
Outre Munoz déjà cité, j’aime beaucoup Yves Ravey, un univers très noir à la Simenon et une économie d’écriture qui crée la tension avec très peu d’effets. Hannelore Cayre avec sa Daronne, très drôle, avec toute une description du milieu judiciaire…
Elle est avocate et avait déjà entamé ce portrait vachard mais tendre dans son très bon premier roman Commis d’office.
Voilà ! J’aime aussi beaucoup le dernier livre de Romain Slocombe, L’Etoile jaune de l’inspecteur Sadorski. C’est l’histoire d’un gars, un vrai salaud qui travaille aux Renseignements Généraux poursuivant les Juifs et les communistes. Il participe à la rafle du Vel’ d’Hiv’. La description du Vel’ d’Hiv’ est extraordinaire. On s’y croirait avec les odeurs, l’amoncellement de la foule, avec une intrigue très bien faite, et une grande précision historique. Et j’ai bien aimé que le personnage principal soit un salaud ordinaire alors que, bien souvent, les romans sur cette période mettent en scène un héros résistant et rarement du mauvais côté de la barrière. Il y a aussi Valerio Varesi, un auteur italien : son dernier livre, La Pension de la via Saffi, se déroule à Parme avec un inspecteur un peu désabusé qui déambule sur les anciens lieux de sa jeunesse enfuie, avec tous ses espoirs déçus. C’est très bien écrit, très nostalgique, avec une belle description de Parme. Enfin, j’aime Marcus Malte, il écrit remarquablement bien. Je pourrais aussi citer Hervé Le Corre et bien d’autres.
Outre les rencontres avec les auteurs (tables rondes, dédicaces), il y a des animations originales…
Il y a le parloir : dix rencontres avec un seul auteur dans un espace plus réduit (d’où le nom) pour vingt personnes. Nous avons fait venir des policiers scientifiques qui expliquaient comment ils travaillaient. Nous organisons aussi un rallye-enquête : c’est un jeu de pistes reliant le Quai des Savoirs à notre chapiteau. On passe par neuf lieux différents où il faut résoudre une énigme. L’intrigue a été préparée par Chrysostome Gourio et accessible, pour la première fois en Langue des Signes Française. Les gagnants sont ceux qui résolvent les énigmes en un temps de parcours le plus rapide. De nombreux lots sont à gagner. L’an passé, nous avons eu 800 participants à ce rallye. Il y a aussi les Docteurs Polar : des gars très marrants (de l’association nantaise Fondu Au Noir qui édite la revue L’Indic) qui se baladent dans le festival en blouse blanche et qui vous délivrent des prescriptions de polars sur une ordonnance. Enfin, il y a aussi un concours de photos sur le thème « Ville noire, ville polar », des expos photos, des lectures théâtralisées, une expo interactive…
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Il y a aussi plusieurs prix lors du festival…
Il y a le prix Violeta Negra qui prime le livre d’un auteur qui écrit dans une langue du pourtour méditerranéen ou du Sud, paru il y a moins d’un an. L’an passé, on a récompensé Victor Del Arbol pour Toutes les vagues de l’océan. Le jury est présidé par une personnalité (la chanteuse Juliette, le fils de Claude Chabrol, cette année c’est Omar Hasan, l’ancien pilier du Stade Toulousain).
Il y a aussi le prix Thierry Jonquet qui récompense une nouvelle écrite autour d’un thème par des auteurs non encore publiés. Cette année, il faut broder une histoire à partir d’une vanité exposée au Musée Labit. On a à peu près 80 manuscrits à chaque fois.
Enfin, il y a le prix de l’Embouchure, décerné par un jury de policiers du commissariat de l’Embouchure. L’an passé, ils ont attribué le prix au toulousain Benoît Séverac pour son Chien arabe.
C’est un peu le prix du Quai des Orfèvres à la toulousaine !
Oui tout à fait. Il prime un roman déjà publié se déroulant dans le Sud-Ouest.
Propos recueillis par Bertrand Lamargelle
www.toulouse-polars-du-sud.com
6,7,8 octobre 2017
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