Insolent d’aisance dans le chant, insolent de prestance physique, Juan Diego Flórez, la superstar péruvienne vous déconcerterait tout apprenti dans l’art lyrique. L’expression : il a tout ! lui convient parfaitement. Le divo est en récital à la Halle, ce lundi 19 juin, à 20h, dans le cadre du Cycle Grands Interprètes, cycle qui finit sa saison 2016-17 avec une affiche or et platine. Son fidèle pianiste Vincenzo Scalera l’accompagne.
Ce fils de ténor chantant des valses dans les restaurants de Lima ne jurait pourtant au départ, guitare sous le bras, que par les Stones, Led Zeppelin, un passionné de pop music et de folklore latin. A Lima, chez les Flórez, tout le monde fait de la musique. Après un passage au Conservatoire de Lima et quelques conservatoires ou instituts aux Etats-Unis, cap sur l’Italie pour un coup de chance. Après de fracassants débuts en tant que remplaçant au Teatro Rossini de Pesaro dans Corradino de Mathilde de Shabran, il vole de plus en plus haut et devient LE ténor contraltino ou le tenorino du XXIè siècle.
Sa voix a pu être comparée à une dague. Elle allie en effet le fier tranchant de la lame à la douceur sensuelle du coup adroitement porté. Dans le domaine du bel canto, sa tessiture lirico-leggero est d’une souplesse et d’une légèreté idéales. Mais, sait-on que, côté voix, l’homme a un secret, si l’on peut dire : il n’a jamais mué pendant l’adolescence. Sa voix est devenue de plus en plus grave. Il n’a jamais connu ce changement de registre que les chanteurs appellent le passaggio. Il a toujours pu chanter une gamme en montant sans la moindre coupure dans sa voix de tête. Cette transition automatique parfaite est l’un des principaux secrets techniques de sa réussite. Puis, il le reconnaît, il a eu la grande chance de rencontrer un certain Ernesto Palacio, le ténor léger préféré d’une rossinienne de génie, Marylin Horne, une rencontre déterminante, le professeur qui lui fallait, sur qui il se répand en éloges.
Ses aigus éclatent comme des soleils, et ses vocalisent jaillissent de lui comme une force vive. Funambule de l’art lyrique, il est parfait dans tout ce qu’il choisit intelligemment de chanter. Il aborde pas à pas de nouveaux rôles sans rien ignorer des capacités nécessaires alors, et sans rien ignorer non plus de l’évolution de sa propre voix. « Évidemment, je ne cherche pas une évolution radicale mais plutôt des petits changements que les gens ne perçoivent peut-être pas directement parce qu’ils concernent d’abord les sensations que je peux éprouver. Ces changements, certes, peuvent apporter un plus grand confort d’écoute pour le public mais ce dernier ne pourra pas obligatoirement l’expliquer ». La ligne de mire de tant de prudence, prudence à louer sans réserve, c’est bien sûr la longévité d’une carrière déjà exemplaire. Elle rejoint la constitution minutieuse d’un répertoire qui s’enrichit progressivement et tourne le dos à toute boulimie malvenue.
Sur scène, il ramasse tout, remplissant une salle d’opéra rien qu’avec son nom. Sincérité et élégance sont l’empreinte de son art. A vous donc, les spectaculaires ornementations du bel canto exécutées avec une aisance confondante. Grâce incomparable, panache, prestance, charisme infini, il est bien, désespérant !! Remercions alors Nicolas Joël d’avoir su programmer très tôt la nouvelle star puisque celle-ci occupait la scène du Théâtre du Capitole dans le rôle du Comte Almaviva d’un Barbier de Séville en 1998. Plus tard, un récital en janvier 2008, avec le pianiste Vincenzo Scalera, celui-là même qui l’accompagne ici, ne pourra trouver d’autres titres de compte-rendu que le mot “événement“ en capitales.
On remarquera sa discrétion quant à l’avalanche de compliments qui pourrait le submerger et l’engloutir !! : « Je ne me considère certainement pas comme le meilleur chanteur pour telle ou telle musique. Je pense avant tout être un musicien qui veut faire le mieux possible et dans ce but, je suis donc toujours à la recherche de solutions. » À la question de savoir ce qui pourrait être amélioré : « Mais absolument tout ! On peut tout améliorer. On ne peut pas savoir si l’on peut mieux chanter ou pas si l’on n’essaie pas. C’est en testant une petite chose ou une autre, en soignant ici et là sa ligne de chant, qu’on parvient peut-être à mieux chanter, à s’améliorer. Il faut constamment rester ouvert »
Programme
Rossini
La lontananza – Mélodie de Péchés de vieillesse
Bolero – Mélodie de Péchés de vieillesse
Addio ai Viennesi – Mélodie de Da voi parto, amata sponde
Mozart
Ich baue ganz – air de l’Enlèvement au Sérail
Vado incontro – air de Mitridate, re di Ponto
Rossini
Ah dove il cimento – air d’Idreno dans Sémiramis
Entracte
Leoncavallo
Mélodies – Aprile, Vieni amor mio, Mattinata
Puccini
Avete torto – air de Rinuccio dans Gianni Schicchi
Che gelida mannina – air de Rodolfo dans La Bohême
Massenet
Pourquoi me réveiller – air de Werther
Verdi
La mia letizia infondere – air d’Oronte dans I Lombardi
Lunge da lei – air d’Alfredo dans La Traviata
Il y aura bien sûr quelques bis ou “encore“. On peut espérer que ses racines très vives le conduisent vers quelques mélodies populaires car, ne dit-il pas ? : « Je suis fier de poursuivre cette tradition et je regrette que parfois les effets de mode et le souci fanatique de se protéger empêchent certains chanteurs classiques de poursuivre cette tradition d’interprétation de la variété. Dans ces musiques, il faut oublier en partie sa voix et se laisser porter par les atmosphères. »
Michel Grialou
Juan Diego Flórez (ténor)
lundi 19 juin 2017 à 20h00 (Halle aux Grains)
Mécénat / Partenariats
Nathalie Coffignal
ncoffignal@grandsinterpretes.com
Tel : 05 61 21 09 61
Juan Diego Flórez © Kristin Hoebermann
Affiche