Dans le cadre de la 3è édition du Grand Rond pète les plombs, le théâtre toulousain accueille le Détachement international du muerto coco… Tout un programme !
Toulouse a toujours fait la part belle à la poésie contemporaine ou poésie sonore, ne serait-ce qu’au travers du festival « Les Bruissonnantes » organisé par le théâtre Le Hangar, qui offre au début du printemps, pendant trois jours, une fenêtre sur cette discipline. On a pu voir, par ailleurs, cette saison à la Cave Poésie le quintette Les Parleurs – émanation des « Bruissonnnantes » – ou encore « Suite n°2 » de Joris Lacoste au théâtre Garonne. C’est au tour du théâtre du Grand Rond de s’ouvrir à la poésie performative en accueillant le Détachement international du muerto coco et ses « Lectures (z) électroniques ». Ce duo marseillais composé de Raphaëlle Bouvier et de Maxime Potard ne manque pas d’humour ! Sur le plateau est disposée leur collection d’instruments de musique : des guitares, des xylophones et des micros en plastique et encore bien d’autres jouets électroniques pour enfants, dont les gros boutons colorés déclenchent des « allo », « bonjour » « au revoir », « bisous », ou encore des « meuh », des « ouaf-ouaf » ou des « miaou ». Au rythme de ces sonorités puériles répétées en boucle et amplifiées via sampler, table de mixage, enceintes et micros, ces « récitants-performers » – comme ils se nomment – mêlent, superposent ou entrelacent leurs voix dans un phrasé parlé-chanté, créant une forme sonore inattendue et déroutante.
Mais les muerto coco ne collectionnent pas que les jouets ludo-éducatifs pour les moins de 5 ans ! Ils ont, depuis 2009, réuni une collection de textes de poésie contemporaine d’auteurs vivants pour la plupart, classée par thématique : animale, insurrectionnelle, politique, sexuelle, internationale, médicale, horrifique, urbaine, familiale et super-héroïque. Chaque soir, sur la scène du Grand Rond, le duo interprète deux lectures différentes. Parmi ce répertoire, le spectateur-auditeur peut entendre, entre autres, les mots de Jacques Roubaud, Fanny Taillandier, Annabelle Verhaeghe, Charles Pennequin, Jacques Rebotier, Christophe Tarkos, Maria Soudaïeva, Noëlle Renaude, dont le frottement au son « lo-fi » fait résonner leur sens et leur musicalité… Chaque poème donne lieu à une création musicale ou à une ambiance bruitiste singulière. De ce tissage vocal et sonore, à la fois infantile, grotesque et chaotique, se dégage alors un monde bégayant et absurde où les discours vidés de sens des communicants tendent à recouvrir les vraies voix de la pensée et de la réflexion, où la vanité des expressions toute faites devient source d’incommunicabilité risible, où la frénésie et la solitude de nos sociétés occidentales engendrent dialogues de sourds et complaintes tournant à vide. Le collectif joue de la saturation sonore pour mieux rendre compte du brouhaha incessant du monde où peinent à se faire entendre des voix humaines bâillonnées, égarées, révoltées.
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C’est loufoque mais aussi caustique et même si le dispositif frontal n’est pas le plus approprié à la proposition de ces deux hurluberlus plus adeptes du cadre intimiste de leur caravane itinérante, on a qu’une envie : revenir chaque soir découvrir leurs autres lectures (z) électroniques qui au delà de « l’idiotie » assumée de leur forme, renouent avec les origines ludiques et libres du dadaïsme et donnent voix à des poètes passionnants, en prise avec notre époque.
Une chronique de Sarah Authesserre pour Radio-Radio
du 23 au 27 mai à 21h au théâtre du Grand Rond (23, rue des Potiers, 05 61 42 85, www.grand-rond.org)
Détachement international du muerto coco