Déjà auteur, dans la même collection, d’un remarquable Rachmaninov, Jean-Jacques Groleau, actuel directeur, par intérim, du Théâtre du Capitole de Toulouse, publie aujourd’hui une biographie du pianiste Vladimir Horowitz.
Ce musicien, né en Ukraine (1903) aura tissé autour de lui une légende incroyable que sa suprême maîtrise digitale du clavier a largement contribué à installer dans le public. Véritable star, pour ne pas dire divo pour un homme qui adorait le bel canto, il a dominé le monde pianistique du 20ème siècle. Fut-il heureux pour autant ? Lui qui se rêvait comme « diseur », à l’instar de Maria Callas pour l’opéra, c’est-à-dire donnant un sens à chaque note, à chaque phrase, à chaque mélodie, était avant tout reconnu comme un virtuose sans équivalent. Ce fut le combat de sa vie. Jean-Jacques Groleau nous amène, de manière chronologique, sur les pas de cet homme, marié à Wanda Toscanini (on imagine les réunions de famille !!!) et dont la vie intime fut un tiraillement permanent vers d’autres aspirations.
Psychologiquement instable, fragile, Vladimir Horowitz dut se résoudre à plusieurs parenthèses dans sa carrière, totalement angoissé à l’idée de se retrouver devant un public qui pourtant l’adorait, quoi qu’il fît.
Lorsqu’il quitte ce monde en 1989, cet artiste nous laisse fort heureusement un témoignage discographique immense, autant studio que live, qui nous permet de porter un regard objectif sur l’art de ce musicien. Et ce que nous entendons, à l’écart de l’aura légendaire qui l’accompagnera de manière trop envahissante toute sa vie, c’est tout sauf ce que l’on peut nommer du superficiel. A l’évidence, il fut, au sens propre du terme, un interprète inspiré, original, à la recherche permanente non pas du son mais du sens et de l’émotion.
Jean-Jacques Groleau nous explique tout cela et bien d’autres choses, nous faisant vivre ce long cheminement de joie, et surtout de douleur, avec une bienveillante, opportune et malgré tout savante simplicité de ton qui laisse libre cours à l’image de cet homme d’un autre temps, ce «sorcier du clavier» qui n’eût pas de successeur, égocentrique certainement, comme tous les génies, mais qui adorait la musique de chambre en cela qu’elle permettait le partage.
Vladimir Horowitz, intranquille et incompris. Un livre particulièrement bienvenu.
Robert Pénavayre
Une chronique de ClassicToulouse
Jean-Jacques Groleau, Horowitz L’Intranquille, Actes Sud