L’hiver nous offre des journées au froid rigoureux, mais la Halle sait nous réconforter, du moins, ceux qui bravent les rafales de vent glacial sur le chemin de notre pôle de musique classique. Le jeudi 9 Février, à 20h, c’est dans le cadre du cycle Grands Interprètes, et avec le soutien de la Région OCCITANIE Pyrénées-Méditerranée, que se déroulera le concert placé sous l’autorité de la baguette émérite du chef Yannick Nézet-Séguin, ce surdoué si charismatique, dirigeant les troupes du Chamber Orchestra of Europe, et avec pour soliste, le violoncelliste Jean-Guihen Queyras, trop rare à Toulouse, dans le Concerto pour violoncelle et orchestre n°1 de Joseph Haydn. Du même compositeur, le concert ouvre avec la Symphonie n°44 tandis que la deuxième partie sera toute consacrée à la Symphonie n°6, Pastorale de ce cher Ludwig van Beethoven.
Programme
Joseph Haydn [1732-1809]
Symphonie n°44, en mi mineur “funèbre“ Hob I/44
I – Allegro con brio 30 mn
II – Menuetto (Allegretto). Trio
III – Adagio
IV – Finale : Presto
Concerto pour violoncelle et orchestre n°1, en do majeur, Hob.VIIb.1 ~ 27 mn
I – Moderato
II – Adagio
III – Finale – Allegro molto
Entr’acte ~ 20 mn
Ludwig van Beethoven [1770-1827]
Symphonie n°6 en fa majeur, “Pastorale”, opus 68 ~ 40 mn
I – Allegro ma non troppo
II – Andante molto moto
III – Allegro
IV – Allegro
V – Allegretto
Yannick Nézet-Séguin, un “Stakhanoviste“ de la direction d’orchestre, le petit frère de son illustre grand frère, un certain Valery Gergiev, et frère jumeau d’un certain Tugan Sokhiev. Des fous de musique, à l’évidence. A tout juste la quarantaine, c’est déjà tellement impressionnant que je vous livre, quelques détails en moins tout de même, la biographie de ce forçat si talentueux, une véritable “coqueluche“ internationale de la direction d’orchestre.
Yannick Nézet-Séguin a étudié le piano, la direction, la composition et la musique de chambre au Conservatoire de musique du Québec à Montréal, et la direction chorale au Westminster Choir College à Princeton, New Jersey, avant d’aller se perfectionner auprès de chefs renommés, principalement le maestro italien Carlo Maria Giulini. Un début de carrière assez extraordinaire lui permet en tant que, encore jeune chef ! d’accumuler les honneurs et les prix. Ils sont multiples. Il est aussi détenteur de trois doctorats honorifiques (Université du Québec à Montréal, 2011 ; Institut Curtis de Philadelphie, 2014 ; Université Rider de Princeton, 2015), et Compagnon de l’Ordre du Canada (2012), Compagnon des arts et des lettres du Québec (2015) et Officier de l’Ordre national du Québec (2015). Que de chemin parcouru depuis sa découverte dans un concert du dimanche à 17h, à la Halle, avec l’ONCT début des années 2000.
En 2012, le montréalais ajoute la direction musicale de l’Orchestre de Philadelphie à celle de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam, ainsi qu’à ses fonctions de Directeur artistique et chef principal de l’Orchestre Métropolitain (Montréal) qu’il assume depuis 2000. C’est énorme. Mais ce n’est pas tout : La saison 2017-2018, dixième et dernière avec l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam, sera clôturée par les festivités du centième anniversaire de cet orchestre, à Rotterdam et en Europe. En 2020-2021, il succédera à James Levine et deviendra le troisième Directeur musical du Metropolitan Opera (New York) tout en poursuivant son engagement envers l’Orchestre de Philadelphie, au moins jusqu’à l’été 2026.
Yannick Nézet-Séguin travaille avec plusieurs orchestres prestigieux et entretient une proche collaboration avec les Orchestres philharmoniques de Berlin et de Vienne, l’Orchestre de la Radio bavaroise (Munich) et le Chamber Orchestra of Europe. De 2008 à 2014, il a été chef invité principal de l’Orchestre philharmonique de Londres. Il a participé trois fois aux BBC Proms ainsi qu’à plusieurs festivals en Europe dont ceux d’Édimbourg, de Lucerne, de Salzbourg et de Grafenegg (Vienne). En Amérique du Nord, il participe régulièrement aux festivals Mostly Mozart (New York), de Lanaudière, de Vail et de Saratoga. Avec l’orchestre de Philadelphie, il se produit régulièrement à Carnegie Hall.
Activité pour lui essentielle, il adore diriger des opéras, et a fait ses débuts au Festival de Salzbourg en 2008 avec une nouvelle production de Roméo et Juliette de Gounod et il y est retourné en 2010 et 2011 pour Don Giovanni. C’est durant la saison 2009-2010 qu’il a fait ses débuts au Metropolitan Opera (MET) dans une nouvelle production de Carmen de Bizet ; depuis, il y retourne chaque saison (Otello, Don Carlo, Faust, La Traviata et Rusalka). En 2016-2017, il y dirigera Wagner pour la première fois (Der Fliegende Holländer).
Il a dirigé à La Scala (Milan), au Royal Opera House (Covent Garden, Londres), au Netherlands Opera (Amsterdam) et au Wiener Staatsoper (Vienne). En 2011, il a amorcé un cycle de sept opéras de Mozart au Festspielhaus de Baden Baden, tous enregistrés en direct par Deutsche Grammophon. Le quatrième de ces enregistrements, Le Nozze di Figaro avec le Chamber Orchestra of Europe, a paru en juillet 2016.
Les faits saillants de l’année passée incluaient, en plus de ses prestations régulières avec ses trois orchestres, Elektra à l’Opéra de Montréal, des tournées européennes avec l’Orchestre philharmonique de Rotterdam et avec le Chamber Orchestra of Europe, une tournée en Asie avec l’Orchestre de Philadelphie, deux tournées en Allemagne avec les Orchestres philharmoniques de Vienne et de Berlin, ainsi qu’une série de concerts avec l’Orchestre de la Radio bavaroise. Il a également poursuivi sa résidence au Théâtre des Champs-Élysées à Paris ainsi qu’au Konzerthaus de Dortmund. La saison se termine par un retour au Festival de Salzbourg 2016 avec le Chamber Orchestra of Europe pour Die Schöpfung de Haydn.
La saison 2016-2017 sera caractérisée, entre autres, par plusieurs tournées européennes avec l’Orchestre philharmonique de Rotterdam et le Chamber Orchestra of Europe, et par une tournée en Asie avec l’orchestre de Philadelphie.
Il sera tour à tour au Carnegie Hall et au Lincoln Center de New York, à la Philharmonie (Berlin), au Concertgebouw (Amsterdam), au Festspielhaus (Salzbourg), à l’Herkulessaal (Munich), au Théâtre des Champs-Élysées et à la Philharmonie (Paris), au Palais des Beaux-Arts (Bruxelles) et au Festspielhaus (Baden Baden). Il trouve même le temps d’enregistrer dont La Clemenza di Tito de Mozart, qui sera captée par Deutsche Grammophon en juillet 2017.
En plus de Le Nozze di Figaro, les parutions récentes de Deutsche Grammophon incluent les symphonies complètes de Schumann et Die Entführung aus dem Serail avec le Chamber Orchestra of Europe, le Sacre du printemps et les Variations Rachmaninov avec l’Orchestre de Philadelphie et Daniil Trifonov, Tchaïkovsky avec l’Orchestre philharmonique de Rotterdam et Lisa Batiashvili. La discographie de Yannick Nézet-Séguin inclut plusieurs autres enregistrements avec l’Orchestre philharmonique de Rotterdam (EMI Classics, BIS et DG), l’Orchestre philharmonique de Londres (LPO), l’Orchestre de la Radio bavaroise (BR Klassik) et l’Orchestre Métropolitain (ATMA classique).
Jean-Guihen Queyras
Elu « Artiste de l’Année » par les lecteurs du Diapason et « Meilleur Soliste Instrumental » pour les Victoires de la Musique Classique en 2008, Jean-Guihen Queyras se distingue par un éclectisme musical qui lui est cher et qui mérite largement que sa biographie vous soit offerte à la lecture, suffisamment détaillée.
Longtemps soliste de l’Ensemble Intercontemporain où son travail avec Pierre Boulez l’influence profondément (celui-ci le choisira d’ailleurs pour recevoir le Glenn Gould Protégé Prize à Toronto en novembre 2002), Jean-Guihen s’est depuis épanoui dans un répertoire qu’atteste sa discographie variée et ambitieuse.
Son interprétation des suites pour violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach chez Harmonia mundi couronne une série d’enregistrements magistraux tels que le CD « Arpeggione » avec le pianiste Alexandre Tharaud qui a obtenu les meilleures récompenses de la presse internationale, les concertos pour violoncelle de Haydn et de Monn sur l’instrument d’époque avec le Freiburger Barockorchester qui fit l’unanimité de la critique française et internationale et le magnifique concerto de Dvorák avec le Philharmonia de Prague sous la direction de Jirí Belohlávek. Il a ajouté un petit joyau de musique française (Debussy – Poulenc) dont il interprète les sonates assorties de pièces diverses avec au piano Alexandre Tharaud (Diapason d’Or de l’année 2008).
Le répertoire joué par Jean-Guihen est à la mesure de sa curiosité musicale : il a créé les concertos d’Ivan Fedele, de Gilbert Amy, de Bruno Mantovani et de Philippe Schoeller, réunis sur un CD Harmonia mundi paru au printemps 2009. Ses récitals solos offrent un écho contemporain au répertoire plus ancien qu’il présente au Triphony Hall à Tokyo ou au Théâtre du Châtelet à Paris, comme les Suites de Bach et les Echos qu’il a commandés auprès de Kurtag, Amy, Fedele, Nodaïra, Mochizuki et Harvey sous le titre « Six Suites, Six Echos » dont l’interprétation a connu un succès remarqué au Konzerthaus de Berlin, à la Musikhalle de Hambourg et à la Cité de la Musique de Paris.
Jean-Guihen est invité par les plus grands orchestres du monde entier avec lesquels il a joué sous la direction des plus grands chefs dans un louable éclectisme. Il a fait ses débuts dans la grande salle de Carnegie Hall à New York sous la direction de David Stern.
Passionné de musique de chambre, il fonde avec Tabea Zimmermann, Antje Weithaas, et Daniel Sepec le quatuor à cordes Arcanto. Les séries de concerts pour lesquelles il est l’invité d’exception à la Philharmonie d’Utrecht, au Concertgebouw d’Amsterdam, et enfin au Bijloke de Gand en Belgique lui permettent de réunir un grand nombre de ses partenaires dont Emmanuel Pahud, Isabelle Faust, Alexander Melnikov, Alexandre Tharaud et, dans un autre registre, les frères Chemirani, maîtres du zarb reconnus avec qui il improvise sur des thèmes de musique orientale.
Son premier enregistrement solo consacré aux suites pour violoncelle seul de Britten chez harmonia mundi lui a valu les éloges de la presse britannique qui le cite depuis en référence. Il est suivi d’un magnifique récital « Magyar » composé d’une sélection d’œuvres de Kurtag, Veress et Kodály qui a obtenu un Diapason d’Or. Sa discographie comprend également le Concerto pour violoncelle de Ligeti et Messagesquisse de Pierre Boulez (Deutsche Grammophon) et Tout un Monde Lointain… d’Henri Dutilleux réalisé avec l’Orchestre de Bordeaux-Aquitaine pour Arte Nova.
Jean-Guihen est Professeur à la Musikhochschule de Freiburg-en-Brisgau et co-directeur artistique des Rencontres Musicales de Haute-Provence qui ont lieu chaque année au mois de juillet à Forcalquier.
Depuis novembre 2005, Jean-Guihen Queyras joue un violoncelle de Gioffredo Cappa de 1696, prêté par Mécénat Musical Société Générale.
Chamber Orchestra of Europe
Là aussi, biographie relativement détaillée pour cet orchestre si original de composition et d’intérêt.
Désigné comme “le meilleur orchestre de chambre du monde” (BBC Two Television, 2011), le Chamber Orchestra of Europe a été créé en 1981 par un groupe de musiciens issus de l’Orchestre des Jeunes de l’Union Européenne. Ses membres fondateurs avaient pour ambition de continuer à travailler ensemble au plus haut niveau et aujourd’hui treize d’entre eux font toujours partie de cet orchestre d’environ 60 membres.
Tous poursuivent parallèlement leur propre carrière musicale, qu’ils soient solistes internationaux, chefs de pupitre au sein de divers orchestres nationaux, membres d’éminents groupes de musique de chambre ou professeurs dans les écoles de musique les plus réputées. La richesse culturelle et l’amour partagé de la musique sont au cœur de chacun des concerts du COE.
Le COE se produit dans les plus grandes salles d’Europe. Le COE est un invité régulier du Festival de Lucerne et du Styriarte de Graz ainsi que des événements musicaux les plus prestigieux comme les BBC Proms de Londres, le Festival d’Edimbourg et le Mostly Mozart Festival à New York.
Au fil des années, le Chamber Orchestra of Europe a tissé des liens solides avec nombre de très grands chefs et solistes.
En seulement trente-cinq ans, le Chamber Orchestra of Europe a enregistré plus de 250 œuvres avec la plupart des grandes maisons de disque actuelles. L’Orchestre a remporté de nombreux prix internationaux, notamment trois “Disques de l’Année” (Magazine Gramophone) – Viaggio a Reims de Rossini et les Symphonies de Schubert sous la direction de Claudio Abbado, et les Symphonies de Beethoven dirigées par Nikolaus Harnoncourt. Le COE a également remporté deux Grammys et le MIDEM lui a décerné le prix du “Classical Download”. Par ailleurs, le COE est le premier orchestre à avoir fondé son propre label, “COE Records”, en association avec Sanctuary Records, une filiale d’Universal Music.
L’enregistrement de L’Enlèvement au Sérail de Mozart avec Yannick Nézet-Séguin, sorti en Juillet 2015, a été nominé pour le Grammy du Meilleur Disque d’Opéra 2016. Juillet 2016 voit la sortie des Noces de Figaro de Mozart avec Yannick Nézet-Séguin chez Deutsche Grammophon. Parmi les prochaines sorties disques du COE, on compte une intégrale des symphonies de Mendelssohn, enregistrée à la Philharmonie de Paris en Février 2016, également avec Yannick Nézet-Séguin pour Deutsche Grammophon.
Le COE compte à son actif de nombreux DVD. L’Orchestre a développé des relations solides avec la société de production Idéale Audience et le Festival Styriarte dans le cadre de DVD de concert.
Le COE a développé un programme éducatif destiné aux écoles, conservatoires et salles de concert permettant aux jeunes et aux nouveaux publics de faire l’expérience directe de la musique de chambre et d’orchestre à haut niveau. Le COE a créé sa propre Académie en 2009 et, chaque année, accorde une bourse à des étudiants particulièrement doués et à de jeunes professionnels, leur offrant l’opportunité de se perfectionner avec les chefs de pupitre de l’Orchestre en tournée.
Aujourd’hui dépourvu de toute subvention publique, le COE est soutenu généreusement, depuis sa création, par les Amis de l’Orchestre, plus particulièrement la Fondation Gatsby, sans qui il ne pourrait survivre. Les différents pupitres sont soutenus par tel ou tel mécène, comme, Violon Solo par Dasha Shenkman, Violoncelle Solo par un donateur anonyme, Contrebasse Solo par Sir Sigmund Warburg’s Voluntary Settlement, Hautbois Solo Flûte Solo par le Rupert Hughes Will Trust en mémoire de feu Rupert Hughes, et Trompette Solo par l’Underwood Trust.
Symphonie n°6 en fa majeur, “Pastorale”, opus 68
Symphonie pastorale, ou, souvenir de la vie champêtre.
Création le 22 Décembre 1808 sous la direction du compositeur, à Vienne en même temps que la 5ème, les numéros inversés.
Dédiée au Prince Franz Joseph von Lobkowitz et au Comte Andreas Rasumowsky.
1. Allegro ma non troppo
Eveil d’impressions agréables en arrivant à la campagne
1. Andante molto mosso
Scène au bord du ruisseau
III. Allegro
Joyeuse assemblée des paysans
1. Allegro
Orage – tempête
1. Allegretto
Chant des bergers – Sentiments joyeux et reconnaissants après l’orage
Les trois derniers mouvements sont enchaînés.
Durée moyenne d’exécution : 40-46 minutes (suivant, que certaines reprises sont effectuées ou non, et aussi l’interprétation du chef).
Composition de l’orchestre : 2 flûtes ; les autres bois par 2 ; 2 cors ; 2 trompettes ; 2 timbales ; les cordes. Sont ajoutés pour des épisodes très limités, le piccolo qui évoque le hurlement du vent, et les deux trombones qui interviennent dans le quatrième mouvement au plus fort de l’orage déchaîné ; dans le Finale les trombones vont renforcer de leurs accents solennels, les tutti du chant d’action de grâces.
» Mais la poésie de Beethoven !…
Et cette vie de tout ce qui repose !…
Le ruisseau est l’enfant qui court en gazouillant vers le fleuve !…
Le fleuve père des eaux qui,
dans un majestueux silence,
descendant vers la grande mer !…
Puis l’homme intervient, robuste, religieux…
ses joyeux ébats interrompus par l’orage… ses terreurs…
Son hymne de reconnaissance… «
Hector Berlioz
A travers chants à propos de la Pastorale
La Symphonie Pastorale occupe une place à part dans la production “beethovenienne”. Seule œuvre consacrée à la nature, elle est aussi la seule à avoir un programme explicite. Sur le plan musical elle est également très différente des autres symphonies dont elle brise le schéma classique : elle est composée de cinq mouvements au lieu de quatre, mais, surtout, les troisième, quatrième et cinquième constituent un tout dans lequel le Scherzo se rattache directement au Rondo final en créant une structure nouvelle. Nous sommes là au seuil du “poème symphonique”, non-point dans le sens “littéraire” que lui donne plus tard Berlioz par sa Symphonie fantastique de 1830, mais plutôt ici dans le sens de ce programme intérieur qui, à travers Schumann aboutira aux grandes pages de Gustav Mahler.
Dans sa Pastorale, Beethoven refuse le caractère descriptif (“Tongemälde”) de certaines œuvres du XVIIIème même si certains éléments en relèvent comme : chants d’oiseaux, murmures du ruisseau, coup de tonnerre, etc. ; il opte pour une structure narrative déterminée par les titres qu’il donne lui-même aux mouvements. Mais le descriptif et le narratif sont secondaires, l’essentiel de sa musique résidant en effet dans sa fonction évocatrice.
Pour notre “Tondichter”, la nature est tout simplement son grand amour. Comme Rousseau, c’est une amie fidèle et consolante ; il s’y réfugie dans ses heures de misanthropie, la surdité grandissante l’en rapprochant davantage encore. Il est finalement comme ses grands contemporains qui eux aussi recherchaient cette communion avec la nature, un Chateaubriand, un Goethe. Par ses origines, il est en plus de racine flamande, de cette contrée qui va compter les premiers paysagistes. On a parlé de Poussin à propos de la Pastorale. D’aucuns préfèrent rapprocher cette n°6 de Rubens “le premier des hommes”. Et comment ne pas penser aux fonds orageux de certaine kermesse du “Maître d’Anvers”, celle qui évoque d’ailleurs l’Assemblée de paysans de l’Allegro.
Dans une lettre à Thérèse Malfatti, il s’écriera: « Je suis si joyeux quand une fois je puis errer à travers les bois, les taillis, les arbres, les rochers. Personne ne peut aimer la campagne autant que moi ! ».
Enfin, concernant cette Pastorale, le compositeur notera en marge des esquisses, ses intentions qui sont on ne peut plus claires « plutôt expression de la sensation (Empfindung) que peinture (Mahlerei) » ; ou encore – 1807 – « Tout spectacle perd à vouloir être reproduit trop fidèlement dans une composition musicale – sinfonia pastorella – … » ; et en 1808 : « la Symphonie Pastorale n’est pas un tableau ; on y trouve exprimées, en nuances particulières, les impressions que l’homme goûte à la campagne ».
- Allegro ma non troppo. Eveil d’impressions agréables en arrivant à la campagne.
A noter que “agréable” se dit en allemand angenehm et que le mot heiterer utilisé par l’auteur est intraduisible en sa nuance de souriante gaieté et d’allègre euphorie.
Dès le paisible premier thème principal, l’atmosphère heureuse est établie ; chanté par les violons il est soutenu par altos et violoncelles. Ce thème est un véritable motif conducteur car sa rythmique sautillante et joyeuse va se retrouver tout au long de l’oeuvre. Les thèmes “acolytes” vont conforter ces impressions, emplis d’un profond sentiment de bonheur et de consentement !
Beethoven s’enivre littéralement de ce rythme qui revient et revient encore, le motif dans son entier ou juste suggéré. Ecoutez la clarinette bavarder joyeusement avec le basson. Repérez la flûte qui ajoute “son grain de sel”. Traquez les modulations du thème principal données par les différents pupitres des cordes et par les bois.
Enfin l’orchestre termine en douceur ce premier mouvement qui évoque si délicieusement les impressions de calme que peut inspirer la nature.
- Andante molto mosso. Scène au ruisseau.
Il ne nous reste plus qu’à cheminer comme Beethoven dans cette paisible vallée de Heiligenstadt (d’où il date son fameux Testament), à la rencontre du “Scheiberbach”, le dit ruisseau. Très piano, un dessin obstiné aux cordes créé l’atmosphère calme et rêveuse ; vous ne pouvez pas ne pas entendre le léger bruit de l’eau, le “murmure des ruisseaux” ou le bruissement de la brise dans les feuillages ! Ces douces ondulations servent presque sans arrêt d’arrière plan sonore aux différents thèmes du mouvement. Aux violons, des séries de petites trilles imitent le chant des oiseaux tandis que les cors en décalage rythmique tout en douceur complètent l’évocation des ondulations de l’eau. Sans oublier les petits clapotis de l’eau sur les cailloux qu’elle contourne.
Quant aux détails, c’est trop riche. Peut-être aurez-vous loisir de repérer un thème plus bucolique que jamais joué au basson, douce et plaintive phrase marquée aux cordes graves par des pizzicati. Point de trompettes, ni trombones, ni timbales ; les violons eux-mêmes dépassent rarement leur registre médium, d’où une sonorité à la fois plus recueillie et plus voilée.
Climat rêveur et poétique et bruissements enchanteurs de la nature se poursuivent. Repérez les traits aux bois. Sur les indications formelles du compositeur, ces instruments vont évoquer tour à tour le rossignol par la flûte tandis que le hautbois lui répond imitant la caille, sans oublier les clarinettes pour l’évocation du coucou. Tout cela avant que le rêve heureux ne se perde pianissimo après un dernier rappel du prolongement du premier thème. Douce béatitude, plénitude totale, … uniquement par la musique.
III. Allegro (Scherzo avec Trio). Joyeuse réunion de campagne.
On le sait, Beethoven préfère les arbres aux hommes. Il l’a dit à plusieurs reprises : « J’aime mieux un arbre qu’un homme » ou bien encore « Dans les bois c’est comme si chaque arbre me disait : Saint ! Saint ! Saint ! ».
Pourtant le voilà qui revient parmi ses congénères avec empressement. Le grand encyclopédiste Grove nous informe : « La composition se tourne maintenant vers les êtres humains qui peuplent ce délicat paysage; le sentiment change brusquement et nous sommes transportés d’une contemplation calme et gracieuse à une gaieté bruyante et frustre ». Maintenant, attention, il est bien dit une réunion de campagnards, de paysans ; ceci pour justifier l’écriture musicale de ce Scherzo avec Trio ; on abandonne le côté diaphane, délicat, gracieux, sublimement léger, féminin de l’andante. C’est bien une assemblée de rustauds.
Rousseau aussi, est déjà passé par là et les campagnards qui vivent continuellement au contact de dame Nature sont de ce fait, dans l’âme (!) vertueux et purifiés. Beethoven les aime beaucoup avec leurs réjouissances rudes et bruyantes. Adieu le menuetto comme le scherzo des symphonies précédentes et remplaçons les par de solides et gaillardes danses paysannes.
Vous suivrez l’attaque par les cordes, auxquelles se mêleront par la suite les bois et après plusieurs reprises c’est le tutti qui s’empare de ces rythmes pour aboutir, avec un vigoureux sforzando à l’unisson à une formule d’accompagnement que cors et bassons transmettent plus ou moins pesamment aux violons.
Vous repérerez un amusant dialogue entre hautbois et bassons, puis clarinettes et bassons prennent le relais et les cors s’en mêlent.
Vous ne pourrez rater un court trait aux contrebasses qui introduit une bourrée à deux temps marquée par bois, cuivres et cordes graves, les violons accentuant le motif rude et caractéristique. Résultat ? on voit les paysans frappant lourdement la terre de leurs sabots! Tout cela se termine par un éclat aux trompettes, restées silencieuses jusque-là.
Le mouvement s’achève par une reprise écourtée du scherzo qui ne vous échappera pas ; le tempo s’accélère vers la fin ; d’allegro on passe à presto anticipant l’arrivée de l’orage.
Enchaînement immédiat.
- Allegro. Orage – Tempête.
Beethoven n’est pas un compositeur de musique descriptive on l’a dit et cette page est très exceptionnelle dans son oeuvre ; elle ne monopolise pas des quantités d’instruments supplémentaires ; la tempête ne sera pas terrifiante mais, tout de même. Le seul ajout rayon batterie, c’est l’insuffisante timbale. Le mode mineur suffira à jeter une teinte sombre sur le paysage, celui sur lequel un ravissant passage à la flûte ramènera l’arc-en-ciel.
L’effet est cependant très réussi et sans difficulté vous pourrez suivre les grondements lointains, l’orage qui surprend les villageois, les premières gouttes de pluie, les rafales de vent, ils courent se mettre à l’abri ; pluieI, orage I, pluie II, orage II, accalmie !
A l’apogée du mouvement, comment recréer la violence de l’orage qui redouble ? Vous aurez là, pour arriver au paroxysme sonore, les trombones faisant leur entrée dans la symphonie et qui par leur sonorité éclatante s’ajoutent aux roulements de timbales, aux trémolos des violons, aux quintolets des violoncelles, aux double-croches des contrebasses. Berlioz était un grand admirateur de ce mouvement ; le mieux est de reprendre ses propos : « Ceux qui ont entendu ce morceau savent seuls à quel degré de puissance et de sublime peut atteindre la musique pittoresque entre les mains d’un homme comme Beethoven. Pendant que les basses grondent sourdement, le sifflement aigu des petites flûtes nous annonce une horrible tempête sur le point d’éclater ; l’ouragan s’approche, grossit ; un immense trait chromatique, parti des hauteurs de l’instrumentation, vient fouiller jusqu’aux dernières profondeurs de l’orchestre, y accroche les basses, les entraîne avec lui et remonte en frémissant comme un tourbillon qui renverse tout sur son passage ».
Enchaînement direct avec le finale.
V. Allegretto. Chant de bergers. Sentiment de contentement et de reconnaissance après l’orage.
Le prélude est très simple ; il utilise les notes jouées à la clarinette puis au cor avec soutien aux altos et violoncelles ; le compositeur souhaitait, paraît-il, recréer ainsi le ronflement sympathique qu’est la basse continue de la cornemuse, instrument pastoral par excellence. Ce prélude est un “ranz des vaches”, un air populaire que les bergers et les bouviers suisses chantent et jouent sur le cor des Alpes en gardant leurs troupeaux dans la montagne.
Retrouvez à chaque fois ce magnifique thème qui va subir variations, imitations, et qualifié même de “monnayé” car en double-croches d’où son effet fluide et ondulant. Vous l’aurez dès le départ après les vingt secondes du prélude ; la mélodie est jouée d’abord avec grâce par les premiers violons ; elle est reprise ensuite crescendo un octave plus bas par les seconds violons, accompagnée de battements de double-croches aux autres violons qui ajoutent un belle vibration à ce passage ; elle est redonnée enfin, fortissimo, avec solennité, par le tutti …
On passe directement à la fin, où dans la coda presque toute dans la nuance pianissimo, Ludwig élève vraiment ce thème à son plus haut degré d’expression toute religieuse. Et le cor “con sordino” exhale une dernière fois l’esquisse comme au début, pendant qu’à tour de rôle les cordes l’ornent d’une petite arabesque.
La Pastorale fut jouée pour la première fois en France le 29 mars 1829.
« Aujourd’hui, tu seras avec moi en Paradis » – Parole du Christ en croix au larron – caractérisation par Richard Wagner de la Pastorale.
Citation de Wilhem Furtwängler qui a fait sien ces quelques mots à propos de la 6ème dans son ouvrage : Entretiens sur la musique –
Michel Grialou
Chamber Orchestra of Europe
Yannick Nézet-Séguin (direction)
Jean-Guihen Queyras (violoncelle)
jeudi 9 février 2017 à 20h00
Halle aux Grains
Mécénat / Partenariats
Nathalie Coffignal
ncoffignal@grandsinterpretes.com
Tel : 05 61 21 09 61
.
Crédit photo
Yannick Nézet-Séguin / Jean-Guihen Queyras © Marco Borggreve
Chamber Orchestra of Europe @ Eric Richmond