À Toulouse, le festival international de danse contemporaine témoigne des tensions actuelles qui déchirent le monde.
Rendez-vous proposé par le Centre de Développement chorégraphique de Toulouse, le festival international de danse contemporaine a cette année le souci de faire écho aux actuels enjeux géographiques exacerbés qui mettent en tension la planète. Complétés par une conférence à l’Université Paul Sabatier, une projection à la Cinémathèque de Toulouse et une journée d’études à l’Université Jean Jaurès, les travaux de la plupart des chorégraphes invités témoigneront ainsi d’un monde déchiré par les guerres et les déplacements de populations.
Présenté au TNT, « Nicht schlafen » (photo) s’appuie à la fois sur la musique crépusculaire de Mahler écrite juste avant les grandes conflagrations du XXe siècle, à la croisée du romantisme finissant et de la modernité naissante, et sur les polyphonies congolaises de Kinshasa des musiciens et danseurs Boule Mpanya et Russell Tshiebua. Création du chorégraphe belge Alain Platel, ce spectacle total rassemble musique, danse et formes plastiques, exhibant sur le plateau une humanité fragile, naviguant à vue dans une époque d’incertitudes et de confusion.
À l’Estive de Foix, « Du désir d’horizons » du Burkinabé Salia Sanou est une transcription distanciée et universelle du périple des exilés, de leur marche harassante à leur arrivée dans un camp, jusqu’au projet d’un nouveau départ vers d’autres horizons porteurs d’espoir. En réponse au «No Future» des années punk, Faustin Linyekula réunit dans « More more more… future » des artistes phares de la scène congolaise pour un vrai concert qui réveille les vivants dans un feu d’artifice de créativité débridée, à apprécier au TNT. Présenté au CDC, le solo « Man anam ke rostam bovad pahlavan » de l’Iranien Ali Moini renouvelle le pas de deux par l’utilisation d’une marionnette de taille humaine, qu’il active lui-même grâce à un système de câbles et de poulies reliés à des points de son corps.
Dans « Africaman Original », solo aux allures de stand up chorégraphié et chanté, le Nigérian Qudus Onikeku dialoguera avec le public du Théâtre Sorano. S’appuyant sur les pas de danses traditionnelles syriennes, Mithkal Alzghair atteint l’universel en racontant dans « Déplacement » des histoires individuelles, celle de l’artiste comme celle des réfugiés en fuite. Présenté à la Fabrique de l’Université Jean-Jaurès, le solo « la Esclava » est le défi de l’Argentine Ayelen Parolin lancé à Lisi Estaràs, celui de raconter son autobiographie grâce à un collage d’extraits de pièces qu’elle a interprétées au cours de son parcours de danseuse. Dans le duo « Akoma mia volta » au Théâtre des Mazades, Claire Cauquil décrit la transformation de la société grecque après la débâcle économique…
Parmi d’autres spectacles à l’affiche, signalons la reprise de « Removing », de Noé Soulier, vu la saison dernière au CDC dont il est actuellement l’artiste associé. Du C.N.S.M. de Paris à l’École nationale de ballet du Canada, en passant par la fameuse école PARTS (Performing Arts research and training Studios) à Bruxelles, Noé Soulier s’est formé au classique autant qu’à une approche contemporaine de la danse. Devenu chorégraphe, il s’affirme comme une véritable machine à déconstruire le mouvement.
Dans la continuité de ses précédentes pièces présentées par le CDC de Toulouse – le solo « Mouvement sur mouvement » et « Corps de ballet » pour dix-sept danseurs -, « Removing » (photo) interroge la manière «dont on perçoit et dont on interprète les gestes». Cette création pour six interprètes est de nouveau présentée à Toulouse, à l’auditorium Saint-Pierre-des-Cuisines. Également interprète, il signe là un nouvel objet insolite et invente un langage inédit à partir des codes de la danse classique et d’autres pratiques corporelles.
«Si un performeur attrape un verre d’eau, on ne va probablement pas observer la complexité des mouvements qu’exécutent sa main et son avant-bras, on va simplement remarquer qu’il attrape un verre. On a donc toujours cherché à retirer ce qui permettrait une identification immédiate du but pratique pour que l’attention soit dirigée vers le mouvement. En même temps, on essaie de préserver ce but pratique dans l’intention du danseur pour donner à voir les qualités motrices qu’il produit, d’où le titre « Removing »», explique le chorégraphe. Celui-ci construit ses pièces à partir de gestes isolés de leur contexte et enchaînés jusqu’à produire une suite chorégraphique.
Jérôme Gac
Du 23 janvier au 4 février,
à Toulouse, Tournefeuille et Foix.
CDC, 5, avenue Étienne-Billières, Toulouse. Tél. : 05 61 59 98 78.
Et aussi :
« Nicht schlafen »,
mardi 31 janvier, 20h30, au Parvis
Scène nationale de Tarbes,
Le Méridien, route de Pau, Ibos.
Tél. : 05 62 90 08 55.